Les millions des trusts liés aux légionnaires du Christ seraient déposés sur des comptes à Genève. | © Pierre Pistoletti
Suisse

Les légionnaires du Christ ont des millions sur des comptes suisses

Les Pandora Papers révèlent que deux trusts liés aux légionnaires du Christ disposaient de près de 300 millions de francs sur des comptes suisses en 2017. Des sommes qui interrogent, alors que de nombreuses victimes d’abus sexuels de prêtres de la communauté n’ont pas encore été indemnisées.

Les deux trusts portent les pieux noms de Salus et AlfaOmega. Ils ont été créés en 2011 par deux frères du père Luis Garza Medina, vicaire général de la Légion du Christ de 1992 à 2011. Officiellement, ces fonds, qui comptabilisent à eux deux près de 300 millions de francs, ne sont pas liés à la Légion. Mais dans les faits, leurs bénéfices (qui se comptent en millions de dollars) sont reversés à un troisième trust, Retirement and Medical Charitable Trust (RMCT), appartenant aux légionnaires du Christ.

C’est l’une des révélations des Pandora Papers, cette fuite massive de documents financiers analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et dévoilés dimanche 3 octobre. Or, selon La Tribune de Genève, l’argent de ces trusts se trouve à Genève chez Pictet, Credit Suisse, JP Morgan et Lombard Odier.

Des légionnaires censés être pauvres

Ce qui coince ?  Le trust RMCT a été créé en 2010 en Nouvelle-Zélande trois jours à peine avant l’annonce officielle de la mise sous tutelle de la Légion du Christ par le Vatican et de sa refonte sous l’égide du cardinal De Paolis. Les scandales autour des nombreux abus sexuels au sein de la Légion et de la double vie du fondateur, le père Marcial Maciel, s’amoncelaient depuis plusieurs années, appelant des réparations financières.

Or, à ce moment-là, les légionnaires du Christ étaient censés être appauvris. Le cardinal De Paolis estimait en septembre 2011 que la situation financière de la Légion était «grave et difficile» et que certaines victimes demandaient «des sommes énormes que la Légion ne peut absolument pas se permettre», selon un livre de 2014 du journaliste italien Gianluigi Nuzzi, cité par l’ICIJ.

Pour les besoins des prêtres âgés

De fait, certaines victimes du père Marcial Maciel qui se sont manifestées dès les années 1990 n’auraient toujours pas été indemnisées. Et les plaignants potentiels sont nombreux : au moins 175 enfants ont été abusés au sein de la Légion, selon un rapport de la communauté rendu public en décembre 2019, dont soixante par le seul fondateur.

A la question de savoir si l’argent déposé à Genève pourrait servir à indemniser les victimes, l’avocat lausannois Stéphane Lagonico, qui dispose d’une procuration sur les comptes suisses, ne répond pas. Il renvoie La Tribune de Genève, qui l’a interrogé à ce sujet, au porte-parole des trusts aux Etats-Unis. Celui-ci rappelle la vocation du Retirement and Medical Charitable Trust (RMCT): subvenir aux besoins des prêtres et religieux âgés de la Légion. Une vocation inscrite légalement et difficile à changer.

Des intérêts mondains

Les millions genevois, dont les victimes des légionnaires du Christ abuseurs ne verront peut-être jamais la couleur, sont-ils un reliquat de l’époque Maciel, ou la preuve que la Légion est «irréformable», comme l’estiment certains ? La sœur du père Luis Garza Medina, interrogée par l’ICIJ, est plutôt désabusée: elle qui a quitté la branche laïque de la communauté après le lycée affirme que la Légion a toujours détourné l’argent de ses généreux donateurs via des structures offshore afin de financer des intérêts mondains, à commencer par le mode de vie luxueux du père Maciel, ses enfants cachés et sa consommation de drogue. «Une grande partie de leur argent était gardée en dehors de la Légion par des personnes complètement fidèles à la Légion. Vous ne le trouverez jamais», assène-t-elle. (cath.ch/cmc)

Les millions des trusts liés aux légionnaires du Christ seraient déposés sur des comptes à Genève. | © Pierre Pistoletti
10 octobre 2021 | 16:24
par Christine Mo Costabella
Temps de lecture : env. 2  min.
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