Les voyages des papes à Malte: les larmes de Benoît XVI en 2010
À l’occasion du voyage du pape François à Malte les 2 et 3 avril prochains, I.MEDIA revient sur les précédentes visites pontificales sur l’île. Après celles de 1990 et 2001 de Jean Paul II, retour sur la visite de Benoît XVI en 2010.
«Profondément touché, Benoît XVI a exprimé sa honte et sa douleur pour ce que les victimes et leurs familles ont enduré», assure le Père Lombardi après une rencontre entre le pape allemand et huit victimes maltaises d’abus sexuels commis par des prêtres. Cette discrète réunion organisée le 18 avril 2010 à la nonciature apostolique à Malte n’est pas filmée, mais constitue le moment le plus marquant de son pèlerinage sur les pas de saint Paul, 1950 ans après le naufrage de l’apôtre.
La question des abus sexuels
Parmi ces hommes de 30 à 40 ans venus confier au pape leur blessure, l’un d’entre eux témoigne des larmes de Benoît XVI et du renouveau de sa propre foi au contact de la sincérité et de la souffrance du pontife. «Le pape a prié et pleuré avec nous », confie ce participant, s’avouant «impressionné par l’humilité du pape».
«Il a pris sur lui-même l’embarras causé par d’autres. J’ai dit que je voulais des excuses, car j’étais fâché», déclare cette victime. «Ma colère est retombée maintenant et je suis satisfait de ma rencontre avec le pape. Je vais continuer ma bataille, non pas contre l’Église, mais contre la pédophilie», assure-t-il.
Le «grand consolateur»
Le pape allemand avait déjà rencontré des victimes d’abus notamment lors de ses visites de 2008 en Australie et aux États-Unis, mais sans que cela ne suscite un tel écho. Il sort alors de son image de «grand inquisiteur» pour rejoindre celle de «grand consolateur», dans une partie de l’opinion publique internationale.
Depuis Malte, Benoît XVI prie pour «que toutes les victimes d’abus puissent connaître la guérison et la réconciliation afin d’avoir la force de continuer leur chemin avec une espérance renouvelée», assure alors le communiqué du Bureau de presse du Saint-Siège.
Le cardinal Filoni, aujourd’hui grand-maître de l’Ordre du Saint-Sépulcre est alors le substitut de la Secrétairerie d’Etat. Il est l’un de rares témoins directs de cette rencontre à Malte et s’en souvient encore. Dans un texte publié en janvier dernier par L’Osservatore Romano dans le contexte du rapport de Munich mettant en cause le pape émérite, le cardinal Filoni a pris la défense de Benoît XVI en rappelant cet épisode.
Le cardinal italien a écrit que lors de ses échanges avec les victimes, le pape allemand avait «offert le baume d’une prière et le soulagement d’une solidarité au nom de ce Dieu qui s’était humilié et avait pris sur lui la condition humaine et ses péchés».
Au risque de décevoir les attentes médiatiques, dans ses interventions publiques à Malte, le pape allemand reste néanmoins discret sur le sujet des abus. Les six discours de cette visite en deux jours, les 17 et 18 avril 2010, sont toutefois marqués en filigrane par une réflexion sur le mystère du mal et de la rédemption, avec la subtilité théologique qui a toujours marqué l’enseignement de Joseph Ratzinger.
L’image du naufrage
Cinq ans après sa méditation douloureuse du Vendredi Saint 2005 sur l’Église vue comme «une barque qui prend l’eau», Benoît XVI s’appuie cette fois sur l’image du naufrage de saint Paul à Malte, près de deux millénaires auparavant, pour tisser la métaphore d’un renouveau de l’évangélisation.
«Je pense que le motif du naufrage nous dit quelque chose. Le naufrage a donné à Malte la chance d’avoir la foi», rappelle le pape allemand, avec son sens du paradoxe. «Nous pouvons penser, nous aussi, que les naufrages de la vie peuvent permettre la réalisation du plan de Dieu sur nous et servir à de nouveaux départs dans notre vie», confie-t-il aux journalistes dans l’avion, quelques instants avant son arrivée sur le sol maltais.
«Je sais que Malte aime le Christ et l’Église qui est son Corps et sait que, même si ce Corps est blessé par nos péchés, le Seigneur aime quand même cette Église, et son Évangile est la vraie force qui purifie et guérit», assure alors Benoît XVI.
Rencontre avec les jeunes
Sa rencontre avec les jeunes, à La Valette, est marquée par le témoignage chargé de douleur d’un jeune homosexuel, qui dresse un véritable réquisitoire contre l’Église. «Dieu ne rejette personne. Et l’Église ne rejette personne », assure alors Benoît XVI. «Toutefois, dans son grand amour, Dieu provoque chacun de nous à changer, à devenir plus parfait», explique-t-il.
Le pape invite les jeunes à «regarder l’avenir avec espérance, avec un égard profond pour la création de Dieu, avec un respect religieux de la vie humaine, avec une haute estime pour le mariage et pour l’intégrité de la famille ! Soyez de bons fils et filles de saint Paul!», exhorte alors Benoît XVI dans un voyage s’inscrivant dans le sillage de l’année Saint-Paul organisée en 2009-2010.
Le pape allemand conclut son discours d’adieu, le 18 avril 2010 à l’aéroport de la Valette, par ces mots de la lettre de saint Paul aux Corinthiens: «Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des hommes, soyez forts. Que tout se passe chez vous dans la charité». Le soin apporté aux personnes âgées et la culture du respect de la vie sont aussi des spécificités maltaises pour lesquelles Benoît XVI aura exprimé sa grande estime tout au long de son séjour à Malte, le 14e voyage apostolique de son pontificat. (cath.ch/imedia/cv/bh)