Allemagne: pas de miséricorde pour Benoît XVI
S’agit-il d’un coup de pouce libérateur ou plutôt d’un nouveau coup bas pour les victimes d’abus sexuels? Les déclarations du pape Benoît XVI suscitent surtout la critique en Allemagne. Les victimes se disent particulièrement indignées et déçues.
En Allemagne, la lettre du pape émérite Benoît XVI concernant le rapport de Munich sur les abus sexuels a suscité des réactions très diverses, constate l’agence catholique KNA. Si le président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing et le cardinal Reinhard Marx ont exprimé leur reconnaissance et leur respect, d’autres se sont montré plus sceptiques.
Mgr Franz-Josef Overbeck, évêque d’Essen, craint que ces mots «n’aident guère les personnes concernées dans leur processus de reconstruction». Il constate avec inquiétude que ces dernières ont réagi «avec déception et parfois indignation». Leur point de vue devrait pourtant «avoir un grand poids» dans l’élucidation du scandale des abus.
«Insuffisant»
La présidente du Comité central des catholiques allemands (ZdK) estime que la demande d’excuses de Benoît XVI n’est pas suffisante. Elle reste «relativement générale», relève Irme Stetter-Karp – et «l’empathie envers les personnes concernées fait défaut».
Selon l’expert en protection des mineurs du Vatican Hans Zollner, la prise de position est certes très personnelle, mais trop générale. Au lieu d’une «surenchère théologique» dans ses déclarations, Benoît aurait en outre dû évoquer plus concrètement sa période en tant qu’archevêque de Munich-Freising, a déclaré le jésuite à KNA.
En outre, l’ancien pape aurait choisi le mauvais ordre parmi les destinataires: Si Benoît XVI avait d’abord exprimé sa confession aux personnes concernées et ensuite seulement ses remerciements à ses amis, sa lettre aurait certainement été mieux reçue. Si en Italie, elle est généralement lue comme une impressionnante confession de culpabilité, en fin de compte, ce sont surtout les victimes qui devraient dire comment elles l’évaluent.
Indignation et déception des victimes
Les victimes d’abus ont majoritairement réagi avec déception à la déclaration du pape émérite. Le porte-parole du conseil des victimes du diocèse de Munich, Richard Kick, la juge «vraiment inqualifiable» et peu empathique. Selon lui, l’ancien pape ne connaît que son propre point de vue.
La théologienne Doris Reisinger, elle-même victime d’abus spirituels et sexuels au sein d’une congrégation religieuse, a qualifié la lettre de «moquerie sans fond des personnes concernées». Elle a critiqué les termes choisis par Benoît XVI pour désigner Jésus comme «ami», «frère» et «avocat». Aux oreilles des victimes, cela sonne comme si Jésus n’était «pas de leur côté, mais du côté de ceux qui les ont torturés, ignorés et blessés pendant toutes ces décennies».
L’organisation ‘Eckiger Tisch’ a qualifié cette déclaration de nouvelle preuve des «relativisations permanentes de l’Église en matière d’abus». Au lieu d’assumer elle-même la responsabilité, elle la fait porter aux victimes «si elles ne sont pas en mesure d’apprécier comme il se doit ce genre de déclarations».
Des formulations passives
Les commentaires des médias allemands ont également été majoritairement critiques. Benoît XVI se cache derrière l’Église et derrière ses conseillers juridiques, pouvait-on lire entre autres. En outre, il se présente une nouvelle fois comme victime des médias avant d’évoquer les victimes d’abus. Sa demande d’excuses est «en demi-teinte», car il reste très vague sur sa responsabilité personnelle. En outre, il choisit principalement des formules passives, lorsqu’il écrit par exemple que l’on a été «entraîné dans une très grande faute» ou que des délits et des erreurs ont eu lieu.
Des gens veulent détruire la personne et l’œuvre de Benoît XVI
A Rome, Mgr Georg Gänswein a défendu Benoît XVI: «Ceux qui le connaissent savent que l’accusation de mensonge est absurde. Il faut faire la différence entre une erreur et un mensonge», a déclaré le secrétaire privé de l’ancien pape.
Il a souligné également tout ce que Benoît XVI a dit et fait sur le thème de la pédophilie. Il a été le premier pape à viser la transparence dans ce domaine. Néanmoins, il y a des gens qui veulent détruire sa personne et son œuvre, a-t-il conclu. (cath.ch/kna/mp)