La grande «pétition» du pape François contre les inégalités
Face aux grandes souffrances de ce monde, «nos cerveaux et nos mains ne suffisent pas, nous avons aussi besoin de nos cœurs et de notre imagination», a déclaré le pape François dans un long message vidéo envoyé aux participants en ligne d’un rassemblement de mouvements sociaux catholiques le 16 octobre 2021.
S’adressant à ces derniers mais aussi aux «puissants», le pontife a livré un vibrant plaidoyer pour la déconstruction des «structures de péché» qui nourrissent la résistance aux changements dont on a urgemment besoin.
Regarder en face les inégalités sociales
Le pape François s’exprimait dans le cadre de la IVe Rencontre mondiale des mouvements populaires, une initiative qu’il avait lancée en 2014 à Rome. Depuis, ce grand rassemblement d’associations sociales catholiques organisé par le Dicastère pour le service du développement humain intégral s’est tenu en 2015 en Bolivie – en présence du pontife argentin – et de nouveau à Rome en 2016.
François dénonce la permanence d’un monde «où la culture du privilège est un pouvoir invisible et indestructible»
Dans un discours long de près de quarante minutes, le pape François a appelé chacun à saisir l’opportunité de la crise actuelle pour regarder en face les inégalités sociales que, selon lui, «tant de mécanismes de post-vérité ont été incapables de cacher» pendant la pandémie. Il a regretté la permanence d’un monde «où la culture du privilège est un pouvoir invisible et indestructible et où l’exploitation et l’abus sont une méthode habituelle de survie».
Le tiers-souffrant
Le pape François a en particulier dénoncé l’existence d’un «tiers-souffrant», une partie de la population «cachée, recroquevillée» qui est l’incarnation pour lui de la culture de l’indifférence actuelle. En conséquence, il a appelé à regarder le monde depuis les périphéries, affirmant que la «souffrance du monde est mieux comprise avec ceux qui souffrent».
Le pontife s’est dit inquiet face aux projets en cours qui visent à reconstituer la même structure socio-économique qu’avant la crise. Il a mis en garde contre la tentation de recourir aux schémas antérieurs, une démarche qu’il a qualifiée de «suicidaire», d’ «écocidaire» et de «génocidaire».
Une «locomotive incontrôlée qui nous emmène vers l’abîme»
«Ce système, avec sa logique implacable du profit, échappe à tout contrôle humain», a-t-il constaté, appelant à arrêter cette «locomotive incontrôlée qui nous emmène vers l’abîme». Dénonçant le «pacte non signé, mais inconscient, entre l’égoïsme des forts et le conformisme des faibles», il s’est présenté comme un pétitionnaire, présentant ses requêtes aux grandes puissances de ce monde.
La «pétition» du pontife
Le pape a ensuite déroulé la liste de ses revendications sociales: aux grands laboratoires pharmaceutiques, il a demandé de libérer les brevets, aux organisations financières, d’annuler les dettes des pays pauvres, aux entreprises extractives de cesser de détruire l’environnement.
Il a poursuivi en réclamant aux entreprises alimentaires d’en finir avec leurs structures monopolistiques qui affament les populations, aux fabricants d’armes de cesser tout simplement leur commerce. Le 266e pape a ensuite demandé aux géants de la technologie de cesser d’exploiter la fragilité humaine et de s’enrichir des discours de haine, puis aux médias d’en finir avec la diffusion de la «post-vérité».
Le pontife argentin a exigé des nations puissantes l’arrêt du néocolonialisme et des agressions contre les petits pays. Puis demandé à tous les gouvernements d’arrêter d’écouter seulement des élites économiques porteuses «d’idéologies superficielles» mais plutôt d’avoir le courage de regarder leurs peuples. Enfin, il a appelé ses confrères religieux à «ne jamais utiliser le nom de Dieu pour fomenter des guerres ou des coups d’Etat».
Salaire universel et baisse du temps de travail
«Nous ne sommes pas condamnés à répéter», a martelé le chef de l’Eglise, plaidant pour la construction de modèles socio-économiques à «visage humain». «Si tous ceux qui, par amour, ont lutté ensemble contre la pandémie pouvaient aussi rêver ensemble d’un monde nouveau, comme tout serait différent !», s’est-il mis à espérer.
Le pontife lui-même a proposé deux mesures qui, selon lui, ne résoudraient pas tout mais marqueraient un changement de direction positif: le salaire universel, qui permettrait une justice redistributive, et la réduction du temps de travail, qui garantirait l’accès au monde du travail à plus de personnes. Il a aussi demandé à chacun de lire les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations unies. (cath.ch/imedia/be)