Saint Joseph, ce gardien paternel des mystères du salut 3/6
Les catholiques occidentaux célèbrent saint Joseph, le 19 mars. Quelles sont la place et l’image de l’époux de Marie dans les textes liturgiques? La liturgie présente Joseph comme un serviteur sage, fidèle et discret, chargé d’une une tâche unique: garder le Fils de Dieu, avec un amour de père, explique Marco Gallo, professeur de sacramentaire à l’Institut supérieur de sciences religieuses de Fossano (I).
Davide Pesenti
La paternité de saint Joseph est modèle pour toute paternité humaine. Et les textes de la messe de cette solennité le rappellent, mettant en exergue sa mission de «veiller sur Jésus comme un père», lui, le «serviteur que le Seigneur a établi sur sa famille».
Quelle image offre la liturgie eucharistique de la figure de Joseph?
Don Marc Gallo: Dans les textes propres à l’Eucharistie, comme dans la liturgie des Heures, on retrouve les traits les plus délicats et les plus beaux de cet homme précieux et doux.
Les textes de la messe présentent Joseph comme un gardien attentionné (collecte). Ils évoquent son caractère discret et fidèle dont témoignent les récits bibliques. Dans la préface, il est décrit comme un homme juste, un serviteur sage et fidèle, une personne placée à la tête de la Sainte Famille avec pour tâche de garder le Fils de Dieu. La liturgie sollicite aussi son intercession pour l’Église – dont il est le patron universel. Et en invoquant le don de la coopération fidèle dans l’accomplissement de l’œuvre de salut, on demande aux chrétiens d’incarner cette même attitude.
«La fête du 1er mai, introduite par Pie XII en 1956, place ‘Joseph artisan’ comme protecteur et modèle pour le monde du travail»
Des traits que l’on retrouve également dans la Liturgie des Heures…
Les hymnes de la liturgie des Heures sont ceux dédiés à la Sainte Famille et placent ainsi Joseph dans le cadre de ses relations affectives. D’une part, le riche formulaire de toutes les heures permet de retracer les passages de son existence. D’autre part, l’Office des lectures le place parmi les saints «pères dans la foi», offrant aussi une belle page spirituelle de saint Bernardin de Sienne, dans laquelle émerge clairement son rôle de pont entre la première et la deuxième Alliance.
Que révèlent les textes bibliques du jour?
Nous y trouvons la promesse de Dieu à David, par le biais du prophète Nathan, de placer un de ses descendants sur un trône éternel. Joseph est donc celui qui permet à la parole de Dieu de s’accomplir en Jésus.
La même alliance est chantée dans le psaume 88 choisi pour la messe du jour. L’épitre aux Romains reprend le thème de la paternité dans la foi –. Le rêve trouble mais décisif pour le discernement dans l’évangile de Matthieu, et l’épisode de la perte (et la découverte) de Jésus au temple à l’âge de douze ans, confirment son caractère fidèle et discret chanté dans la liturgie. Ils montrent Joseph présent aux côtés de Jésus et Marie, sans toutefois qu’il ne prenne la parole.
Mais Joseph n’est pas seulement célébré le 19 mars. Où rencontrons-nous encore sa figure au cours de l’année liturgique?
Dans le respect de la longue histoire des textes liturgiques, la figure de Joseph trouve sa place naturelle au cours de l’Avent et du temps de Noël. Son travail de tutelle, raconté dans les évangiles de l’enfance, est particulièrement mis en évidence lors de la fête de la Sainte Famille. Il faut également mentionner la fête du 1er mai, introduite par Pie XII en 1956, où « Joseph artisan » est placé comme protecteur et modèle pour le monde du travail.
A quand remonte l’introduction de la solennité du 19 mars?
Les origines de la fête remontent à la liturgie orientale, en particulier chez les coptes monophysites qui le célébraient le 20 juillet. En Orient, on trouve des témoignages d’une riche liturgie en son honneur déjà au Xème siècle.
Et dans l’Eglise d’Occident?
En Occident, les traces les plus anciennes remontent encore plus loin, au VIIIème siècle. Elles témoignent du fait que le saint était célébré dans les cercles monastiques, le 19 ou le 20 mars. Le plus ancien manuscrit est justement suisse, de l’abbaye de Rheinau dans le canton de Zurich. On rencontre aussi d’autres dates : 9 février dans la tradition anglaise ; à l’octave de la purification de Marie ; ou encore, lors de l’institution de la fête du Mariage de Marie et Joseph en 1537 par les Franciscains – fête supprimée en 1961.
«L’Occident projette sur Joseph les questions qui lui tiennent le plus à cœur, selon les différentes époques»
D’où viennent ces différences entre Orient et Occident?
En ligne générale, l’Orient est plus attentif à garder la figure de Joseph dans le cadre des mystères de l’Incarnation. L’Occident, en revanche, a tendance à projeter sur Joseph les questions qui lui tiennent le plus à cœur, selon les différentes époques. En ce sens, on peut saisir la beauté d’une sensibilité spirituelle qui change avec le temps, tout en approfondissant une donnée antique, mais certainement toujours fertile.
«On retrouve Joseph dans les quatre principales prières eucharistiques du Missel Romain»
Finalement, pourquoi a-t-on retenu le 19 mars?
La date du 19 mars est entrée dans le missel et le bréviaire en 1479; d’abord en tant que fête romaine seulement. Elle a été rendue universelle seulement en 1642. Finalement, elle est devenue une solennité (le plus haut degré de célébration liturgique NDR) grâce à Pie IX pendant le Concile Vatican I en 1870 C’est finalement Jean XXIII, en nommant Joseph protecteur du Concile Vatican II, qui a inséré son nom dans le Canon romain. Voilà la raison pour laquelle, on le retrouve aujourd’hui encore dans les quatre principales prières eucharistiques du Missel Romain.
La piété populaire s’est aussi beaucoup développée autour de saint Joseph
Comme toujours, la liturgie et ses textes font preuve d’une sobriété substantielle et exemplaire. La piété populaire, en revanche, possède une profonde richesse affective. Elle distingue certains aspects de la figure de ce saint avec une grande finesse qui touche en profondeur la sensibilité humaine. Contrairement à d’autres aires culturelles, en Suisse et en Italie le fait d’associer cette solennité à la fête des pères permet de proposer des réflexions très précieuses sur la paternité. Et le sujet n’a jamais été aussi urgent qu’à nos jours. (cath.ch/dp)
L'année saint Joseph 2020-2021
Avec la Lettre Apostolique Patris corde (avec un cœur de père), le pape François rappelle le 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme Patron de l’Église universelle. À cette occasion, une «année spéciale saint Joseph» se tient du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021.