Mosaïque représentant les mages suivant l'étoile. Basilique de Saint-Apollinaire-le-Neuf, à Ravenne | © Wikimedia Commons/José Luiz Bernardes Ribeiro / CC BY-SA 4.0
Suisse

La myrrhe, parfum d’amour et de mort

Parmi les cadeaux faits par les Rois mages, on connaît bien l’or, qui brille, l’encens, qui parfume, mais beaucoup moins la myrrhe. En cette date de l’Epiphanie, quelques explications sur ce produit au symbolisme multiple.

Natalie Fritz pour kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Méconnue à notre époque, la myrrhe est, au temps de Jésus, un présent extrêmement précieux, un article de luxe. Les anciens Egyptiens tentaient déjà de cultiver cet arbre épineux. Ils voulaient éviter d’avoir à importer cette essence nécessaire pour la conservation rituelle des défunts. La myrrhe ne pousse en fait que dans des climats particulièrement secs. On la trouvait ainsi à l’époque surtout en Somalie, en Ethiopie et au sud de l’Arabie.

La résine de cet arbuste était utilisée dans divers domaines de la vie, aussi bien profanes que sacrés.

Une offrande royale

Les Égyptiens utilisaient la myrrhe en fumigations pour embaumer les morts de haut rang. Dans le judaïsme ancien également, les défunts étaient enduits d’un mélange d’aloès et de myrrhe.

Récolte de résine de myrrhe en Somalie | © Somali Ministry of Information/Wikimedia/CC BY-SA 2.0

Dans l’évangile de Jean, il est dit que Nicodème a apporté environ 100 livres de ce mélange pour la mise au tombeau de Jésus – une offrande funéraire vraiment royale. Dans les cultures de l’Orient ancien, les rites d’onction avec des huiles et des baumes sont en effet réservés aux rois et aux grands prêtres. Plus tard, les dignitaires juifs adopteront cette pratique pour consacrer les objets religieux, les temples et les prêtres.

De nos jours, la myrrhe entre dans la composition du Saint Chrême. Du baptême à l’onction des malades, elle accompagne ainsi les rituels catholiques.

Plante médicinale de l’année

Les grands rois Saül, David et Salomon ont été oints pour souligner leur statut particulier parmi les hommes. Dans le Nouveau Testament, Jésus devient typiquement un ‘oint’: mashia’h en hébreu (messie), christos en grec. Il est désigné ainsi, car prophétiquement, un descendant de David devait régner sur le peuple d’Israël et instaurer le Royaume de Dieu.

Les cadeaux des trois mages renvoient ainsi au parcours de Jésus: la myrrhe comme symbole de la royauté, mais aussi de sa souffrance sur la croix: la plante a un goût amer, en même temps qu’elle apaise la douleur.

Les Sumériens l’utilisaient déjà comme médicament, comme le prouvent des tablettes d’argile datant du troisième millénaire avant Jésus-Christ. L’historien grec Hérodote (484-425 av. J.-C.) explique que l’on servait du vin mélangé à de la myrrhe aux soldats blessés lors de la guerre en Perse, car cela atténuait la douleur. Ses vertus désinfectantes, hémostatiques et antispasmodiques ont été confirmées par la science moderne et elle est encore utilisée aujourd’hui en médecine. La myrrhe a d’ailleurs été élue plante médicinale de l’année 2021!

Pouvoir d’attraction

Selon l’évangile de Marc, Jésus s’est vu offrir une telle boisson avant d’être crucifié, mais il l’a refusée (Mc 15,23). S’il avait pris un peu de myrrhe, les douleurs sur la croix auraient sans doute été plus supportables. Les théologiens estiment généralement que Jésus voulait vivre sa passion en toute conscience.

Le cadeau de la myrrhe par les Rois mages fait ainsi référence à la force d’attraction ultérieure des paroles et des actes de Jésus. En effet, en raison de son odeur intense, la résine de myrrhe servait de parfum enivrant, voire aphrodisiaque.

Dans le Cantique des cantiques (1, 13) ou le Psaume 45, 9, la myrrhe renvoie à l’amour et à la séduction. Une offrande donc appropriée pour symboliser les appels de Jésus à l’amour du prochain et l’immense pouvoir d’attraction que ses paroles ont exercé sur les peuples. (cath.ch/kath/nf/rz)

Mosaïque représentant les mages suivant l'étoile. Basilique de Saint-Apollinaire-le-Neuf, à Ravenne | © Wikimedia Commons/José Luiz Bernardes Ribeiro / CC BY-SA 4.0
6 janvier 2022 | 10:45
par Rédaction
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!