Pape à Malte: une «coresponsabilité européenne» en faveur des migrants
Le pape a plaidé pour une «coresponsabilité européenne» en Méditerranée afin que cette mer ne soit pas «l’avant-poste d’un tragique naufrage de la civilisation», a déclaré le pape François lors de son premier discours en territoire maltais, le 2 avril 2022.
Devant les autorités civiles du pays réunies au Palais du Grand Maître, il a par ailleurs livré un vif plaidoyer contre la corruption. Le pontife de 85 ans s’est aussi inquiété de voir «les ténèbres de la guerre» revenir à l’est de l’Europe et au Moyen-Orient.
Après avoir rencontré le président George Vella et le Premier ministre Robert Abela, le pape a pris pour la première fois la parole pour souligner «le sens de l’hospitalité typique des Maltais», en rappelant que «selon l’étymologie phénicienne, Malte signifie ‘port sûr‘».
Il a reconnu le sentiment d’insécurité provoqué par l’afflux de migrants, mais il a voulu élargir la perspective en expliquant que ce phénomène «porte en lui les dettes des injustices passées, des exploitations, du changement climatique, des conflits aventureux dont nous payons les conséquences».
Le successeur de Pierre s’est appuyé sur l’histoire de saint Paul, qui n’était ni «un criminel», ni «une divinité» comme il avait été perçu par les extrêmes de deux bords. «Paul était un homme qui avait besoin d’être accueilli», et aujourd’hui aussi, «la peur et le récit de l’invasion» ne doivent pas prévaloir à l’égard de ceux qui traversent la Méditerranée en quête de salut.
«La Méditerranée a besoin d’une coresponsabilité européenne, afin qu’elle redevienne le théâtre de la solidarité et non l’avant-poste d’un tragique naufrage de la civilisation», a martelé l’évêque de Rome, rappelant que les pays les plus exposés aux migrations ne doivent pas souffrir à cause de «l’indifférence des autres».
Éloigner les «ténèbres de la guerre»
Sans citer explicitement l’Ukraine, mais dans une allusion évidente à l’offensive russe dans ce pays, le pape s’est inquiété de voir «les ténèbres de la guerre» revenir de l’Est. «Nous pensions que les invasions d’autres pays, les violents combats urbains et les menaces atomiques étaient de sombres souvenirs d’un passé lointain», a reconnu le pape.
L’évêque de Rome a souligné avec amertume que «le vent glacial de la guerre, qui n’apporte que mort, destruction et haine, s’est abattu avec violence sur la vie de beaucoup de personnes». «Une fois de plus, a-t-il déploré, quelques puissants, tristement enfermés dans leurs prétentions anachroniques d’intérêts nationalistes, provoquent et fomentent des conflits».
Face à «la nuit de la guerre qui s’est abattue sur l’humanité», le pape a demandé aux Maltais, par leur «témoignage lumineux», de ne pas laisser «le rêve de paix s’évanouir».
Évoquant aussi les guerres toujours en cours au Moyen-Orient, le pape a appelé à ce que «Malte, cœur de la Méditerranée, continue à faire palpiter l’espérance, le soin de la vie, l’acceptation des autres, l’aspiration à la paix, avec l’aide de Dieu, dont le nom est paix».
La lutte contre la corruption, un enjeu de mobilisation politique pour les jeunes
Dans ce pays ébranlé par les scandales de corruption et par l’assassinat, en 2017, de la journaliste Daphne Caruana Galizia, le pape a aussi appelé à «renforcer les fondements de la vie commune, basée sur le droit et la loi».
«L’honnêteté, la justice, le sens du devoir et la transparence sont les piliers essentiels d’une société civilement avancée», a-t-il martelé, invitant à «éradiquer le brigandage et la criminalité».
Il a également situé l’engagement contre les dérives mafieuses dans une perspective écologique, invitant à préserver les paysages de Malte «de l’avidité insatiable, de l’appétit d’argent et de la spéculation immobilière qui compromettent non seulement les paysages, mais aussi l’avenir».
Il a invité à relier les combats pour «la protection de l’environnement» et la «justice sociale», qui constituent «d’excellents moyens d’enthousiasmer les jeunes à la bonne politique, et de les éloigner de la tentation du désintérêt et du désengagement».
Un chaleureux accueil du pape à Malte
Contrairement à ses récents déplacements en Grèce et à Chypre, pays majoritairement orthodoxes dans lesquels une partie importante de la population avait observé la visite du pape avec perplexité, l’arrivée du pape à Malte a suscité un réel engagement de la population.
Les rues pavoisées d’affiches et de drapeaux du Vatican, et la foule nombreuse sur la route entre l’aéroport et le palais des Grands Maîtres, ont montré la popularité du pape dans ce petit pays dont 85% de la population est catholique. (cath.ch/imedia/cv/gr)