L’ancienne église Al-Bichara de Mossoul-Est dévastée par Daesh © Pascal Maguesyan . Juillet 2017.
Vatican

Mossoul: six mois après la venue du pape, une cloche sonne l’espérance

Le 18 septembre 2021, Mossoul (Irak) a entendu résonner la cloche de la paroisse syriaque-catholique de Mar Thomas, pour la première fois depuis 2014. Un nouveau moment de liesse et de grande espérance pour toute la population, six mois après la visite historique du pape François dans la cité martyre. Le curé de la paroisse, Pios Affas, raconte à l’agence I.MEDIA comment la toute petite communauté chrétienne s’attelle aujourd’hui à rebâtir ce qui a été détruit.

La nouvelle cloche de votre église a été inaugurée ce week-end. Un moment important pour votre communauté?
Pios Affas: C’était une grande fête, un moment de joie pour nous tous. Pour que vous compreniez, cette cloche est le signe d’un nouveau départ. Daech avait tout détruit, les structures, les autels, brisé les statues, brûlés les icônes et nos livres… Alors le 3 juillet 2018, quand je suis revenu, j’ai commencé à remettre debout, à embellir, pour que notre église redevienne vraiment ce qu’elle était auparavant. Le rêve pour nous était de réentendre un jour notre cloche. Tous ces travaux de restauration ont été soutenus par l’association Fraternité en Irak. C’est grâce à eux – dont l’organisation a été fondée il y a dix ans et qui a fait tant pour les chrétiens et yézidis – que nous avons pu fabriquer cette cloche au Liban et l’acheminer jusqu’à chez nous. Elle a coûté 12’000 dollars.

Quelle émotion avez-vous ressenti au moment du premier tintement de votre cloche, qui a résonné partout dans la ville?
C’était une grande joie parce qu’il s’agit vraiment d’un signe de la présence des chrétiens, qui habitent à Mossoul depuis 2000 ans. Ici, les chrétiens étaient là bien avant les musulmans. Et ils ont été chassés de leur ville. Le retour de la cloche apporte aussi l’espérance du retour des chrétiens. C’est la première cloche qui résonne dans la ville. Désormais, il n’y a pas de raison que d’autres églises ne soient elles aussi rétablies. Je crois que la visite du pape a donné un élan à ce désir de reconstruction. Lors de sa récente venue, le président français Emmanuel Macron a aussi promis de reconstruire des églises et des mosquées.

«Le pape a aidé à faire bouger les choses»

Hier, dans le petit discours que j’ai prononcé, j’ai déclaré qu’il est toujours plus beau d’entendre les cloches et l’appel à la prière des muezzins ensemble; quand les prières des deux communautés s’unissent pour vraiment demander au Seigneur de bénir et de garder les habitants de Mossoul, chrétiens et musulmans.

Aviez-vous convié des autorités lors de la cérémonie, notamment des autorités musulmanes?
Par encore, parce que j’attends de terminer définitivement toutes les restaurations de l’église. Désormais, nous travaillons à restaurer le sol de l’église pour renforcer les fondations et refaire le dallage brisé par Daech. Tous les saccages ont été commis sur ces pavés qui portent encore la marque des violences. C’est un très grand projet: «la Fraternité» nous soutient en payant la moitié du budget. On parle d’un coût de 60’000 dollars, dont 30’000 ont été payés par Fraternité en Irak. De notre côté, nous avons fait appel à des expatriés afin de soutenir ce projet.

Concrètement, il faut creuser le sol d’un demi mètre. Une restauration en 1959 avait enseveli les bases des colonnes. Puis, il faudra mettre du ciment, consolider, et enfin refaire un dallage avec les anciens pavés de marbre de Mossoul – un marbre très connu et très beau! – qu’on a soigneusement enlevé et qu’on remettra ensuite. C’est un travail artistique et archéologique en même temps.

«A peine une trentaine de familles sont revenues»

Six mois après, la visite du pape reste-t-elle un moment important pour votre paroisse?
Je pense que la visite a été surtout un signe pour les musulmans de la ville, qui doivent vraiment être prêts à recevoir et accueillir des chrétiens avec dignité. Il faut aussi s’unir pour réparer tout ce qui a été détruit par Daech. Qu’ils ouvrent leurs bras pour accueillir les chrétiens afin que nous puissions revenir au temps de la fraternité et de la collaboration, pour recommencer à bâtir ensemble cette ville très ancienne et très importante.

Quel effet a eu la visite du pape?
Il a aidé à faire bouger les choses. Je dois reconnaître que lors de sa visite à Mossoul, j’aurais bien aimé le voir venir chez nous à Mar Thomas. Il a choisi de se rendre sur les ruines des églises détruites, nous l’avons vu. Mais ici, il aurait pu voir une église ouverte, où a été célébré de nouveau l’eucharistie pendant presque deux ans. Cela aurait été un signe important, un signe de l’espérance de revoir la ville rebâtie et repeuplée par les chrétiens. J’ai compensé avec une grande photo du pape qui a été mise dans l’église en souvenir de cette visite iconique à Mossoul. Enfin, le seul fait de poser le pied à Mossoul, de se rendre devant les ruines était important. Le pape a été ému, il a pleuré, il a prononcé un discours magnifique et très suggestif pour les auditeurs musulmans et chrétiens présents.

Aujourd’hui, où en est-on du retour des chrétiens? Combien de personnes votre paroisse compte-t-elle?
Il n’y a presque personne aujourd’hui, à peine une trentaine de familles sont revenues. Certes, il y a ceux qui sont venus pour l’inauguration de la cloche, mais aujourd’hui, ils habitent au Kurdistan. On a organisé le voyage pour eux, ils étaient contents. On pense que ça va leur donner l’espoir et le courage de revenir un jour. Auparavant, il y avait au moins 300 familles chrétiennes. Leur nombre a commencé à diminuer avant Daech, depuis 2000, avec une immigration qui allait d’abord de Mossoul vers les villages alentours, puis vers le Kurdistan ou l’étranger.  (cath.ch/imedia/cd/rz)          

L’ancienne église Al-Bichara de Mossoul-Est dévastée par Daesh © Pascal Maguesyan . Juillet 2017.
20 septembre 2021 | 16:33
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 4  min.
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