Sa trépidante vie d’hôtelier n’a pas empêché Jean-Jacques Gauer d'entamer une  quête spirituelle | © Bernard Litzler
Suisse

Jean-Jacques Gauer, hôtelier: «Restez humain!»

Issu d’une célèbre famille d’hôteliers bernois, Jean-Jacques Gauer gère l’Hôtel du Raisin à Cully (VD). Sa riche carrière perpétue la tradition suisse d’accueil, faite de disponibilité. Rencontre avec un homme pétri d’humour et de spiritualité, qui a occupé les plus hautes responsabilités dans son secteur.

Bernard Litzler pour cath.ch

«Wer nichts wird, wird Wirt» («Celui qui rate sa vie, devient hôtelier»): le trait d’humour perce sous le sourire de Jean-Jacques Gauer. Simple et serviable, il accueille derrière son bar du Raisin à Cully. Pourtant sa vie est loin de constituer un ratage, comme le démontre sa truculente autobiographie (voir encadré).

Jean-Jacques Gauer, c’est une adresse: l’Hôtel du Raisin où il reçoit tout le monde. Les Gauer, c’est aussi une dynastie d’hôteliers suisses. Son père, Jakob dit Jack, dirigeait le Schweizerhof, en face de la gare de Berne. Lui-même l’a dirigé, avant de rejoindre, entre autres, le Lausanne Palace et trois autres établissements à Cully.

L’accueil avant tout

Une dynastie, un esprit aussi: l’accueil avant tout. «C’est l’essence de notre métier, dit-il. On est là pour servir, pour comprendre les joies et les tristesses des uns et des autres et répondre à leurs attentes, se réjouir avec eux ou d’autres fois les consoler.

Dans son livre, Jean-Jacques Gauer fait une large place aux rencontres, avec une impressionnante galerie de portraits de présidents, chefs d’Etat, célébrités du cinéma ou de la chanson: «C’est le hasard de la vie qui a permis ces rencontres. J’ai eu la chance de beaucoup voyager.»

Alors pourquoi écrire son autobiographie? «C’est à cause du Covid. Tout s’arrête, il faut s’enfermer…» Alors, durant la pandémie, lorsque ses hôtels ont été mis à l’arrêt, il a distillé par écrit ses joies et ses peines, ses initiatives et ses coups durs, ses amitiés aussi.

Echelle de valeurs

«Dans ce métier, confie-t-il, vous croisez la route de beaucoup de monde: ça peut être le balayeur du coin ou, tout à coup, quelqu’un d’autre. L’essence de ça, c’est d’être toujours à l’écoute…». Un atout quand on dirige des équipes de 200 à 500 collaborateurs.

Mais la trépidante vie d’hôtelier n’empêche pas la quête spirituelle. «On a tous besoin de lieux où se poser. Pour ma part, j’ai construit une chapelle. Un cabanon, personnalisé». C’est grâce à l’abbé Georges Baud, un prêtre lausannois, que Jean-Jacques a creusé son chemin spirituel. «J’allais le voir presque tous les mercredis pendant une année à Renens et nous avons eu des conversations enrichissantes. En fait, il m’a remis en place mon échelle de valeurs avec laquelle je vis encore aujourd’hui». Il va vivre ainsi, un dimanche à Renens, son accueil au sein du catholicisme. Son épouse Emeline tombait des nues.

Et que dira-t-il à Dieu lorsqu’il le rencontrera? «Je le rencontre tous les matins quand je fais ma prière. On voudrait la santé, l’harmonie, on voudrait un chemin paisible, faire du bien, respecter une échelle de valeurs de la vie. Maintenant, c’est lui qui va me dire si je suis juste».

«Le côté simple»

Car le métier est prenant. Et que dire aux jeunes qui se lancent? «Restez humain! Il faut arrêter de croire qu’on est des managers, etc. Il faut de ça aussi, mais il faut surtout des gens qui comprennent les équipes, les clients, qui ont un côté humain. On a la chance d’avoir un métier qu’on peut faire n’importe où, au Brésil, au Vietnam ou ailleurs».

Le regard s’élargit à l’international: «La Suisse a toujours été un pays d’accueil depuis 150 ans, en s’adaptant aux besoins des clients. On a une ouverture d’esprit qui accepte l’autre. Je me marre, poursuit-il, quand je regarde à la TV les émissions françaises où tout le monde s’engueule. En Suisse, c’est moins belliqueux. J’aime ce côté simple, car ça correspond à mes valeurs».

«Il faut se relever»

Et quand l’existence vous réserve des coups durs, «il faut se relever, estime l’hôtelier culliéran. On n’est pas là pour se plaindre. Il y a des maladies, des ruptures, des déceptions. La vie est ainsi faite.»

Car l’existence de Jean-Jacques Gauer n’a pas toujours été linéaire: à Berne, il a dû laisser le Schweizerhof pour une querelle familiale, à Lausanne, il a été remercié du Palace après vingt ans de gestion dynamique. Aujourd’hui, à Cully, il est recentré. «Le principal, c’est de ne pas se casser la figure deux fois pour la même bêtise. L’important, c’est de ne pas se retrouver deux fois dans la même situation.

C’est comme ça qu’on va vers une certaine maturité. C’est, en tout cas, moins chaotique que quand on est jeune et fougueux. On sait tout, et tout mieux, et on se rend compte, malheureusement, qu’on touche à ses limites de temps à autre».

Ultime clin d’œil, Jean-Jacques Gauer conclut son livre en écrivant: «Si j’en ai l’occasion, j’aimerais mieux mourir de mon vivant!». La vie continue, au bord du Léman, pour un souriant hôtelier, derrière son bar. (cath.ch/bl)

Un itinéraire singulier
Quand un hôtelier se met à table, le menu est abondant. Jean-Jacques Gauer est né en 1953 dans la famille propriétaire du Schweizerhof à Berne. Sa vie, il la raconte dans un livre au titre insolite: Excusez-moi, Monsieur, où sont les toilettes ? (Edition Favre). C’est la question qui lui a été le plus souvent adressée dans sa carrière.
Il revient avec précision sur son itinéraire particulier. En outre, une impressionnante galerie de photos récapitule une carrière tonitruante qui l’a conduite de Berne, à Lausanne et le Palace, à Jérusalem et l’American Colony, et d’autres lieux, Corfou, Varsovie, Gstaad et Zermatt (son épouse est une fille de la famille des hôteliers Seiler).
Un parcours couronné par sa position de chairman des «Leading Hotels of the World», une association internationale de 300 hôtels. On croise, au détour des pages, les relations nouées par Jean-Jacques Gauer avec Michel Platini, Jacques Dutronc, Jean-Pascal Delamuraz ou Yasser Arafat. BL

Sa trépidante vie d’hôtelier n’a pas empêché Jean-Jacques Gauer d'entamer une quête spirituelle | © Bernard Litzler
29 décembre 2021 | 17:00
par Bernard Litzler
Temps de lecture : env. 4  min.
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