Michel Racloz: une présence de l'évêque en terres vaudoises
Michel Racloz a été choisi comme «représentant de l’évêque» pour la région diocésaine Vaud, à la suite de l’abbé Christophe Godel, vicaire épiscopal. Il désire être «un témoin et un garant de la fraternité» au sein du plus grand canton romand, fort de plus de 800’000 habitants, dont 215’000 catholiques.
De vicaire épiscopal à représentant de l’évêque, quels sont les enjeux liés à ce changement opéré par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg? Interview de Michel Racloz, qui reçoit cath.ch dans le jardin du vicariat épiscopal, au Chemin des Mouettes 4, à Lausanne.
Y a-t-il des particularités vaudoises liées à votre mission?
Michel Racloz: La réalité vaudoise me tient très à cœur. Les défis des représentants de l’évêque sont différents selon les régions diocésaines. Depuis 2012 au service du vicariat de l’Église catholique du canton de Vaud (ECVD), j’ai appris à gérer la dimension des relations institutionnelles, de l’œcuménisme, de l’interreligieux, en particulier les missions d’aumônerie dans l’éducation, la formation, la santé et la solidarité. J’ai répondu à l’appel de l’évêque avec la conscience des enjeux internes à l’Église, mais aussi des défis à relever avec les autres Églises chrétiennes dans le canton.
Comment concevez-vous votre nouvelle responsabilité?
Je souhaite avant tout intensifier la culture de la reconnaissance, de la confiance mutuelle entre les baptisés, hommes et femmes, et renforcer la collaboration entre agents pastoraux qu’ils soient ministres ordonnés ou laïcs. Je veux également prendre en compte le plus possible les effets de la pandémie sur la vie des gens. Comment, en tant qu’Église, contribuer à cette sortie de crise et aider à reconstruire un monde plus juste, plus solidaire? D’autres impulsions du pape me tiennent à cœur: le respect de la création, l’appel à la fraternité universelle, la présence aux plus fragiles, entre autres.
«Je souhaite intensifier la culture de la reconnaissance entre agents pastoraux, ordonnés ou laïcs»
Michel Racloz
Comment les tâches du vicaire épiscopal seront-elles transférées au représentant de l’évêque?
Depuis 26 ans que je suis au service de l’ECVD, j’ai connu un évêque auxiliaire et 4 prêtres qui ont occupé la fonction de vicaire épiscopal. Chacun y a mis des accents différents ou a interprété sa fonction de manière variée, selon des réalités du terrain qui ont beaucoup changé, mais aussi en fonction d’accents pastoraux plus personnels. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’ils étaient des ministres ordonnés qu’ils ont agi de la même manière. La distinction à faire avec ce qui est de l’ordre du ministère ordonné est très clair dans ma tête et dans celle des autres représentants. Nous sommes des laïcs, avec nos propres charismes, au service d’un ministère que l’évêque nous confie, autrement dit des «disciples-missionnaires», selon l’expression du pape François, avec une responsabilité spécifique dans une église locale.
Il y a quand-même des tâches qui étaient directement liées au vicaire épiscopal…
Dans le ministère de vicaire épiscopal, il y a effectivement différentes tâches propres au ministère ordonné comme les confirmations ou l’installation des curés modérateurs et des curés. Certaines tâches seront prises en charge par les évêques et d’autres par des prêtres doyens. C’est une des conséquences de la nomination de laïcs au niveau des régions, et cela sera construit dans une cohérence diocésaine. Pareil pour la messe annuelle à la cathédrale de Lausanne, nous pourrions envisager un tournus entre les curés modérateurs de Lausanne, par exemple.
Cette nomination de représentant, la voyez-vous comme une valorisation des laïcs par l’évêque?
Je la vois plus comme une marque de confiance et de reconnaissance à l’égard de personnes qui ont été discernées comme adéquates pour réaliser ce service au niveau des régions diocésaines.
«Pour mener les bons discernements, il faut une diversité de regards, de compétences et de charismes autour de la table»
Michel Racloz
Que répondre à ceux qui craignent que ce poste favorise la cléricalisation de laïcs?
Que le répondant soit laïc ou ministre ordonné, l’enjeu est lié à la manière d’exercer la gouvernance. Aussi je veillerai à ce que nous soyons tous ensemble au service de l’espérance chrétienne auprès de nos contemporains. Le monde d’aujourd’hui est de plus en plus complexe et instable. Pour mener les bons discernements, il faut une diversité de regards, de compétences et de charismes autour de la table. C’est aussi une manière d’éviter certaines formes d’abus ou de dérives. Une de mes intentions est de travailler, à tous les niveaux, de manière plus transversale et collégiale. Je me réjouis de collaborer avec de nombreux partenaires.
Avez-vous des projets concrets liés à votre nouvelle responsabilité?
Je rêve du développement d’une Église hospitalière et interculturelle, qui offre en toute simplicité des espaces de spiritualité et d’accompagnement pour rejoindre nos contemporains en recherche de sens ou désespérés. De manière générale, un de mes apports – en empruntant les mots du pape François –, c’est d’initier les bons processus, avec la diversité des personnes. Nous souhaitons entrer dans la démarche synodale que lancera le pape en octobre prochain durant cette année 2021-2022.
«Je rêve d’une Église hospitalière et interculturelle, qui offre des espaces pour rejoindre nos contemporains»
Michel Racloz
Nous pouvons rejoindre les catholiques les plus pratiquants à travers les activités des paroisses, nous pouvons aussi rejoindre d’autres publics par les aumôneries, mais il y a aussi les catholiques un peu plus à distance de nos Églises et, surtout, le 40 % de la population vaudoise qui se dit sans appartenance religieuse. C’est un vrai défi de savoir quelles nouvelles initiatives pastorales peuvent être lancées. Et c’est une intuition de Mgr Morerod de dire que de nouveaux pôles régionaux pourraient permettre de créer de nouvelles initiatives.
Qu’est-ce que sont ces pôles?
Dans le canton de Vaud, nous avons déjà de très grandes paroisses, il s’agit donc davantage de pôles «thématiques». Autour de la basilique Notre-Dame, en plein centre-ville, de la paroisse Sainte-Thérèse animée par la communauté des Béatitudes, qui attirent des jeunes au-delà du territoire paroissial. Il y aura bientôt l’Espace Maurice Zundel à Lausanne. Ou la mission polonaise de Villeneuve qui attire des Polonais de toute la région.
Est-ce que l’accompagnement des prêtres du canton de Vaud fait partie du cahier des charges?
Il m’est déjà arrivé d’accompagner des prêtres par le passé en distinguant ce qui relève du ministère confié et de la vie presbytérale. En tant que représentant, c’est peut-être un point un peu sensible. Certains prêtres m’ont déjà fait part de leur souci d’être accompagnés. Une de mes responsabilités est d’être en dialogue avec nos évêques et les curés modérateurs et de mettre en place les bons dispositifs pour que les prêtres soient heureux dans leur ministère. Bien des prêtres m’ont beaucoup apporté et donné, en particulier leur confiance. J’ai grandi grâce à eux. Je désire les soutenir pour qu’ils puissent vivre leur ministère essentiel à notre Église.
Michel Racloz, en Afrique, à l’université et à la rue
Fils de parents missionnaires dans une Église évangélique, Michel Racloz naît en Angola en 1969. Arrivé à Lausanne en 1970, Michel grandit au sein d’une famille chrétienne, œcuménique et engagée dans la diaconie. Passionné de foot et d’échecs, il étudie les sciences sociales et pédagogiques à l’Université tout en s’impliquant auprès des personnes de la rue. Il s’engage comme animateur socio-culturel à Renens. Il devient catholique et se marie avec Erica en 1991. Il étudie la théologie à Lyon dès 1996.
Père de trois enfants, il prend la responsabilité du département Solidarités de l’ECVD en 2006. Après avoir obtenu un CAS (Certificate of Advanced Studies) en éthique sociale de travail, il est appelé par l’abbé Marc Donzé à rejoindre l’équipe du vicariat en 2012. Il obtient encore un diplôme en leadership équitable et bienveillant au quotidien en 2018. En 2021, il est nommé par Mgr Morerod comme représentant de l’évêque, succédant au vicaire épiscopal Christophe Godel. GR
Comment concevez-vous vos rapports avec les politiques et la société vaudoise?
Depuis 2012, comme délégué du vicaire épiscopal, et maintenant, comme représentant de l’évêque, je conçois les rapports comme un dialogue, comme un partenariat avec le monde politique et les autres institutions. La fonction de la représentation, c’est plus que serrer des mains et d’être visible. C’est souvent devoir suivre des dossiers qui prennent plusieurs années à être finalisés.
Le représentant de l’évêque est donc à mi-chemin entre le terrain et l’évêque.
Une de mes tâches est d’avoir cette vision institutionnelle, panoramique et «stratégique» pour la réalisation des diverses missions de l’Eglise. Je la construis dans le dialogue avec les acteurs d’institutions sur le terrain et dans le dialogue avec l’évêque et le conseil épiscopal, la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD) et d’autres instances. Nous portons ensemble la responsabilité de la mission de l’Eglise et une responsabilité institutionnelle par rapport au nombre de baptisés qui s’engagent bénévolement et par rapport aux employés – plus de 260 salariés, pour un budget annuel d’à peu près 29 millions. (cath.ch/gr)
Comment Michel Racloz voit la région diocésaine du canton de Vaud
«En plus d’être composé de treize Unités pastorales et trois UP inter-cantonales, dont certaines peuvent regrouper plus de 20’000 âmes, il y a des spécifiés vaudoises, comme la région du Chablais – vaudoise et valaisanne – qui fait partie du diocèse de Sion. Nous intensifions les collaborations interdiocésaines. Il faut tenir compte de la grande densité de population sur les bords du Léman, entre Nyon et Villeneuve. Certaines équipes pastorales sont nombreuses, avec huit à dix agents pastoraux avec de plus en plus d’agents pastoraux impliqués dans la pastorale linguistique.
Dans la société civile
L’Eglise catholique dans le canton de Vaud collabore avec le monde de l’éducation, la formation, la santé ou la solidarité. Elle assure un service d’aumônerie œcuménique dans plus de 200 institutions. En grande partie dans les EMS, mais aussi dans les gymnases et les écoles professionnelles. La plupart sont des services de l’État. Il y a plus de vingt domaines dans lesquels l’Église catholique vaudoise collabore avec les départements de l’État.
Engagements
Les agents pastoraux de la région diocésaine Vaud sont au nombre d’environ 240. Nous travaillons de plus en plus de manière transversale, intercantonale, interdiocésaine et œcuménique. 50% en territoriale et mission linguistique, 40% en pastorale catégorielle, et 10% dans les forces cantonales de la conduite, de l’information et du secrétariat général, des prestations de soutien. Notre Eglise cultive son inter-culturalité, avec l’intégration de personnes migrantes dans les paroisses. A noter que plus de 40% des catholiques vaudois sont issus de l’immigration.
Renouvellement
Un des grand enjeux: le renouvellement des forces pastorales. Cette année, 25 personnes sont dans la dynamique de la formation initiale ou en tout début de ministère. Ces 5 prochaines années, plus de trente équivalents plein temps (environ 40 personnes) partiront à la retraite. Il faudra les remplacer et il y aura aussi quelques départs naturels.» GR
Mgr Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a choisi de nommer une femme laïque, un homme laïc et un diacre comme représentants de l’évêque pour les régions diocésaines de Fribourg (partie francophone), Vaud et Neuchâtel.