Le cardinal Matteo Zuppi préside la Conférence épiscopale italienne | © chiesacattolica.it
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Le cardinal Zuppi annonce un rapport sur les abus sexuels en Italie

Le nouveau président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), le cardinal Matteo Maria Zuppi, a annoncé le 27 mai 2022, la mise en route d’un premier rapport national sur les abus sexuels dans l’Église italienne qui devrait voir le jour avant le 18 novembre prochain. Des associations de victimes se disent déçues par les contenus des annonces et réclament une enquête indépendante.

C’est dans un climat tendu que le cardinal Zuppi a donné sa première conférence de presse depuis son élection à la présidence de la Conférence épiscopale italienne, le 24 mai. Très attendu sur la question des abus sexuels dans l’Église italienne, l’archevêque de Bologne a détaillé les mesures prises par les évêques réunis toute la semaine en assemblée plénière.

Un premier rapport avant la fin de l’année 2022

Insistant sur le fait que «la douleur des victimes est la première des préoccupations» des évêques, le cardinal de 66 ans a assuré qu’il n’avait pas peur de faire la vérité sur les abus. Il a annoncé la parution, avant le 18 novembre prochain, d’un «premier rapport national» sur les abus dans l’Église italienne. Celui-ci portera sur les abus rapportés par les services diocésains et interdiocésains et perpétrés durant les deux années 2020-2021.

Sera également intégrée au rapport une étude sur les activités de prévention et de formation contre les abus dans l’Église de la péninsule. Deux instituts universitaires de «criminologie et de victimologie» réaliseront ce rapport qui sera renouvelé chaque année, a indiqué le cardinal Zuppi.

Parallèlement, un autre travail d’enquête portera sur une période plus longue allant de 2000 à 2021. Pour établir ce rapport qualitatif et quantitatif, les évêques italiens ont annoncé vouloir se baser sur les données détenues par la Congrégation pour la doctrine de la foi. L’analyse des éléments sera menée en coopération avec des instituts indépendants, promettent les évêques qui espèrent ainsi pouvoir obtenir une connaissance plus approfondie et plus objective du phénomène.

Il n’est donc pour l’heure pas prévu de mettre en place une commission d’enquête indépendante comme l’a fait la Conférence épiscopale de France. Selon les informations d’I.MEDIA, la section disciplinaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi avait traité sur l’année 2020 plus de 1’000 nouveaux dossiers d’abus commis par des clercs dans le monde entier. Environ 60% de ces cas relevaient d’abus sexuels sur mineurs.

«Nous sommes totalement déçus«

Affirmant prendre ses responsabilités, le cardinal Zuppi a assumé le fait de ne pas remonter aux années 1940 pour enquêter sur les abus, comme cela a pu être le cas en France avec le rapport de la Commission Sauvé. Sur ce point précis, il a estimé qu’il était discutable de juger avec les critères d’aujourd’hui des faits qui se seraient produits il y a 80 ans. S’il ne faut pas «minimiser» le problème des abus dans l’Église, l’archevêque italien a aussi confié qu’il ne fallait pas non plus l’ »amplifier».

Une explication qui n’a pas convaincu Francesco Zanardi, fondateur de l’association de victimes d’abus «Rete l’Abuso», présent lors de la conférence de presse. «Nous sommes totalement déçus car ce choix discrimine toutes les victimes qui ont été abusées il y a plus de 20 ans. Elles ne peuvent pas être considérées comme invisibles !», confie-t-il à I.MEDIA au sortir de la conférence. L’homme reste par ailleurs dubitatif sur la manière dont les évêques entendent mener ce travail de vérité. «De toute façon, il manque les victimes et les associations pour régler le problème», tacle celui qui est aussi membre de ItalyChurchToo.

À l’approche de l’assemblée plénière de la CEI, ce collectif avait envoyé une lettre aux évêques réclamant l’établissement d’une commission indépendante. Ses membres déplorent finalement que les évêques aient décidé de baser leurs études non pas sur l’ouverture de toutes les archives catholiques – paroisses, écoles, communautés… – mais sur les résultats des centres d’écoute diocésains récemment ouverts. 

ItalyChurchToo, qui a organisé ce 27 mai un Flash mob devant la nonciature apostolique en Italie pour exprimer «la douleur des victimes», a appelé les évêques à des actes «crédibles, radicaux» lors d’une conférence de presse en marge de la conclusion de l’assemblée.

Un véritable«problème culturel« en Italie

Les membres de l’association ont demandé la levée de la prescription fixée par la législation italienne – actuellement à 20 ans après la majorité de la personne abusée –, excluant de fait nombre de victimes qui ont souvent besoin d’une»longue maturation» pour prendre conscience et parler de leur traumatisme. L’association de victimes avance que si quelque 160 prêtres italiens ont été condamnés ces dernières années, plus de 470 cas – connus à ce jour – resteront à jamais impunis, pour cause de prescription. 

«80 % des enfants abusés du pays n’obtiendront pas justice», regrette Francesco Zanardi, qui pointe du doigt plus particulièrement les pédophiles au sein de l’Église couverts par »une structure criminelle». Et d’affirmer qu’une trentaine d’évêques ont couvert des scandales d’abus dans leur diocèse, notamment en déplaçant des prêtres sans expliquer la cause de leur transfert. 

ItalyChurchToo a aussi présenté des projections de chiffres modélisés sur les calculs de la Ciase en France, évaluant à «un million» les enfants abusés par des prêtres ces dernières décennies en Italie. 

Pour l’association, il s’agit plus largement d’un véritable»problème culturel». Francesco Zanardi dénonce ainsi une»omerta très grave» de l’État et de ses organes.»L’Italie semble une petite succursale du Tiers-monde. Nous avons toutes les lois mais pas une ne fonctionne», s’impatiente-t-il, fustigeant le mépris des policiers italiens recevant les plaintes.  

«Nous n’avons rien à craindre en disant la vérité«

De son côté, le cardinal Seán O’Malley, président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, a fait parvenir plus tôt dans la semaine un long message vidéo aux évêques de la Péninsule, encourageant leurs»efforts».«Nous n’avons rien à craindre en disant la vérité», leur a-t-il affirmé.»Écouter les victimes et s’engager à travailler ensemble n’est pas facile, mais je peux vous dire après 40 ans que c’est la seule voie possible», a insisté l’archevêque de Boston. 

Le prélat a mis en garde contre la tendance à»défendre immédiatement l’Église» contre les critiques, invitant ses confrères à aller même à la rencontre de la»colère» des victimes.»N’ayons pas peur d’accepter le mal qui a été fait à beaucoup de nos frères et sœurs», a-t-il ajouté. 

«Nous serons jugés sur notre réponse à la crise des abus dans l’Église», a assuré le cardinal O’Malley, souhaitant entre autres une meilleure formation pour le personnel diocésain, un dépistage adéquat des crimes, la mise en retrait des auteurs d’abus, la coopération avec les autorités civiles, et une vérification publique des protocoles. (cath.ch/imedia/hl/ak/mp)

Le cardinal Matteo Zuppi préside la Conférence épiscopale italienne | © chiesacattolica.it
29 mai 2022 | 09:57
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 5  min.
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