Pérou: les évêques contre le «communisme» et le «capitalisme sauvage»
L’incertitude règne toujours suite à l’élection présidentielle péruvienne du 6 juin 2021. Les évêques du pays appellent à l’union des habitants. Avant le scrutin, ils avaient dénoncé à la fois le «communisme» de Pedro Castillo et le «capitalisme sauvage» de Keiko Fujimori.
Le candidat de gauche Pedro Castillo a proclamé sa victoire, le 16 juin 2021, suite au dépouillement complet des bulletins de l’élection présidentielle péruvienne dont le second tour a eu lieu le 6 juin. La candidate de droite, Keiko Fujimori, n’a cependant pas accepté les résultats et a lancé une action en justice pour fraude électorale. L’atmosphère, dans ce pays de 33 millions d’habitants, est donc encore tendue et incertaine.
Pour un vote bien informé
Avant les élections la Conférence épiscopale avait appelé, dans un communiqué, les Péruviens à effectuer un «vote responsable» de manière «libre» et «bien informée» rapporte le média national RPP.
Les évêques ont considéré que dans le cadre du bicentenaire de l’indépendance nationale, les élections devaient être l’occasion de «renforcer les valeurs fondamentales de la Nation»: démocratie, liberté, Etat de droit, indépendance des pouvoirs, dignité humaine, vie, famille, propriété, respect des traités internationaux. «Avec notre élection, nous devons également réaffirmer les grandes valeurs éthiques, morales et religieuses qui ont soutenu notre nation depuis ses débuts», ajoutaient-ils.
Pour un Pérou solidaire et en paix
Mais la Conférence épiscopale péruvienne a également durement critiqué les programmes des deux candidats au second tour. Concernant le socialiste Pedro Castillo, elle a rappelé son rejet du communisme comme «système pervers» qui réduit l’être humain à la sphère économique et restreint les libertés fondamentales de la personne.
Les évêques ont dans le même temps condamné le «capitalisme sauvage» incarné par Keiko Fujimori, qui réduit les êtres humains au consumérisme et à la recherche de profits excessifs, au détriment de la dignité humaine.
«En tant que citoyens, il est urgent de regagner la confiance entre nous pour qu’ensemble et avec générosité, nous puissions construire un Pérou véritablement fraternel, solidaire et en paix. Ne nous laissons pas voler l’espoir», conclut le document daté du 25 mai.
Certains évêques se sont également exprimés de manière individuelle. Mgr Javier del Rio Alba, archevêque d’Arequipa, au sud du pays, a déclaré que l’Église catholique ne soutenait pas la candidature de Pedro Castillo car «l’idéologie et le programme du parti Peru Libre sont ouvertement en contradiction avec la doctrine et la morale catholiques».
Une idéologie marxiste?
Le prélat péruvien a accusé le candidat de présenter un programme basé sur l’abolition du Concordat entre le Pérou et le Saint-Siège, en se fondant sur une «conception totalement fausse de la religion catholique». «Il [Pedro Castillo, ndlr.] appelle à une lutte pour la libération des peuples supposés subjugués par la religion», a affirmé Mgr del Rio Alba. Le socialiste ne tiendrait «d’ailleurs pas compte de tout le bien social que fait l’Église en assurant gratuitement l’éducation scolaire de dizaines de milliers d’enfants, en soignant plusieurs milliers de personnes malades, en donnant de la nourriture aux familles pauvres, en accueillant des enfants et des personnes âgées sans abri, pour ne citer que quelques-unes des nombreuses œuvres de charité qu’elle réalise dans tout le Pérou, y compris dans des endroits où l’État n’arrive pas».
D’après le média Swissinfo, Peru Libre épouse effectivement des thèses marxistes. Mais Pedro Castillo lui-même utilise une rhétorique plutôt modérée en la matière. Un aspect démontré lors de ses récentes interventions. «Nous ne sommes pas des chavistes [ en référence au président vénézuélien Hugo Chavez, ndlr.] , nous ne sommes pas des communistes», a-t-il ainsi lancé suite à la proclamation des résultats. Le candidat de gauche a également assuré qu’il garantirait une économie stable et respecterait les investissements et la propriété privés. (cath.ch/rpp/ag/rz)