Ciase: le Père Zollner «impressionné» par les évêques français
Le Père Hans Zollner, cheville ouvrière de la lutte contre les abus sexuels à Rome, se dit «impressionné» par le travail et les décisions des évêques de France après la publication du rapport de la Ciase sur les abus commis dans l’Église. Il salue leur volonté de prendre en compte la voix des victimes.
Le président du Centre pour la protection de l’enfance de l’Université pontificale grégorienne et membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs évoque par ailleurs la future visite des envoyés du pape demandée par les évêques de l’Hexagone.
Que pensez-vous des annonces des évêques de France sur la lutte contre les abus, en conclusion de leur Assemblée d’automne?
J’ai été impressionné de l’ampleur et de la complexité des mesures qu’ils veulent assurer. De nombreux aspects de cette lutte contre les abus et contre la négligence dans le traitement de ces abus sont pris en compte. Ce qui me frappe de façon positive, c’est que les évêques français ont une approche spirituelle et humaine qui considère vraiment la voix des victimes. Et ils travaillent dans une complémentarité entre le leadership épiscopal et l’expertise de laïcs. Cela me semble un excellent instrument pour construire une Église coresponsable, dont l’autorité est partagée entre les diverses composantes du Peuple de Dieu.
«Ce qui me frappe de façon positive, c’est que les évêques français travaillent dans une complémentarité entre le leadership épiscopal et l’expertise de laïcs.»
De par vos fonctions, travaillez-vous en lien avec les évêques de France?
J’ai vu un groupe d’évêques français fin septembre, quand ils sont venus à Rome pour leur visite ad limina. Dans cette conversation, j’ai eu l’impression qu’ils étaient très conscients de ce qui allait sortir du rapport de la Ciase, et ils étaient prêts à en tirer les conclusions. De mon point de vue extérieur, depuis la première fois qu’ils m’ont invité à leur assemblée, il y a trois ans et demi, je note que les choix de la Conférence épiscopale française sont bien enracinés dans la spiritualité.
Les évêques français ont demandé au pape d’envoyer une ou des personnes de confiance pour examiner le traitement des abus. Comment cela va-t-il se réaliser?
Je ne sais pas. Il ne sera pas possible pour une personne, ni même pour trois ou cinq personnes, de faire ce travail s’il s’agit d’une enquête globale. On peut imaginer ce qui pourrait être faisable: qu’un groupe extérieur prenne note de ce qui a été fait, de ce qui a été analysé, et de ce qu’il faudrait faire. Mais tout est déjà là, dans les mesures que la Conférence épiscopale française a proposées. Il est bon d’avoir quelqu’un d’extérieur qui puisse vérifier que les résolutions ont été mises en acte, et de quelle façon.
La «task-force» du Vatican pourrait-elle être impliquée?
Non. La task-force traite seulement d’un soutien aux Conférences épiscopales du monde qui n’ont pas mis à jour leurs lignes directrices en matière de protection des mineurs. Les Français ont fait leur travail.
«Cela ne veut pas dire que les abus n’existent plus, malheureusement c’est un phénomène qui dure encore.»
Les choix des évêques français peuvent-ils servir d’exemple?
Il y a différents modèles. En Autriche notamment, une commission indépendante a été constituée dès 2010 à la demande de la Conférence épiscopale, comme en France. Mais ils n’ont pas fait le même genre de travail scientifique que celui de la Ciase.
En Allemagne, les évêques ont demandé à un groupe de scientifiques indépendants de faire une enquête, avec une autre méthodologie. Le focus est toujours un peu différent, cela dépend de nombreux facteurs. Dans tous les cas, il est très important de faire appel à un groupe indépendant, pour plus d’objectivité et de crédibilité dans les résultats.
Plus largement dans l’Église, la lutte contre les abus avance-t-elle?
Le travail fait en France et dans d’autres endroits du monde montre qu’il y a un progrès. Beaucoup plus de personnes en parlent, beaucoup plus de personnes sont devenues conscientes du problème. Il y a plus de volonté d’affronter cette crise. Paradoxalement, on peut avoir l’impression que rien ne change, car des chiffres terrifiants, vraiment affreux, sont révélés par des rapports comme celui de la Ciase.
Aujourd’hui cependant nous affrontons une réalité qui se réfère surtout à des décennies passées. Cela ne veut pas dire que les abus n’existent plus, malheureusement c’est un phénomène qui dure encore. Nous sommes choqués par ces rapports qui sortent – et il y en aura encore à l’avenir – mais c’est justement parce que nous en savons plus que la situation change. Il y a dix ans, qui s’intéressait à ce problème en France? (cath.ch/imedia/ak/bh)