Malte, un vivier de figures clés pour la Curie romaine
Le plus petit pays de l’Union européenne, qui sera visité par le pape François les 2 et 3 avril prochains, est fortement représenté au Vatican. Il compte notamment deux figures de premier ordre dans la Curie romaine : le cardinal Mario Grech et Mgr Charles Scicluna. La diplomatie du Saint-Siège compte également plusieurs nonces de nationalité maltaise, un fait remarquable compte tenu de la taille de ce pays.
Le cardinal Mario Grech, 65 ans, est le visage maltais le plus connu au Vatican actuellement, et il va continuer à prendre de la visibilité dans le cadre du Synode sur la synodalité, qui culminera en octobre 2023 avec une assemblée finale à Rome. Le secrétaire général du Synode des évêques depuis septembre 2020 a été créé cardinal deux mois plus tard et il accompagnera le pape durant ce voyage à Malte.
Né sur l’île de Gozo en 1957 et ordonné prêtre pour le diocèse de ce petit territoire en 1983, il en est devenu l’évêque en 2005, une mission qu’il assumera jusqu’en 2019. Il sera également président de la Conférence épiscopale maltaise de 2013 à 2019, ce qui lui vaut de participer aux Synodes sur la famille en 2014 et 2015, et d’être remarqué par le pape François.
En janvier 2017, une note de l’épiscopat maltais sur l’accès à la communion des divorcés-remariés a été présentée comme une interprétation juste de la pensée du pape François sur ce sujet controversé. Devenu pro-secrétaire général du Synode en 2019, le cardinal Grech a participé au Synode sur l’Amazonie comme coadjuteur du cardinal Baldisseri, et lui a donc succédé l’année suivante.
À noter que deux autres cardinaux maltais ont été créés au cours de l’histoire de l’Église. Le premier fut le cardinal Fabrizio Scebarras Testaferrata (1757-1843), créé cardinal in pectore par Pie VII en 1816, avant une officialisation en 1818. Ce natif de La Valette fut nonce apostolique en Suisse avant de devenir, au sein de la Curie romaine, secrétaire de la Congrégation pour les évêques, puis évêque de Senigallia, ville portuaire de la province des Marches, en Italie.
Beaucoup plus récemment, le cardinal Prosper Grech (1925-2019) fut élevé à la pourpre par Benoît XVI en février 2012. Ce religieux augustin fit son entrée parmi les cardinaux à l’âge de 86 ans, en reconnaissance de son travail sur les Pères de l’Église. Il avait été en 1969 le fondateur de l’Institut Augustinianum pour les études patristiques, une institution dont il fut aussi le doyen de 1971 à 1979.
Il n’avait pas de lien de parenté connu avec le cardinal Mario Grech, qui, alors évêque de Gozo, fut son co-consécrateur lors de l’ordination épiscopale préalable au consistoire de 2012. Ayant largement dépassé la limite d’âge de 80 ans, il ne fut pas électeur lors du conclave de 2013, mais il a prononcé la méditation d’ouverture de la réunion des cardinaux à la chapelle Sixtine.
Selon toute vraisemblance, Mgr Charles Scicluna, actuel archevêque de Malte, deviendra prochainement le quatrième cardinal maltais de l’Histoire. Pressenti pour succéder au cardinal Luis Ladaria Ferrer à la tête du dicastère pour la doctrine de la foi (qui perdra, le 5 juin prochain, son statut de «congrégation»), Mgr Scicluna est surtout connu pour sa fermeté dans la lutte contre les abus sur mineurs.
Né en 1959 au Canada d’une famille maltaise revenue au pays un an plus tard, Mgr Scicluna a été ordonné prêtre en 1986 pour l’archidiocèse de Malte. Après un doctorat en droit canonique soutenu à l’Université Grégorienne sous la direction du futur cardinal Burke, il est ensuite entré au service de la Curie romaine en 1995.
Son mandat de promoteur de justice au sein de la CDF, de 2002 à 2012, a été marqué par son enquête de 2005, effectuée à la demande du cardinal Ratzinger, sur les abus commis par le fondateur des Légionnaires du Christ, Marcial Maciel, et qui aboutira à sa mise à l’écart. Mgr Scicluna fut aussi l’artisan du renforcement des dispositifs de lutte contre les abus, notamment avec les normes universelles de 2010 étendant les délais de prescription et intégrant la pédopornographie parmi les délits sexuels.
Mgr Scicluna est devenu par la suite évêque auxiliaire de La Valette en 2012, puis archevêque de Malte en 2015.
Ce mandat pastoral ne l’a pas empêché de poursuivre son engagement dans la lutte contre les abus sur mineurs. Le pape François lui a notamment demandé d’enquêter sur l’affaire Karadima, au Chili, au printemps 2018. Depuis novembre 2018, il cumule sa charge d’archevêque de Malte avec celle de secrétaire adjoint de la CDF.
En tant qu’archevêque de Malte, Mgr Scicluna s’est déployé avec énergie dans l’aide aux migrants et la lutte contre la corruption, après l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia. La visite du pape François à Malte peut être interprétée comme une marque d’estime personnelle du pontife à l’égard de Mgr Scicluna, avant un éventuel rappel à plein temps à Rome.
Le nom de Mgr Antoine Camilleri est familier aux lecteurs des bulletins du Bureau de presse du Saint-Siège, habitués à le voir figurer, entre 2013 et 2019, dans les comptes rendus des visites des chefs d’État et de gouvernement au Vatican.
Le diplomate pontifical, qui n’avait alors que 47 ans, fut en effet nommé par Benoît XVI le 22 février 2013 au poste stratégique de sous-secrétaire pour les relations avec les États, c’est-à-dire, en langage civil, vice-ministre des Affaires étrangères. Il a joué un rôle clé durant les six premières années du pontificat du pape François, conduisant notamment la délégation du Saint-Siège à Pékin, en septembre 2018, pour la signature de l’accord provisoire avec la République populaire de Chine sur les nominations d’évêques. En 2019, il est devenu nonce apostolique en Éthiopie et à Djibouti et délégué apostolique en Somalie.
Compte tenu de son parcours diplomatique, Mgr Camilleri est resté peu de temps à Malte. Né en 1965 à Sliema, un port touristique qui compte de nombreux casinos, il a été ordonné prêtre en 1991 pour l’archidiocèse de Malte, où il fut brièvement vicaire en paroisse.
Il est entré au service du Saint-Siège en 1999. Outre ses fonctions au sein de la Secrétairerie d’État, il fut aussi, dans les années 2000, conseiller de nonciature en Papouasie Nouvelle-Guinée, en Ouganda et à Cuba.
Mgr Alfred Xuereb, né en 1958 et ordonné prêtre pour le diocèse de Gozo en 1984, est entré au service de la Secrétairerie d’État en 1995. Il est surtout connu pour avoir été l’un des secrétaires particuliers de Benoît XVI, de 2007 à 2013, puis du pape François de 2013 à 2014. Il est ensuite devenu le secrétaire du Secrétariat pour l’Économie après la création de cet organe en 2014, et à ce titre, il a aussi été nommé secrétaire du conseil de surintendance de l’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR) en 2015. Il est devenu nonce apostolique en Corée du Sud en 2018.
Mgr Joseph Spiteri, né en 1959 et ordonné prêtre en 1984 pour l’archidiocèse de Malte, Mgr Spiteri est entré au service de la diplomatie du Saint-Siège en 1988. Il a été notamment nonce apostolique au Sri Lanka de 2009 à 2013, puis en Côte d’Ivoire de 2013 à 2018. En 2016, une photo de sa visite dans la ville de Fresco, où il avait été transporté dans une chaise à porteurs, avait suscité une controverse médiatique quant à l’image perçu comme néo-coloniale, alors que le maire de la ville avait simplement évoqué un « geste de considération » pour son hôte. Depuis 2018, Mgr Spiteri est nonce apostolique au Liban, pays qui pourrait accueillir une visite du pape cette année, si la situation politique se stabilise après les élections du 15 mai prochain. (cath.ch/imedia/cv/mp)