'Passe d'armes' entre les cardinaux Becciu et Pell

Le 22 décembre 2021, le cardinal Angelo Becciu a envoyé une lettre ouverte au cardinal George Pell dans laquelle il s’indigne des «provocations publiques« de celui-ci à son encontre. Il s’agit du dernier épisode en date d’une série d’échanges musclés entre les deux hommes.

Le préfet émérite de la Congrégation pour les causes des saints, actuellement en procès dans le cadre de l’affaire de l’immeuble de Londres, et l’ancien préfet australien du Secrétariat pour l’économie du Saint-Siège, acquitté en avril 2020 après un séjour en prison pour une accusation d’abus sexuels sur mineurs, entretiennent des relations difficiles depuis plusieurs années.

L’opposition des deux cardinaux remonte au début du pontificat de François, à l’époque où les deux hommes travaillaient au sein de la Curie romaine – le cardinal Becciu était alors substitut de la Secrétairerie d’État. L’Australien et l’Italien se sont alors opposés sur des questions de gouvernance et de gestion économique de la Curie, et ce jusqu’à 2017, date à laquelle le cardinal Pell a décidé de rentrer en Australie pour répondre des accusations d’abus sexuels su mineurs pédophilie portées à son encontre par la justice de son pays. Reconnu coupable dans un premier temps, il a passé treize mois en prison avant d’être acquitté par la Haute Cour australienne en avril 2020. 

230’000 dollars se seraient envolés

Les différends entre les deux hommes se sont poursuivis par la suite après la découverte d’une lettre mentionnant 230’000 dollars australiens envoyés en Australie par le Vatican à l’époque où le cardinal Becciu était à la Secrétairerie d’État et le cardinal Pell en plein procès. Destiné à la conférence des évêques d’Australie dans le but d’aider à la défense juridique du cardinal Pell, cette somme n’aurait jamais été reçue, affirme ce dernier. Depuis, il a demandé une clarification sur cette question au cardinal italien à plusieurs reprises.

Une insistance qui a provoqué l’ire du cardinal Becciu, déchu depuis le 24 septembre 2020 de ses prérogatives par le Souverain pontife. À l’époque, le cardinal Pell a été un des rares à réagir à la disgrâce de son confrère, félicitant le pape pour sa décision.

Une gestion financière critiquée

En novembre dernier, commentant le procès de l’immeuble de Londres – dans lequel comparait le cardinal Becciu – le cardinal Pell a en outre déclaré que lorsqu’il était préfet en charge de l’économie, et donc de la réforme du fonctionnement économique de la Curie, il avait dû faire face à la résistance de la Secrétairerie d’État. Et affirmé qu’il aurait pu être en mesure d’éviter le scandale financier londonien si on l’avait laissé faire son travail.

Le cardinal Becciu a réagi en menaçant le cardinal Pell de poursuites judiciaires dans deux courriers publiés les 4 et 23 novembre, dans lesquels il a dénoncé les insinuations de l’Australien, les décrivant comme infondées.

En s’adressant cette fois-ci directement au cardinal Pell dans une lettre ouverte, le cardinal Becciu vient répondre à une nouvelle déclaration de l’ancien préfet en charge de l’économie du Vatican sur les sommes envoyées par le Saint-Siège en Australie : «J’ai donc une question pour le cardinal Becciu : «Peut-il nous dire à quoi servait l’argent ?» Et si cela n’a rien à voir avec moi ou si c’est à des fins tout à fait innocentes, tant mieux», affirmait le cardinal australien dans un entretien avec le National Catholic Register publié le 16 décembre dernier. 

Injustement accusé

Dans la lettre ouverte diffusée par l’avocat du cardinal Becciu, celui-ci affirme qu’il attendra «le moment approprié», lors du procès, pour répondre aux accusations du cardinal Pell et lui demande d’être plus réservé dans ses déclarations à l’avenir.

Il affirme aussi trouver les déclarations du cardinal Pell «offensantes» à son égard et à l’égard de son ancienne charge. Répétant qu’elles sont «manifestement infondées», il déclare que du fait de son «respect absolu» pour la Cour, il compte attendre que le juge l’interroge sur ces points pour s’exprimer, et qu’il se refuse de le faire publiquement pour l’heure. 

«Vous, plus que quiconque, connaissez la douleur d’une accusation injuste et la souffrance qu’un innocent – comme je le suis, pas moins que vous – doit endurer au cours d’un procès», déclare enfin le haut prélat italien, faisant référence à son passé judiciaire.  (cath.ch/imedia/cd/mp)