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Pakistan: un couple de chrétiens acquitté d'accusations de blasphème

La Haute Cour de Lahore, à l’est du Pakistan, a acquitté le 3 juin 2021 un couple de chrétiens qui avaient été condamnés à mort pour blasphème en 2014. Un expert se réjouit des derniers acquittements dans le domaine, mais estime que ce n’est pas suffisant.

La Haute Cour de Lahore a acquitté le couple composé de Shafqat Emmanuel et Shagufta Kausar, invoquant un manque de preuves. Ils ont passé huit ans dans le couloir de la mort après avoir été accusés d’avoir envoyé des SMS blasphématoires contre le prophète Mahomet en 2013. Le fait que les deux chrétiens ne savent ni lire ni écrire a mis particulièrement en lumière l’absurdité de la loi anti-blasphème au Pakistan.

Pas de mécanisme de dédommagement

Si cette décision de justice est un signe positif, «il n’existe aucune norme qui punisse ceux qui ont porté de fausses accusations. C’est un trou noir de cette loi», signale cependant au site catholique américain Crux Paolo Affatato, responsable du bureau Asie de l’agence missionnaire vaticane Fides News. «C’est vrai, aujourd’hui une petite avancée s’est produite, ces personnes peuvent retourner à leur vie d’avant. Mais qui rendra à ce couple ces huit ans passés derrière les barreaux, dans des prisons séparées? Qui rendra ces huit années à leurs enfants?» s’indigne-t-il.

Le calvaire du couple aurait commencé par une dispute dans le cadre du travail. Les collègues de Shagufta auraient volé ses cartes d’identité et celles de son mari et les auraient utilisées pour acheter des numéros de téléphone portable aux noms du couple, avec lesquels ils auraient envoyé les SMS blasphématoires.

Toujours persécutés

Dans une autre affaire très médiatisée, en 2018, la Cour suprême pakistanaise avait acquitté la chrétienne Asia Bibi de l’accusation de blasphème, après avoir passé près de 10 ans dans le couloir de la mort.

Si ces derniers acquittements sont le signe que le système judiciaire pakistanais fonctionne, les minorités sont toujours confrontées à une discrimination constante, voire à des violences, avec peu d’espoir de poursuites pour les coupables.

En mai 2021 encore, un chrétien de 32 ans, Arif Masih, a été tué par un groupe de musulmans après avoir défendu sa sœur contre les avances malvenues de deux jeunes musulmans. Quelques jours plus tard, une jeune chrétienne de 13 ans a été violée après que trois jeunes musulmans de son quartier ont fait irruption chez elle pendant que ses parents étaient au travail.

Les accusateurs impunis

Aucune arrestation n’a été effectuée dans ces deux affaires, malgré les témoignages de personnes ayant décrit les agresseurs.

Si Shagufta et Shafqat sont désormais libres, ils vivront probablement dans la crainte constante de représailles de la part des extrémistes qui ont protesté contre l’acquittement et réclamé la peine de mort. Des experts et des avocats de la famille ont averti que le couple pourrait ne pas être en sécurité au Pakistan, et que la famille pourrait devoir s’installer dans un autre pays, comme ce fut le cas pour Asia Bibi après sa libération en 2018.

Selon Paolo Affatato, «il faut prévoir un mécanisme qui décourage ces fausses accusations». Cela pourrait se faire en faisant de leurs fausses déclarations une infraction pénale. (cath.ch/crux/rz)

6 juin 2021 | 12:24
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
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