Pour son voyage au Canada, l'âge du pape sera un avantage
Le pape François sera au Canada du 24 au 29 juillet 2022 pour un pèlerinage de guérison et de réconciliation. Pour ce voyage, l’âge avancé du pontife (85 ans) sera un atout auprès des peuples autochtones, dont la culture valorise la sagesse des «anciens».
Au Canada, le pape François devra sillonner un pays de près de 10 millions de km2. Au vu de sa mobilité précaire, ce voyage sera un défi. A Edmonton, Québec et Iqaluit, il marchera certainement accompagné de sa canne.
Mais ce qui pourrait être perçu comme une «faiblesse» pour des Occidentaux, devrait plutôt jouer en sa faveur auprès des peuples premiers du Canada. «Dans notre esprit et dans notre vision du monde, plus on vieillit, plus on devient précieux pour la communauté», explique au média américain Catholic News Service (CNS) Harry Lafond, diacre et ancien chef de la Première nation des Cris de Muskeg Lake (Saskatchewan). «Nous pensons simplement que l’âge aide à comprendre la vie sous un angle différent, ajoute le chercheur en éducation autochtone au St. Thomas More College de Saskatoon (Saskatchewan). Vous apportez cela aux générations qui vous suivent. Et les gens dépendent de cela. Ils comptent sur ces aînés pour fournir un leadership spirituel, une voie de sagesse sur la vie.»
La «blessure» ouverte des «pensionnats»
Ce statut «de sage» sera sûrement utile à François dans la réussite de sa mission de «réparation» en Amérique du Nord. La réconciliation entre l’Eglise, l’Etat canadien, et les peuplades natives passera en effet par sa crédibilité en tant que «chef» d’une Eglise résolue à changer de cap. Les autochtones seront convaincus par des discours, des gestes et des attitudes qui confirment que l’esprit «colonial» est désormais une relique du passé.
L’image de l’Eglise dans le pays a en effet été durement abîmée, ces dernières années par les affaires dites des «pensionnats autochtones». La découverte de tombes cachées aux alentours de certaines de ces institutions gérées par l’Eglise catholique a soulevé une vague d’indignation nationale et mondiale. Dans les siècles derniers, des milliers d’enfants autochtones ont été enlevés à leur famille pour être placés dans ces instituts à travers le pays. Un grand nombre y sont morts de privations, de négligence et de mauvais traitements.
«Les évêques devront prendre le train en marche, ils devront s’engager»
Harry Lafond
Ces révélations ont provoqué un large mouvement d’hostilité envers l’Eglise catholique au Canada, accompagné de manifestations et d’actes de vandalisme. Près de 45 églises ont été prises pour cibles sur tout le territoire, quatre réduites en cendres dans des zones autochtones.
Les excuses du pape
Une situation dont le pape François a pris pleinement la mesure. Le pèlerinage dans le pays sera ainsi l’aboutissement d’une démarche de reconnaissance et de pénitence face à ce lourd passé. Un jalon central a été la présentation historique d’excuses, le 1er avril 2022 à Rome, face à une délégation d’autochtones du Canada. «Il les a rencontrés à Rome afin de pouvoir les écouter, écouter leurs histoires, les rejoindre – entendre leur cœur et exprimer le sien», a déclaré suite à cela Mgr Richard Smith, archevêque d’Edmonton (Alberta), qui coordonne la visite papale. «Cela [cette visite de la délégation, ndlr.] lui a donné l’occasion d’apprendre les réalités historiques et les traumatismes anciens et actuels qui ont toujours un impact sur les peuples autochtones», a ajouté le prélat canadien.
Visite «light»?
Ces derniers gestes du pape et l’annonce, en mai, du voyage au Canada, ont certainement déjà provoqué un changement d’ambiance, sur place. Aucune action de grande ampleur contre les symboles de l’Eglise n’a en tout cas été enregistrée durant ces derniers mois. La visite papale en elle-même est le signe que beaucoup attendaient. Même si le programme prévoyant juste trois étapes a suscité des déceptions. Certains ont notamment regretté qu’il ne se rende pas en Saskatchewan. C’est dans cette province, abritant de nombreux représentants de nations premières, que le plus important site de tombes (751) a été retrouvé, près du pensionnat de Marieval.
Ce programme «allégé» a été largement expliqué par l’état de santé du pape. Même si une visite pontificale de six jours peut tout de même être considérée comme conséquente. Elle est en tout cas vue comme suffisante pour lancer un nouveau cycle de relations avec les communautés autochtones. «Ce n’est pas parce que le pape ne peut pas se rendre sur tous les sites qu’il ne peut pas aborder toutes les questions», a ainsi souligné Mgr Smith face à la polémique. Des critiques sont aussi survenues sur le fait que les organisations autochtones nationales n’ont pas été directement consultées sur les trois lieux pivots de la visite papale.
Les évêques appelés à s’engager
Malgré ces «bémols», les responsables autochtones restent confiants sur les fruits du voyage. «Notre priorité reste de veiller à ce que les victimes reçoivent ce dont elles ont le plus besoin pour continuer à avancer dans leur parcours de guérison, y compris des excuses officielles venant directement du pape», a spécifié Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, dans un communiqué. «J’ai un vrai sentiment d’espoir pour l’avenir», assure également Harry Lafond.
Mais, pour le diacre autochtone, les mots de sagesse que distillera le pape au Canada ne seront qu’un début. «Les Canadiens ont été, à bien des égards, éveillés à une histoire longtemps cachée. Après cela, beaucoup de choses dépendront des évêques. Ils devront prendre le train en marche, ils devront s’engager». (cath.ch/cns/arch/rz)