Vatican

Immeuble de Londres: fin de l'interrogatoire du cardinal Becciu

La 16e audience du procès de l’affaire de l’immeuble de Londres, le 19 mai 2022, a permis de conclure, après quatre audiences consacrées à cet effet, l’interrogatoire du cardinal Angelo Becciu. Le Promoteur de justice puis les avocats des parties civiles et de la défense ont pu poser leurs dernières questions au cardinal. L’agence I.MEDIA vous propose de revenir sur les informations les plus importantes pendant ces six heures d’interrogatoire encore marquées par des tensions et l’irruption surprise de Mgr Alberto Perlasca.

À noter que lors de cette audience, l’avocat de Cecilia Marogna a aussi déposé une note de sa cliente que nous avons traitée dans une autre dépêche.

1- Déclarations et silences du cardinal Becciu
Au début de l’audience, le haut prélat sarde a lu une déclaration spontanée dans laquelle il déplorait la façon dont il avait été traité et interrogé lors de l’audience tenue la veille. Les questions qui lui ont été posées, a-t-il affirmé, ont offensé sa «dignité de prêtre» et son «honnêteté personnelle». Il a notamment cité les doutes émis sur sa «rectitude dans la gestion des offrandes reçues des fidèles».

Il a fait en particulier allusion à un épisode la veille où le Promoteur de justice lui avait dit: «Vous faites semblant de ne pas vous souvenir». Une déclaration qui avait suscité de vives protestations des avocats de la défense, mais aussi du juge Pignatone qui avait suspendu l’audience pour cinq minutes afin de calmer les acteurs.

«Je ressens devant toute l’Église la responsabilité de ce qui se passe dans cette enceinte et je vous avoue qu’hier la souffrance n’a pas manqué pour l’humiliation subie», a-t-il insisté, considérant qu’il ne pouvait accepter de voir offensée sa «dignité de cardinal et à, travers elle, toute l’Église».

Lors de l’audience, l’ancien préfet de la Congrégation pour les causes des saints a maintenu sa ligne de défense de la veille: il a le plus souvent répondu aux demandes du Promoteur de justice en expliquant ne pas se souvenir, ne pas vouloir répondre ou encore avoir déjà traité ou répondu aux questions soulevées. Il a aussi à plusieurs reprises insisté sur le fait qu’il avait agi en suivant les conseils du Bureau administratif en charge des questions financières – dirigé par Mgr Alberto Perlasca – mais aussi ceux de Fabrizio Tirabassi, official de ce même bureau.

2 – L’apparition surprise de Mgr Perlasca
Une heure après la reprise des interrogatoires, après la pause du déjeuner, l’assemblée a été surprise par la présence dans la salle de Mgr Alberto Perlasca. Le Promoteur de justice est alors intervenu pour dire que Mgr Perlasca était entré dans le tribunal et qu’étant donné son statut de témoin clé dans le procès, cela posait problème.

Mgr Perlasca était en fait entré dans le tribunal par une porte latérale, prenant place parmi les journalistes et d’autres observateurs de l’audience. Le juge Pignatone a immédiatement invité Mgr Perlasca «à quitter la salle» .

Le prélat a protesté et déclaré qu’il ne souhaitait pas partir, ne semblant pas comprendre pourquoi on ne le voulait pas dans la salle. À contrecœur, il est finalement sorti, accompagné par son avocat. On l’a vu s’éloigner à l’extérieur, puis revenir un instant vers le tribunal avant de partir définitivement en agitant les bras en l’air, visiblement très agacé.

Dans une note transmise par son avocat le lendemain, ce dernier a expliqué que la décision de faire venir Mgr Perlasca lors de l’audience lui revenait. Il estime qu’il n’y a pas d’obstacle à sa présence car elle permettrait de contrebalancer un interrogatoire qu’il juge «déséquilibré en faveur du défendant» – le cardinal Becciu – dont il estime l’intervention «autoréférentielle et très souvent inexacte».

3 – Le rôle du Crédit suisse
Le cardinal Becciu a été interrogé par plusieurs avocats de la défense sur le rôle joué par plusieurs banques dans les investissements bancaires de la secrétairerie d’État, notamment par le Crédit suisse. Pour chaque investissement, la secrétairerie d’État aurait versé de l’argent à des banques qui, après avoir prélevé leurs frais, l’investissaient. Les avocats ont avancé que la banque helvète avait signé sept contrats avec le Saint-Siège pour permettre l’acquisition de l’immeuble de Londres. Le cardinal n’a pas été en mesure de répondre, expliquant que cela relevait du domaine géré par Mgr Perlasca. 

4 – L’Ordonnance du tribunal sur les questions sur la coopérative Spes
Pendant sa courte déclaration initiale le cardinal est aussi revenu sur le volet sarde du procès, qui concerne les sommes envoyées par la Secrétairerie d’État à la coopérative Spes, gérée par son frère Antonino Becciu. Il a une nouvelle fois reconnu deux paiements réalisés en 2015 et 2018, respectivement de 25’000 euros et de 100’000 euros, et a déclaré ne vouloir répondre à des questions que sur ces paiements.

Pendant l’interrogatoire, le Promoteur de justice a cependant posé des questions sur d’autres financements faits par la Conférence épiscopale italienne à la coopérative sarde. Les avocats du cardinal se sont opposés à ces demandes, soulignant que ces sommes ne faisaient pas partie des investissements examinés dans le cadre du procès.

Des tensions ont suivi avant la suspension de l’audience pour quelques minutes, le temps pour les juges de rédiger une ordonnance. Dans celle-ci, ils ont décidé que même si ces questions n’étaient pas strictement liées aux accusations, elles pouvaient être pertinentes pour montrer «le contexte plus large des faits reprochés». Les magistrats ont donc autorisé le Promoteur de justice à les poser, rappelant le droit dont disposait l’accusé de ne pas répondre. (cath.ch/imedia/ic/cd/rz)

22 mai 2022 | 10:01
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 4  min.
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