Les médias chrétiens sont directement concernés par les mesures d'aide à la presse sur lequel on vote le 13 février prochain | © Bernard Hallet
Suisse

Aide à la presse: ce que les médias chrétiens ont à y gagner

Les Suisses voteront sur le train de mesure d’aide à la presse le 13 février prochain. Les médias locaux et régionaux sont principalement concernés par un montant de 151 millions répartis à travers diverses mesures. Que pourrait obtenir la presse religieuse et chrétienne, souvent associative et plus modeste, si le oui l’emporte? Quelques cas de figure.

«Je me souviens, lorsque nous avons lancé Relais en 2013, la première chose que j’ai faite, après la conceptualisation et la création de notre magazine, fut de me rendre à la Poste pour y déposer le dossier pour obtenir l’aide à la distribution», raconte Olivier Schoepfer, responsable du service de la communication de l’Église catholique dans le canton de Vaud.

Des dossiers complexes à remplir selon des critères très stricts: poids de la revue, tirage certifié, périodicité minimum, etc.

Tirant à 5’000 exemplaires et paraissant cinq fois par année, Relais a eu droit à cette aide proportionnée au tirage de la presse paroissiale ou catholique, plutôt modeste, mais non négligeable au vu des frais engendrés par cette presse de proximité aux modestes moyens.

L’augmentation de 20 millions de francs de la part allouée à la distribution des journaux en abonnement fait partie du train de mesures de 151 millions de francs annuels, pour les sept prochaines années, en faveur des médias sur lequel les Suisses vont voter le 13 février prochain. Un montant qui, si le oui l’emportait, viendrait s’ajouter aux 135 millions existant pour l’aide à la presse.

Deux nouvelles mesures

En plus de l’aide à la distribution (+ 30 millions) et du financement pour tous les médias, se trouvent deux nouvelles mesures: la distribution matinale des journaux en abonnement pour 40 millions et l’aide aux médias en ligne, à hauteur de 30 millions.

Plus communément appelée aide indirecte à la presse, la réduction des prix accordée par la Poste sur l’acheminement des journaux concerne, outre les quotidiens régionaux, les revues entrant dans la catégorie des «périodiques des associations et des fondations» où l’on trouve notamment la presse paroissiale catholique.

Une aide «vitale»

Thomas Schaffter | DR

«Pour notre magazine, c’est vital», renchérit Claire Jonard, co-responsable du magazine Triangles, des paroisses de Bagnes, Vollèges et Verbier, dans le Valais. Sans le rabais que les 1’000 exemplaires imprimés, et autant d’abonnés, du magazine lui permettent d’obtenir, «l’affranchissement sous enveloppe fermée serait trois à quatre fois plus élevé».

Ce n’est pas le cas de la revue Grandir qu’édite l’imprimerie jurassienne Le Pays. Thomas Schaffter, éditeur de la revue catholique, explique à cath.ch que, malgré les six éditions annuelles qui totalisent 27’000 exemplaires du magazine religieux expédiés à ses abonnés dans toute la Suisse romande, l’aide pour la distribution lui a été refusée il y a quatre ans, sans explication. Il espère toutefois que, si le oui passe, il y aura un élargissement de cette aide dont il pourra au final bénéficier.

Accès à l’aide aux médias en ligne

Un oui le 13 février permettrait également à l’éditeur d’avoir accès à l’aide aux médias en ligne. Un nouvelle part part du train de mesures dotée de 30 millions de francs annuels. «Nous travaillons déjà à développer un site web propre à la revue Grandir, actuellement hébergé sur la plateforme de l’imprimerie». Il évoque des abonnements et la mise en ligne d’articles supplémentaires payants qui conditionnent cette aide.

Un aspect du paquet de mesures qui intéresse particulièrement Dominique-Anne Puenzieux, directrice de Saripress, qui édite l’hebdomadaire chrétien l’Echo magazine. «L’aide en ligne nous permettrait de développer la vidéo et le digital sur le site». L’hebdomadaire, déjà présent sur la toile, tire à 11’500 exemplaires et bénéficie déjà de l’aide à la distribution. «Cela dit, on ne sait pas combien nous obtiendrions si le oui l’emportait. Tout dépendrait de la clé de répartition qui serait appliquée».

Favorable au rédactionnel

La rédactrice en chef du magazine milite ouvertement pour le oui. «L’aide qui nous est octroyée par une déduction de la facture de la Poste, nous permet de réinvestir les montants économisés dans la production rédactionnelle. Dominique-Anne Puenzieux estime que l’aide à la distribution serait plus grande pour les titres. «En fait, cela compenserait une partie de la hausse des tarifs postaux subie en 2022».

Dominique-Anne Puenzieux, directrice de l’Echo Magazine | © Jacques Berset

La pandémie a fragilisé les abonnements: dans l’incertitude qui caractérise cette période, les lecteurs fidèles au titre ont réduit la durée de leur abonnement. «Dans certains cas, on est passé de souscriptions d’une durée de deux ans à des renouvellements de six mois en six mois.»

La directrice de Saripress rappelle l’importance d’une presse indépendante et surtout diversifiée. «Produire des sujets de qualité prend du temps et entraîne des coûts importants».

«Le lecteur a le dernier mot»

«Les magazines paroissiaux donnent plus que des nouvelles ecclésiales, ils sont aussi un service à la population. Sans cette presse paroissiale, nous perdrions un lien précieux, bien plus important à l’échelle locale», renchérit Claire Jonard. Olivier Schoepfer reconnaît que l’argument des opposants, qui dénoncent un enrichissement des grands groupes de presse au détriment des titres plus modestes, peut avoir un impact, même si c’est exagéré. «Notre métier est en jeu», prévient-il. Il craint que la Suisse romande, plus favorable au train de mesures, ne se fasse pas le poids face aux cantons alémaniques.

Cela dit, ajoute Thomas Schaffter, soutenir les acteurs médiatiques et la diversité de la presse est important, mais l’argent ne fait pas tout. Un oui enverrait un message important à Berne en montrant l’attachement de la population à la presse locale et régionale. «Le lecteur doit aussi se poser des questions sur son rapport à la presse, notamment par rapport aux réseaux sociaux dont l’information n’est pas d’une grande qualité», euphémise-t-il. «Au-delà de l’aspect financier, le lecteur a le dernier mot, et il doit en être conscient». (cath.ch/bh)

| © Bernard Hallet

Et cath.ch?

Fabien Hünenberger, directeur de l’association cath-info, qui regroupe cath.ch et RTS religion, fait le point sur la situation de cath.ch.

-cath.ch bénéficie-t-il actuellement d’aide indirecte à la presse?
Non. Le site est actuellement financé exclusivement par l’association Cath-Info et par les abonnements aux articles payants.

-Si le oui au train de mesure d’aides à la presse passe le 13 février, que peut concrètement en tirer cath.ch?
Comme de nombreux sites d’information, cath.ch doit s’adapter à l’évolution technologique pour distribuer son contenu. Et ça n’est pas un petit effort! Si le train de mesures est accepté, cath.ch pourra solliciter de l’aide pour développer des «infrastructures numériques innovantes». Je pense par exemple à l’app pour smartphone que nous sommes en train de préparer en partenariat avec les sites kath.ch et catt.ch et qui nécessite un investissement financier considérable. Ce serait une aide concrète et importante pour assurer la pérennité de notre offre.

-Le projet a-t-il une chance de passer?
Je le pense, même si ce n’est pas gagné. Il y a de plus en plus de gens qui réalisent que les journaux, en Suisse, sont en train de mourir et qu’il faut faire vite pour si on veut les aider à faire leur virage numérique. Comme la poste ou les chemins de fer, les médias régionaux sont une composante importante de la «suissitude». Et les gens y sont attachés.

-Les arguments des opposants aux mesures sont-ils recevables?
La loi n’est certes pas parfaite ; certaines mesures auraient pu être plus ciblées pour éviter le soupçon d’engraisser les plus gros des éditeurs. C’est vrai. Mais cette loi préserve un bien commun:  un espace publique d’enquête, de débat et d’analyse au service de tous. C’est cela qui nous a convaincus de la soutenir.

-L’argent est une chose, mais in fine, le lecteur n’a-t-il pas le dernier mot?
Dans un monde idéal, oui. Mais l’influence des grands acteurs numériques internationaux est telle qu’elle éclipse la présence d’acteurs locaux plus modestes. L’aide de l’État permet avant tout de compenser cette différence de moyens. Et de permettre au lecteur de garder du choix. BH

Les médias chrétiens sont directement concernés par les mesures d'aide à la presse sur lequel on vote le 13 février prochain | © Bernard Hallet
31 janvier 2022 | 17:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 5  min.
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