La sobriété devient une contrainte
La croissance de 3% que nous indiquent les chiffres officiels du produit intérieur brut suisse est fictive à un double titre. D’une part elle n’inclut pas les dégâts irrémédiables causés à nos ressources naturelles et à notre biodiversité. Ceux-ci devraient venir en déduction de ce chiffre.
D’autre part, elle exclut le coût que nous devrions supporter si nous voulions maintenir la hausse des températures à 1,5° comme nous le demandent les accords de Paris. En réalité, le changement climatique met en cause la croissance économique et l’économie privée commence sérieusement à s’en préoccuper.
La preuve en est une étude récemment publiée par l’Association suisse des banquiers qui concerne les moyens pour arriver à une économie sans émission de CO2 à l’horizon 2050. Cette étude, intitulée Finance durable, calcule les investissements nécessaires pour atteindre cet objectif dans les douze secteurs qui émettent actuellement le plus de CO2. Parmi ceux-ci, les plus énergivores sont le secteur des véhicules légers, le bâtiment, le secteur des véhicules lourds, l’énergie et le trafic aérien international. Au total, ces douze secteurs exigeront des investissements de près de 400 milliards de francs sur trente ans, soit près de 13 milliards par an. Ceux-ci représentent 2% de notre PIB annuel.
Cette étude est à ma connaissance la première du genre. Elle est riche de plusieurs enseignements. Le premier est que la lutte contre le changement climatique exigera de gros efforts. 2% de notre PIB est un montant réalisable, mais substantiel. Il nécessitera des dépenses conjointes des pouvoirs publics, de l’économie privée et de la population. Celle-ci sera concernée essentiellement par les transformations dans les modes de mobilité et les améliorations des bâtiments, soit au total 175 milliards, avec une charge plus lourde les premières années, soit 11 milliards.
«Le coût du changement climatique est dans les moyens de la Suisse»
Vient alors le second enseignement de ce rapport. 11 milliards annuels représentent 3% de la consommation annuelle des ménages ou 13% de leur épargne. Celle-ci ne peut augmenter fortement et modifier rapidement son affectation, puisqu’elle s’oriente déjà vers le logement ou l’épargne-retraite. Cela signifie concrètement que les Suissesses et les Suisses devront réduire leur consommation de quelques pour cent. Certes l’effort est tout à fait possible, mais il nous oblige à quitter le «toujours plus». Le changement climatique n’est pas punitif, mais il nous contraint à la sobriété chère au pape François.
Les auteurs du rapport ont tout à fait raison de signaler que le coût du changement climatique est dans les moyens de la Suisse. Trouver 13 milliards annuels n’est pas un problème pour le système bancaire. Mais le diable est dans les détails. L’effort demandé à la population sera tout à fait conséquent. Il n’est pas facile de diminuer sa consommation de quelques pour cent, d’autant plus qu’à cette charge s’ajoutera la hausse du coût de la vie. Cela sera même tout à fait impossible sans une volonté politique forte et un effort supplémentaire de solidarité, car les revenus les plus faibles ne pourront faire face à des transformations des modes de transport et de chauffage sans y être aidés. Les Pouvoirs publics devraient en prendre conscience dès maintenant et tenir un discours en conséquence. Le temps n’est plus aux demi-mesures. Il exige dès maintenant une véritable mobilisation des énergies et des volontés.
Jean-Jacques Friboulet
13 octobre 2021
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