Le cardinal archevêque émérite de Karachi Joseph Coutts, dénonce les mariages forcés à fin de conversion à l'islam | © www.ucanews.com
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J. Coutts: «La duplicité de l'Occident est la cause de l’islamisme»

Pour le cardinal pakistanais Joseph Coutts la «duplicité et l’hypocrisie» des États-Unis et de l’Union européenne ont un impact sur la persécution des chrétiens dans la région. Car les islamistes les assimilent à l’Occident et les rendent responsables des conflits en Irak, en Afghanistan et dans d’autres territoires.

Bien que le cardinal Joseph Coutts ait remis sa charge d’archevêque de Karachi au début de l’année 2021, il continue à être une voix forte en faveur des minorités pakistanaises. De passage à Rome, l’archevêque s’est longuement entretenu avec le magazine américain Crux, le 18 octobre 2021. Il est revenu sur la situation actuelle de son pays et sur la place de la communauté chrétienne face à la montée de l’islamisme radical.

«Nous ne sommes pas des migrants. Nous appartenons au pays au même titre que les musulmans, les hindous et tous les autres.»

«Ce que nous vivons au Pakistan depuis une ou deux décennies, c’est un mouvement croissant d’islamisation, relève le cardinal. L’idée est de promouvoir l’islam, mais au prix de la négligence de l’histoire de l’hindouisme et des autres religions qui sont présentes dans le pays depuis bien avant le 8e siècle. (siècle de la conquête islamique du pays NDLR).

La cathédrale catholique de St-Patrick, à Karachi, au Pakistan wikimedia commons A. Savin CC-BY-SA-2.0

Le nombre d’hindous est plus ou moins égal à celui des chrétiens, mais pour certains musulmans, le christianisme a une connotation négative. «Ils nous voient comme le diable, le produit du colonialisme. Si quelque chose se passe en Occident, par exemple un cas de blasphème, nous sommes sur les dents, parce qu’une église de plus sera attaquée, quelques chrétiens de plus seront brutalement tués.»

Les fanatiques disent que nous n’avons pas notre place au Pakistan. «Mais nous ne sommes pas des migrants. Nous appartenons au pays au même titre que les musulmans, les hindous et tous les autres.»

Il n’y a pas de langue pakistanaise

Le fondateur du Pakistan Muhammad Ali Jinna expliquait que ce que vous croyez n’a rien à voir avec l’État, note le cardinal. Il invitait toute la population à apprendre à être des Pakistanais. Pakistan était un mot nouveau, et il n’y a pas de langue ›pakistanaise’. «Nous essayons toujours d’apprendre, car le pays est jeune. Nous avons beaucoup de liberté, et bien sûr, il y a des problèmes. Si vous venez au Pakistan, vous trouverez un peu de tout: du bon, du mauvais, du laid.»

«Beaucoup de nos lois datent de l’époque britannique.»

Aujourd’hui, le Pakistan est officiellement islamique. Mais contrairement à l’Arabie saoudite, par exemple, il ne suit pas la loi islamique de la charia. «Nous utilisons encore beaucoup de lois datant de l’époque où les Britanniques régnaient sur tout le sous-continent, rappelle le cardinal.  Le Pakistan est une fédération de quatre provinces autonomes. Chacune a ses propres lois, un parlement provincial, un premier ministre élu par le peuple et un gouverneur fédéral, puis il y a le gouvernement fédéral dans la capitale, Islamabad.

De multiples courants de l’islam

Le cardinal Coutts confère le sacrement de confirmation dans une église de Karachi | diocese of Karachi

L’islam du Pakistan est majoritairement sunnite, mais il connaît aussi le courant plus mystique du soufisme et le chiisme. Le courant wahhabite, en provenance d’Arabie Saoudite, est «très différent de celui que nous avons dans la majeure partie du Pakistan, où nous avons eu une femme Premier ministre et où nous avons beaucoup de femmes parlementaires, dans les forces de police et dans l’armée de l’air», relève Mgr Coutts.

Une démocratie qui fonctionne

«Le Pakistan est une démocratie qui fonctionne. Nous avons des lois et nous sommes capables d’avoir une voix, grâce à Dieu, insiste le prélat. Bien que nous soyons une très petite minorité, nous ne sommes pas cachés. J’ai déjà mené des protestations dans la rue.»

Pour le cardinal ce qui «est mauvais pour nous, c’est encore une fois la duplicité, l’hypocrisie des États-Unis. Pour les islamistes, les États-Unis, l’Union européenne, tous les pays occidentaux ou, disons, les Blancs, sont des chrétiens.»

«Les Talibans peuvent être violents. Ils sont prêts à tuer ou à être tués. Parce qu’ils croient qu’ils font la volonté d’Allah.»

Lorsque les Russes ont envahi l’Afghanistan en 1979 – 1980, le chiffre officiel du HCR était de 3 millions de réfugiés afghans au Pakistan. Beaucoup ont pris racine. «Nous avons aussi les Talibans pakistanais. C’est une organisation interdite, mais elle est là. Et ces gens peuvent être violents. Ils sont prêts à tuer ou à être tués. Parce qu’ils croient qu’ils font la volonté d’Allah.»

L’heure de la colère

Les imams dans leur prêches du vendredi disent: «jeunes musulmans, levez-vous, c’est l’heure de la guerre sainte. Regardez ce que ces chrétiens nous font. Ils ont attaqué l’Irak, un pays musulman». Ils ont vu les maisons détruites, les gens pleurer et fuir. Quand des musulmans, même modérés, voient et entendent cela, ils se mettent en colère. Ils sont prêts alors à rejoindre Al-Qaida ou les Talibans.

Le cardinal, Joseph Coutts, archevêque émérite de Karachi au Pakistan | wikimedia commons Ollivry CC BY-SA 4.0

La première fois qu’une église a été attaquée au Pakistan, c’était une semaine après que les Marines américains ont commencé à bombarder l’Afghanistan et que des dizaines de milliers de réfugiés ont afflué à travers la frontière, femmes et enfants en pleurs. Tout le monde était choqué, se souvient le cardinal Coutts. Deux jeunes hommes armés de fusils automatiques ont fait irruption dans une église un dimanche au Pakistan. «C’était la première fois que nous vivions une telle expérience, des musulmans entrant dans une église et tuant les gens. Nous n’avions jamais connu cela auparavant.»

L’Afghanistan a encore un long chemin à parcourir

Interrogé sur la situation actuelle en Afghanistan, le cardinal tient à rappeler que les États-Unis, l’Arabie Saoudite et le Pakistan ont créé les Talibans.

«L’Afghanistan est une société tribale séculaire. Vous ne pouvez pas simplement leur enfoncer la démocratie dans la gorge.»

Les Afghans ont fait vivre l’enfer aux Britanniques dans les années 1800, ils ont fait vivre l’enfer aux Russes en 1981, et maintenant aux forces de l’OTAN. Quand l’Union soviétique est arrivée, les pays occidentaux se sont alarmés. Il fallait arrêter les communistes, même si pour cela ils devaient serrer la main du diable. La Russie était encore une superpuissance. L’Amérique est intervenue avec sa technologie et les Saoudiens avec leur argent, et l’armée pakistanaise a formé les Talibans.

Finalement les Américains sont arrivés en 2001, pensant que par la force ils pourraient tout résoudre, constate Mgr Coutts. Ils ont dépensé des milliards pour créer une armée nationale pour l’Afghanistan, sans comprendre qu’il s’agit d’une société tribale séculaire, où la première loyauté des jeunes hommes que vous recrutez et payez n’est pas une entité appelée armée nationale mais leur tribu. «L’Afghanistan a encore un long chemin à parcourir, vous ne pouvez pas simplement leur enfoncer la démocratie dans la gorge», conclut le prélat. (cath.ch/crux/mp)

Le synode est pour tous les baptisés 

Membre du groupe préparatoire pour le synode sur la synodalité, le cardinal Coutts avait fait le déplacement de Rome pour le lancement de la démarche par le pape François.
Cette première suscite beaucoup de questions, de doutes, de critiques, admet le cardinal Coutts. «Mais le concept même est très important. Le pape François s’éloigne de cette structure pyramidale de l’Eglise, et il a l’idée d’impliquer tous les fidèles. C’est pourquoi nous ne l’appelons pas synode des évêques. Le Synode est-il pour tous les baptisés ? Bien sûr. » 
Au Pakistan, on compte sept diocèses, note l’archevêque émérite de Karachi. «Mais j’ai reçu des rapports indiquant qu’ils s’étaient bien préparés. Notre situation et nos circonstances sont très différentes: Nous sommes une Église plutôt jeune, historiquement parlant, pas plus de 200 ans. Nous avons encore un certain nombre de missionnaires étrangers avec nous, et nous avons encore un pourcentage assez élevé d’analphabétisme, (45%). »
«Au début, j’étais un peu confus au sujet du synode, mais j’ai ensuite compris l’idée du pape François de faire de la synodalité la voie à suivre pour l’Église.
Au sein de la fédération des conférences épiscopales asiatiques, il y a 20 ou 25 ans déjà, nous parlions de l’Église participative, du fait que nous devions à nouveau impliquer les laïcs, sur le modèle de ce que disent les documents du Concile Vatican II. Vous savez, ce qu’on appelait les communautés ecclésiales de base se rapprochait de l’idée de synodalité. Et nous voilà sur une nouvelle voie, dont seul l’Esprit Saint sait si elle sera fructueuse.»  MP

Le cardinal archevêque émérite de Karachi Joseph Coutts, dénonce les mariages forcés à fin de conversion à l'islam | © www.ucanews.com
21 octobre 2021 | 17:00
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 6  min.
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