Les supérieurs majeurs se penchent sur les abus sexuels
Réunie du 28 au 30 juin 2021 au monastère de Béthanie, dans le canton d’Obwald, l’Union des Supérieurs Majeurs des ordres religieux en Suisse (USM) a consacré son assemblée annuelle à la question de la gestion des abus sexuels dans l’Eglise et les communautés religieuses.
Une trentaine de participants, hommes et femmes, supérieurs majeurs, délégués, invités et conférenciers se sont réunis sous la direction du président, l’Abbé Peter von Sury, OSB. Ils ont travaillé sur la gestion des abus sexuels en Eglise.
La Conférence des évêques suisses (CES), en collaboration avec l’USM et la Conférence centrale catholique romaine (RKZ) ont récemment révisé les «Directives relatives au Fonds d’indemnisation« des victimes d’abus sexuels, en vigueur depuis 2016.
La coopération entre les organes diocésains, les congrégations religieuses et les organes des corporations ecclésiastiques cantonales est structurée de manière extrêmement complexe. Mais l’USM a réaffirmé sa volonté de prendre au sérieux la souffrance des victimes, de donner un signe de réconciliation et d’indemnisation, dans le cadre de cas prescrits, et de travailler à tous les niveaux pour des concepts de prévention et de protection.
Un changement important dans les lignes directrices est de considérer à l’avenir non seulement la gravité de l’injustice subie par les victimes (faits objectifs), mais surtout les conséquences psychologiques et sociales (expérience subjective des victimes), car cette expérience a encore de graves conséquences des décennies plus tard.
Une décision tout aussi importante consiste à inclure les organismes d’aide aux victimes reconnus par l’État et indépendants de l’Église (CECAR). L’assemblée de l’USM a décidé d’apporter une contribution financière dans le sens d’un signe, d’une reconnaissance et d’un soutien de l’engagement de ces organisations.
Pour une étude historique des abus dans l’Eglise
L’Abbé Urban Federer, OSB, a en outre informé l’assemblée sur le projet pilote «Sur l’histoire des abus sexuels dans l’environnement de l’Eglise catholique en Suisse depuis le milieu du 20ème siècle».
La commission d’experts de la CES, a adressé une demande à la CES pour une telle étude scientifique, qui doit examiner les événements dans une perspective historique, dans le sens d’une étude préliminaire à une étude nationale.
Le contrat avec l’Université de Zurich et les commanditaires, la CES, et la Conférence des Unions des Ordres et des autres communautés de vie consacrée en Suisse (KOVOS) a été présenté aux membres de l’assemblée. L’USM soutien la démarche et y apportera sa coopération. La décision selon laquelle la KOVOS, en tant qu’organisation faîtière de toutes les associations religieuses – c’est-à-dire également des congrégations féminines – sera à l’avenir le partenaire contractuel dans cette affaire est significative.
Abus spirituel et psychologique
Toujours sur les questions d’abus, l’’USM a décidé de soutenir financièrement la traduction en allemand du livre «Risques et dérives de la vie religieuse», de Don Dysmas de Lassus. Dans cet ouvrage, publié en français en 2020, le prieur de la Grande Chartreuse (F) examine les pratiques spirituelles et le leadership qui recèlent des dangers d’abus, d’emprise et d’exploitation. Il plaide pour un développement personnel et communautaire dans le respect de la personne et de la tradition.
La pratique de l’accompagnement spirituel
Les participants ont également prolongé leur réflexion sur la question: comment l’Église peut-elle remplir sa mission de réconciliation et retrouver sa crédibilité ? La théologie des sacrements joue ici un rôle, avec notamment la pratique de la confession. Le révérend Stefanos Athanasiou et Stefan Constantinescu ont présenté la tradition spirituelle de l’Eglise orthodoxe à cet égard. Dans l’Église orthodoxe, la confession n’a pas, comme en Occident, une signification plutôt pédagogique/juridique, mais thérapeutique. Le «confesseur» n’est pas un juge qui peut absoudre, mais un accompagnateur.
Dans la tradition de l’accompagnement, il y a donc non seulement des «confesseurs» mais aussi des «mères confessantes». La paternité spirituelle se manifeste ici dans les désignations «Geron» ou par exemple «Starets» et se base sur l’accompagnement.
Le docteur Paul Schmid, du mouvement des Focolari, a complété ces propos d’un point de vue psychiatrique. Pour la réconciliation, l’autre personne est nécessaire, le pardon est davantage un processus intérieur et psychologique. Il convient également de noter que les auteurs de ces actes ont eux-mêmes été souvent aussi des victimes. La blessure, la culpabilité et le pardon doivent être pris en compte dans ce processus psychique intérieur afin de se libérer pour la réconciliation.
Visite au musée de Frère Nicolas
Comme un changement bienvenu, une excursion a conduit les membres de l’USM au Musée de Frère Nicolas à Sachseln. Karina Schubert les a guidés à travers l’exposition consacrée à sa femme Dorothee Wyss. Elle démontre de manière impressionnante que Frère Nicolas n’aurait pas pu suivre sa vocation sans le soutien courageux de son épouse. (cath.ch/com/mp)