Mgr Lovey: «La communication est un va-et-vient entre partenaires»
Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion depuis 2014, a dû apprendre à travailler avec les médias et les journalistes. La communication est un va-et-vient entre partenaires explique-t-il à l’occasion du dimanche des médias.
A l’occasion du Dimanche de médias, célébré en Suisse le 16 mai 2021, Mgr Jean-Marie Lovey est revenu avec cath.ch sur son apprentissage des médias depuis son arrivée à la tête du diocèse de Sion. Conscient que les attentes des médias ne sont pas toujours en adéquation avec celles de l’Eglise, il plaide pour un dialogue basée sur une confiance mutuelle.
L’évêque est généralement la première personne à qui s’adressent les journalistes qui ont besoin d’une information.
Mgr Jean-Marie Lovey: La question de la communication en Eglise est à la fois importante et sensible. Je me suis dit qu’il fallait y être particulièrement attentif. Nous nous sommes proposé au conseil épiscopal d’organiser régulièrement des rencontres de presse. Il s’agissait moins de conférences de presse que d’invitations aux médias à rencontrer l’évêque et les responsables de divers services pour dire ce qui nous habite, ce qui nous occupe, nous préoccupe ou nous réjouit, au fur et à mesure des événements. Il s’agit de donner à voir ce que vit l’Eglise dans ce diocèse. Les médias concernés sont la presse profane comme la presse religieuse. Le covid a malheureusement brisé cet élan. L’an dernier, nous n’avons pu organiser qu’une seule rencontre, mais elles reprendront dès que possible.
«Ce n’est pas seulement l’évêque qui délivre un message. Il reçoit aussi, à travers les médias, l’interpellation de la société.»
Qu’avez-vous appris de ces rencontres en tant qu’évêque?
J’ai appris le fonctionnement des médias et leur souci de refléter ce qui se passe, de transmettre les attentes et les préoccupations des gens. Il s’agit d’un dialogue. Ce n’est pas seulement l’évêque de Sion qui délivre un message. Il reçoit aussi, à travers les médias, l’interpellation des fidèles et de la société.
Les rencontres de presse sont organisées dans un lieu et autour d’une activité précise, comme l’aumônerie d’hôpital ou de prison. Cela m’aide, cela m’implique et c’est porteur. Cela permet d’exprimer un souci pastoral par rapport à la situation humaine des personnes. Il est aussi important que les médias donnent un reflet de cet aspect de la vie de l’Eglise.
En outre, la connaissance mutuelle est très utile pour établir un réseau de confiance réciproque. La confiance que je donne ou que je reçois d’un journaliste permet d’objectiver les événements. La communication est un va-et-vient qui unit les partenaires.
Les journalistes lancent parfois aussi des critiques assez dures sur le fonctionnement et l’attitude de l’Eglise ou contre les décisions de l’évêque.
Il m’est assez difficile de les recevoir, je le reconnais. Lors de ma toute première conférence de presse, le jour de ma nomination, j’ai dit que j’acceptais la charge d’évêque de Sion «avec crainte et tremblement». Un journaliste m’a alors posé la question: «Mais de quoi avez vous peur?» J’ai répondu: «Je vais vous le dire franchement: de vous les journalistes». «Vous avez raison !» m’a-t-il rétorqué. C’est évidemment anecdotique, mais cela m’a tout même éclairé sur ce qui fait vivre certains médias. C’est l’événement le plus «croustillant» qui sera mis en avant plutôt que celui qui est porteur de sens sur la vie de l’Eglise. Mais c’est comme ça!
«Il est normal que l’Eglise, par la voix de l’évêque ou de n’importe quel baptisé, puisse s’exprimer dans les divers médias publics généralistes.» .
La société et les fidèles attendent aujourd’hui davantage d’ouverture.
Je pense qu’il faut recevoir les interrogations. Certains imagineraient que l’Eglise développe ses propres médias pour transmettre son message, mais je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose. Nous avons certes mis en place un petit bulletin diocésain sous forme de newsletter mais il reste interne à l’Eglise et destiné à ceux qui s’intéressent à la vie ecclésiale. Mais que l’Eglise, par la voix de l’évêque ou de n’importe quel baptisé, puisse s’exprimer dans les divers médias publics généralistes est normal.
Vous est-il arrivé de refuser de répondre à des journalistes?
Si la demande est sincère et honnête, je ne vois aucune raison de refuser de recevoir un journaliste. J’ai connu quelques déconvenues et cela m’a poussé à changer un peu d’attitude. J’ai par exemple un jour été sollicité par une télévision et j’ai demandé à la journaliste ce qui lui avait donné l’idée de m’interroger sur ce sujet. «J’ai vu une émission sur une TV française où vous en avez parlé». Je lui ai répondu: ” Si ce qui vous donne l’idée, c’est le média concurrent, alors vous manquez d’imagination». Je trouve assez lassant d’être toujours interpellé sur les mêmes thématiques. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment de la préoccupation des gens. Prendre et reprendre systématiquement les mêmes sujets qui font la une, notamment les affaires de pédophilie, ne me semble pas très utile. J’ai parfois l’impression que les médias se complaisent sur ces sujets. Mais peut-être est-ce une réelle attente du public?
Vous ne pouvez pas nier la nécessité de la transparence.
Il faut une certaine transparence, mais il ne faut pas tomber dans l’idéologie. Ce n’est simplement pas possible. Lorsque des êtres humains communiquent entre eux, il y a toujours une part d’opacité pour ainsi dire ‘constitutive’. Il y a aussi des situations qui ne peuvent pas être mises sur la place publique, non pas par refus ou par volonté de cacher, mais par respect des personnes.
«Je n’ai pas d’autre autorité que celle de la Parole de Dieu.»
Pendant longtemps la parole de l’Eglise et celle de l’évêque tombaient de haut en bas.
Le symbole du rôle de l’évêque est la chaire de l’enseignement. Mais cette autorité de la chaire ne peut plus être entendue dans les médias. Ce d’autant moins qu’aujourd’hui les réseaux sociaux font que pratiquement n’importe qui peut avoir une parole ‘d’autorité’. Je reçois un message que je suis invité à répercuter et qui devient public. Se pose alors la question, au nom de quoi et au nom de qui quelqu’un peut-il parler avec autorité? Je n’ai pas d’autre autorité que celle de la Parole de Dieu. Que l’Eglise ait usé et abusé de sa position pour donner une parole d’autorité dans tous les domaines est plus qu’évident. Mais ce temps là est révolu.
Comment répondre alors de manière ajustée?
Il reste un domaine où nous recevons assez systématiquement une bonne compréhension, c’est celui de la diaconie. Un geste, une parole qui montrent une attention aux autres et en particulier aux plus petits, sera universellement accueilli et compris, même par des gens qui sont à des kilomètres de toute insertion ecclésiale. Je me souviens du pape François se rendant à Lampedusa remettant des cartes de téléphones portables aux migrants pour leur permettre d’appeler leur famille. C’est la valeur du témoignage. Le message passe. Il n’y a pas grand-chose à dire. (cath.ch/mp)