Devant les autorités politiques, le pape souhaite la paix de l'île
« Je prie pour la paix […] je la souhaite de toutes mes forces ». Au premier jour de sa visite à Chypre, le pape François a plaidé pour la pacification de l’île coupée en deux, lors d’un discours prononcé le 2 décembre 2021 devant les autorités chypriotes. Il a aussi demandé que soient rendus aux Chypriotes grecs – chrétiens – les biens religieux qu’ils ont perdu au nord du pays – sous contrôle turc.
« La blessure dont souffre le plus cette terre est la terrible lacération subie au cours des dernières décennies », a déclaré le pape à Nicosie, à quelque trois kilomètres de la ligne verte séparant l’île en deux depuis 1974. Il s’agissait de son deuxième rendez-vous de la journée : après avoir rencontré le clergé et les religieux du pays, le pape a été accueilli officiellement par le président Nicos Anastasiades, au palais présidentiel de la capitale.
« Je pense à la souffrance intérieure de tous ceux qui ne peuvent pas retourner dans leurs maisons ni dans leurs lieux de culte », a déclaré le pontife argentin durant la rencontre avec les autorités du pays. D’après le gouvernement chypriote grec, 200’000 personnes – un tiers de la population – ont été forcées de quitter le nord. Depuis l’échec du plan de réunification Annan de 2004 un certain statu quo semble s’être installé entre la République de Chypre, majoritairement orthodoxe au sud, et la République turque de Chypre du Nord – majoritairement musulmane –, reconnue uniquement par la Turquie.
Le pape François, qui a souhaité la paix « de toutes ses forces », a considéré qu’elle ne viendrait pas « des grands personnages, mais de la détermination quotidienne des plus petits » mais qu’elle passerait par « la force patiente et douce du dialogue ».
Pour la sauvegarde du patrimoine religieux
Le pontife a donc appelé de ses vœux « une discussion franche qui mette au premier plan les besoins de la population », mais aussi « une implication toujours plus active de la Communauté internationale ». Il a encouragé en ce sens l’initiative «Religious Track of the Cyprus Peace Process» impliquant les responsables religieux de Chypre dans le processus de paix, sous le patronage de l’ambassade de Suède.
Par ailleurs, le pape François a plaidé pour « la sauvegarde du patrimoine religieux et culturel » et « la restitution de ce qui est particulièrement cher à la population, comme les lieux ou au moins le mobilier sacré ». Quelque 550 églises sont recensées comme détériorées, et 20.000 objets sacrés auraient disparu, pour certains revendus.
Paix en Méditerranée et en Europe
Comparant Chypre à une « perle » en Méditerranée, où elle est « la porte orientale de l’Europe et la porte occidentale du Moyen-Orient », le pontife a souhaité qu’elle soit « un chantier ouvert pour la paix » de la région. Il a aussi encouragé les autorités à « une lutte déterminée contre la corruption et les fléaux qui portent atteinte à la liberté de la personne », en particulier les trafics des êtres humains.
Élargissant son propos à toute l’Europe qui a « besoin de réconciliation et d’unité », le pape François a donné en exemple l’« esprit d’ouverture » de Chypre « pour la construction d’une société qui a trouvé sa richesse dans l’intégration ». « Parce que les murs de la peur et les vetos dictés par des intérêts nationalistes ne contribueront pas à sa progression, pas plus que la reprise économique ne garantira à elle seule sa sécurité et sa stabilité », a-t-il averti en direction du Vieux continent.
Le pape concluait ainsi son dernier rendez-vous officiel pour la journée. Le 3 décembre, il doit rencontrer l’archevêque orthodoxe de Chypre Chrysostome II, le Saint-Synode orthodoxe. Il doit aussi célébrer une messe avec la petite communauté catholique et participer à une prière œcuménique avec des migrants.
Le président chypriote remercie le pape pour le transfert de 50 migrants en Italie
Le président chypriote Níkos Anastasiádis a tenu à exprimer sa « gratitude » au pape François pour son « initiative visant à transférer 50 immigrés de Chypre en Italie ». Les modalités de cette opération – effectuée à la demande du pontife ne sont pour l’heure pas connues.
« Le peuple chypriote a vécu à un haut degré et connaît mieux que quiconque la douleur du déracinement et de l’expulsion de ses maisons ancestrales », a déclaré le président chypriote devant le pape François, faisant référence à l’invasion du nord du pays par l’armée turque en 1974. Il a aussi rappelé que Chypre avait été un lieu de refuge pour les apôtres après la lapidation du premier martyr, saint Étienne.
Se disant « en accord » avec les principes du pontife en faveur des migrants – «accueillir, protéger, promouvoir et intégrer» – il a néanmoins reconnu que Chypre avait rencontré « d’innombrables difficultés pour les gérer ». Et a tenu à rappeler que l’île était la plus importante destination des migrants aujourd’hui proportionnellement à sa population en Europe.
Dénonciation de l’occupation du nord de l’île
Lors de son discours, Níkos Anastasiádis a aussi dénoncé « l’occupation illégale » de 36% de son territoire par la Turquie, le déplacement de 30% de sa population devenue réfugiée, le problème des personnes « disparues » ainsi que le saccage des monuments culturels et religieux dans les territoires occupés. Il a demandé au pontife une « forte intervention » auprès des acteurs internationaux en faveur d’une « solution juste » à ces problèmes.
Le président chypriote a aussi dénoncé la conversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée à Istanbul par le pouvoir turc. Et donné en exemple de dialogue avec le monde musulman le Document sur la fraternité signé par le pontife et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmed al-Tayyeb. (cath.ch/imedia/ak/mp)