L’Église catholique et les autochtones du Canada en dates
Depuis l’arrivée des premiers prêtres français sur les côtes du Canada au 16e siècle jusqu’à la présentation officielle des excuses de l’Église catholique pour son rôle dans l’assimilation forcée des populations indigènes en 2021, près de cinq siècles se sont déroulés.
Depuis l’arrivée des premiers prêtres français sur les côtes du Canada au 16e siècle jusqu’à la présentation officielle des excuses de l’Église catholique pour son rôle dans l’assimilation forcée des populations indigènes en 2021, près de cinq siècles se sont déroulés.
Alors que le pape François s’apprête à effectuer un voyage de réconciliation et de guérison du 24 au 30 juillet 2022, voici une chronologie des grands épisodes qui ont marqué les rapports entre l’Église catholique et les autochtones du Canada.
I. La découverte d’un Nouveau Monde et de nouveaux peuples
1493: Le pape Alexandre VI, s’appuyant sur la bulle Terra Nullius (1095) d’Urbain II, proclame la bulle Inter Caetera qui autorise les souverains européens à se rendre maîtres du ‘Nouveau Monde’ découvert un an plus tôt.
1534: Un des deux prêtres accompagnant l’explorateur Jacques Cartier – Dom Guillaume Le Breton et Dom Antoine – célèbre la première messe sur les terres d’Amérique du Nord le 7 juillet à Gaspé, à l’entrée de l’embouchure du fleuve Saint-Laurent.
1537: Le pape Paul III publie l’encyclique Vero homines qui reconnaît la nature humaine des habitants du Nouveau Monde et leur capacité à recevoir la foi chrétienne. La même année dans la bulle Sublimis Deus, il condamne toute pratique de l’esclavage des «indiens» ou de «tout autre peuple qui viendrait à être découvert».
II. La première évangélisation des autochtones du Canada
1610: Le chef Mawpiltu – ou Membertou – du peuple Micmac, est baptisé avec 21 membres de sa famille par l’abbé Jessé Fléché. Premier autochtone baptisé d’Amérique du Nord, il prend le nom de Henri en l’honneur du roi Henri IV, qui a été assassiné à Paris un mois auparavant.
1620: Les prêtres récollets ouvrent les premiers pensionnats pour jeunes indiens.
1623: Les prêtres récollets Joseph Le Caron, Gabriel Sagard et Nicolas Viel débutent l’évangélisation des autochtones de Huronie.
1634: Les jésuites prennent le relais des récollets en établissant des missions auprès des Hurons, peuple qui est décimé par une épidémie de petite vérole. C’est pendant cette période que plusieurs membres de la Compagnie de Jésus connaissent le martyre aux côtés des Hurons, attaqués par les Iroquois. Les «relations» des Jésuites tels que celles de Jean de Brébeuf constituent les premières études linguistiques et anthropologiques sur les nations autochtones.
1665: Naissance de Kateri Tekakwitha, première sainte autochtone du Canada.
III. L’évangélisation de l’Ouest et du Nord
1818: L’abbé Joseph-Norbert Provencher est envoyé au nord du Canada par l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, pour évangéliser la Rivière-Rouge dans l’est de la province. C’est la première entreprise missionnaire qui s’éloigne au nord de l’axe qui va du Saint-Laurent jusqu’aux Grands-Lacs, seule partie jusqu’alors colonisée.
1876: Dans les années qui précèdent la publication de la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada encouragent l’Église catholique à installer des pensionnats pour les autochtones dans l’Ouest du pays, finançant l’installation et l’entretien des établissements. L’Église – les diocèses ou des communautés catholiques – se verra confier 68 pensionnats sur 139 mis en place par le gouvernement, soit 49% des établissements conventionnés. Il existera aussi quelques établissements non conventionnés.
1892: Le gouvernement canadien confie aux Oblats de Marie Immaculée le pensionnat de Kamloops.
1912: Arrivée des Oblats de Marie Immaculée en baie d’Hudson et début de l’évangélisation des Inuits. Ils ouvrent un hôpital et une école résidentielle.
1943: Pie XII déclare Kateri Tekakwitha vénérable.
IV. La remise en question du passé
1975: La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) publie un rapport intitulé: ‘Le développement au Nord: à quel prix?’’ dans lequel l’impact de l’exploitation des ressources naturelles sur les peuples autochtones est examiné.
1976: Des évêques canadiens participent pour la première fois à la Semaine nationale des revendications territoriales dans les Territoires du Nord-Ouest avec des représentants des Premières nations, des Métis et des Inuits.
1978: La commission des affaires sociales de la CECC dénonce l’exploitation minière de la région du Lac Baker.
1979: 15 pensionnats pour autochtones fonctionnent encore au Canada.
1980: Jean-Paul II déclare Kateri Tekakwitha bienheureuse.
1981: Le président de la commission des affaires sociales de la CECC dénonce les conséquences négatives pour les autochtones des projets pétroliers et gaziers du gouvernement.
1984: Une liturgie de la Parole est célébrée avec les peuples autochtones du Canada par Jean-Paul II au sanctuaire des martyrs canadiens de Huronie. Le pape reconnaît les «injustices» commises par les colons et prononce un plaidoyer pour les droits des autochtones.
1986: L’Église unitarienne du Canada présente ses excuses officielles aux Premières Nations.
1987: Le pape Jean-Paul II se joint aux peuples autochtones lors d’une célébration spirituelle à Fort Simpson. Son étape dans les Nouveaux Territoires intervient après un passage à Phoenix aux États-Unis pendant lequel le pontife a reconnu les torts commis par l’Église dans le passé contre les autochtones d’Amérique du Nord. À Fort Simpson, il prononce ce discours: «Les nobles traditions des tribus indiennes se sont trouvées renforcées et enrichies par le message de l’Évangile. […] Dès lors, non seulement le christianisme est-il très valable pour les peuples indiens, mais le Christ, par les membres de son corps, est lui-même Indien.»
1989: Un grave scandale d’abus sexuels est révélé dans un orphelinat de Mount Casher, en Terre-Neuve. L’orphelinat était géré par la congrégation des Frères chrétiens.
1990: Le président de la CECC écrit au Premier ministre canadien pour l’inviter à reconnaître les droits des Autochtones. La même année, Phil Fontaine, chef de l’Association des chefs du Manitoba, rencontre des représentants de l’Église catholique pour exiger la reconnaissance des abus physiques et sexuels perpétrés dans les pensionnats.
V. Les premières excuses
1991: Une rencontre nationale sur les pensionnats se tient à Saskatoon, lors de laquelle plusieurs évêques expriment leurs regrets face aux «souffrances» et «l’aliénation» infligée aux autochtones dans les pensionnats, notamment des abus sexuels. Les diocèses impliqués s’engagent à mettre en place des ‘forums de dialogue’. Quelques semaines plus tard, la conférence oblate du Canada présente ses excuses aux Premières nations.
1992: Mgr Austin Burke, archevêque de Halifax, est le premier évêque à reconnaître publiquement la douleur causée par les pensionnats indiens. L’année suivante, il se rend dans la réserve de Millbrook pour présenter ses regrets.
1992: À l’occasion du 500e anniversaire de l’Évangélisation des Amériques, publication par la CECC du texte: «Vers une nouvelle évangélisation». Dans celui-ci, la conférence affirme que «l’histoire du christianisme dans les Amériques n’est pas une leyenda negra, une ‘légende noire’, mais ce n’est pas non plus un récit impeccable de gloire», et reconnaît des «accommodements» avec les exigences de l’Évangile. Elle déplore de plus l’appauvrissement et les discriminations contre les autochtones du Canada, et prône une société plus «tolérante, inclusive et juste» à leur égard.
1993: L’Église anglicane présente officiellement ses excuses aux Premières nations du Canada.
1993: Le père Peter Kolvenbach, supérieur général des Jésuites, présente ses excuses aux autochtones des Amériques pour les erreurs commises par son ordre dans le passé.
1993: La CECC présente un mémoire intitulé «La Justice comme un fleuve puissant» à la Commission royale sur les peuples autochtones. L’Église y reconnaît qu’elle a pu «patauger dans des eaux troubles» dans son passé missionnaire. Sont notamment reconnus certains échecs de l’activité évangélisatrice, notamment quand elle était marquée «par le sentiment de supériorité de la culture européenne qui prévalait alors», s’exprimant notamment dans un modèle de «charité paternaliste» qui a pu passer par «la coercition et les mesures de contrôle». Elle encourage la mise en place d’un chemin de justice et de guérison.
1994: L’Église presbytérienne reconnaît ses torts vis-à-vis des Premières nations du Canada.
1996: La commission royale sur les peuples autochtones, mise en place pour examiner l’état des relations du pays avec les autochtones, publie un rapport dans lequel un chapitre entier est consacré aux pensionnats. Le pensionnat Gordon dans le Saskatchewan, dernier pensionnat fédéral pour autochtones, ferme ses portes.
1997: Création de l’Assemblée des Premières nations, une organisation politique représentant les peuples autochtones du Canada. Phil Fontaine en devient le premier représentant.
1998: Fondation du Conseil autochtone catholique du Canada, instance consultative de la CECC.
1999: La commission pour l’évangélisation des peuples publie un ‘Appel à la redécouverte, à la reconnaissance et à la mise en valeur du patrimoine spirituel des peuples autochtones du Canada’. Évoquant la nécessité d’un «examen de conscience», sont reconnues dans ce texte les «dimensions de l’histoire de la mission catholique qui ont contribué aux souffrances des peuples autochtones», évoquant «les fautes, les erreurs et les faits scandaleux qui, dans l’Église, ont empêché l’accès à l’entière liberté qu’apporte l’Évangile». La même année, le président de la CECC commence à travailler avec le chef national des Premières nations Phil Fontaine sur un protocole d’accord.
2001: Le gouvernement élabore un plan de compensation avec les Églises catholique, anglicane, unitarienne et presbytérienne.
VI. Lancement du chemin de vérité et de réconciliation
2008: Lancement de la Commission de Vérité et de Réconciliation par le gouvernement canadien, qui enquête sur sa responsabilité et celle des institutions religieuses.
2009: Le pape Benoît XVI reçoit au Vatican le chef Phil Fontaine. Le pontife exprime sa «tristesse» face au traitement «déplorable» des élèves autochtones. Tout en reconnaissant qu’il ne s’agissait pas d’excuses officielles, le chef Fontaine dit espérer que cela «tournera la page» sur la question des excuses.
2009: Mgr Murray Chatlain, évêque de Mackenzie-Fort Smith, présente ses excuses aux autochtones pour les pensionnats, se disant désolé du «rôle significatif» joué par l’Église, mettant en cause le «bagage d’arrogance coloniale» de l’époque.
21 octobre 2012: Le pape Benoît XVI canonise Kateri Tekakwitha à Rome.
2015: La CECC publie sa réponse au rapport et aux appels à l’action de la Commission de Vérité et de Réconciliation. Elle reconnaît que les membres de l’Église ont «parfois été spirituellement aveugles» et demande l’établissement d’un «dialogue sérieux» entre l’Église et les autochtones. Elle se dit prête à répondre aux appels à l’action lancés dans le rapport de la commission.
2016: L’Église catholique soutient l’adoption et l’application de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Dans un document, ils reconnaissent aussi les «idées erronées» de la doctrine de la découverte et le principe de la «terra nullius«.
2016:Fondation du Cercle Notre-Dame de Guadalupe, coalition d’associations de l’Église catholique travaillant au dialogue avec les autochtones.
2018: Entre février et juillet, des cercles d’écoute des autochtones sont organisés dans tout le Canada. Les évêques canadiens rendent visite au pape François qui évoque la possibilité d’un voyage au Canada.
VII. Le retour du scandale des pensionnats
27 mai 2021: Les tombes supposées de 215 enfants sont découvertes à proximité du pensionnat de Kamloops. Les suppositions, s’appuyant sur quelques témoignages, ne peuvent être étayées les tombes n’ayant pour l’heure pas encore été ouvertes. Les évêques canadiens réagissent en disant leur «profonde tristesse» face à cette nouvelle.
21 juin 2021: L’Église canadienne organise une journée de prière pour la tolérance, le pardon et la réconciliation à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones.
23 juin 2021: 751 tombes anonymes sont découvertes sur le site du pensionnat de Marieval en Saskatchewan. L’établissement était administré par les Sœurs de Saint Joseph de Saint-Hyacinthe. Les tombes n’ont pas encore été fouillées.
30 juin 2021: 182 tombes non marquées sont découvertes grâce à un radar à proximité de l’école résidentielle de Cranbrook, en Colombie britannique. Cependant, elles se trouvent sur un terrain occupé par le passé par un cimetière, ce qui rend difficile, de l’avis des représentants des Premières nations, de savoir si ces tombes contiennent des dépouilles d’anciens élèves.
1er juillet 2021: Pendant le mois de juin, plus d’une vingtaine d’églises, majoritairement catholiques, ont été brulées lors d’incendies criminels.
29 juillet 2021: La CECC annonce l’envoi d’une délégation autochtone de survivants des pensionnats, de représentants et de jeunes à Rome pour rencontre le pape en décembre 2021. À cause du Covid-19, la rencontre est repoussée à 2022.
24 septembre 2021: La CECC présente ses excuses officielles aux peuples autochtones du Canada: «nous exprimons notre profond remords et nous présentons des excuses sans équivoque».
27 septembre 2021: La CECC annonce un engagement financier national de 30 millions de dollars pour soutenir les initiatives de guérison et de réconciliation avec les autochtones.
24 mars-1er avril 2022: Réception d’une délégation d’évêques et de représentants des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada au Vatican. Le pape François reçoit et écoute les témoignages de chaque délégation. Il demande pardon pour les torts commis par l’Église et annonce sa volonté de se rendre prochainement au Canada pour rencontrer les autochtones dans leur pays.
6 juin 2022: Dernière découverte de pensionnats en date: 190 tombes non-marquées sont découvertes à Pine Falls à proximité d’un ancien pensionnat gérée par les oblats de Marie immaculée. Depuis le début des années 1990, ce sont en tout 2301 tombes non marquées qui ont été découvertes à proximité de pensionnats (dans 93% des cas administrés par les catholiques). Presque aucune démarche d’identification des corps et de la cause de leur mortalité n’a été entreprise sur ces sites. De nombreuses recherches avec radar sont effectuées depuis plus d’un an à proximité de tous les anciens établissements.
24 juillet-30 juillet 2022: Voyage du pape François au Canada. (cath.ch/imedia/cd/gr)