Couples homosexuels: le pape privilégie une communication informelle
Ces derniers jours, le pape François a laissé entendre à la presse qu’il n’avait pas apprécié la réponse de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) publiée le 15 mars 2021, qui s’oppose à la bénédiction des couples homosexuels. Par ailleurs, il a critiqué publiquement à deux reprises en une semaine le pharisianisme existant au sein de l’Église. Ces deux modes d’expression semblent dessiner une communication informelle.
Le Responsum de la CDF a provoqué de très nombreuses réactions depuis sa publication, générant d’importantes contestations au sein de l’Église – notamment en Allemagne – mais aussi en dehors. Officiellement, le pape François a «consenti» à la publication du texte que lui a «soumis» le secrétaire de la CDF, le théologien Mgr Giacomo Morandi. Pour autant, plusieurs journalistes ont depuis quelques jours laissé entendre que le pape François n’approuvait pas le ton du document de l’ancien Saint-Office.
Désaccord entre le pape et les auteurs de la note
Très proches du pape, deux éminents vaticanistes, l’Irlandais Gerard O’Connell et l’Argentine Elisabetta Piqué, mariés à la ville, ont été les premiers à évoquer les désaccords existants entre le pape et les auteurs de la note. Informé par des sources vaticanes, Gerard O’Connell a affirmé dans la revue jésuite America que le pontife avait «pris ses distances» avec la réponse.
Son épouse, Elisabetta Piqué, souligne la «manière elliptique» avec laquelle le pape François pourrait même avoir contredit la logique du document lors du dernier Angélus, le 21 mars. «Aujourd’hui, trop de gens, souvent sans le dire implicitement, voudraient voir Jésus, le rencontrer, le connaître», avait alors déclaré le pape François.
Des gestes d’amour
Pour les chrétiens, il «s’agit de semer des graines d’amour, non pas avec des mots qui sont emportés par le vent, mais avec des exemples concrets, simples et courageux, non pas avec des condamnations théoriques, mais avec des gestes d’amour», avait-il affirmé.
Les deux vaticanistes chevronnés soulignent que ces mots correspondent plus à l’attitude adoptée par le pontife depuis le début de son pontificat, et entrent en faux avec le document. «Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?», avait-il par exemple lancé dans l’avion du retour des JMJ de Rio de Janeiro (Brésil) dès 2013.
Par ailleurs, I.MEDIA a appris que le pape avait confié sa perplexité devant l’opportunité de ce texte à un visiteur qu’il recevait quelques jours après la publication de la note. Il aurait ainsi indiqué que s’il avait approuvé la publication de la réponse qui lui avait bien été soumise par le secrétaire de la CDF, il ne l’aurait personnellement pas formellement signée.
Hasard du calendrier ou pas, dans un texte publié à l’occasion du 150e anniversaire de l’élévation au rang de docteur de l’Église de saint Alphonse de Liguori le 23 mars le pape François s’est adressé directement aux théologiens, les mettant en garde contre toute forme de rigorisme. «L’annonce de l’Évangile dans une société en mutation rapide exige le courage d’écouter la réalité», a-t-il martelé.
Une attitude plus évangélique
Insistant sur le fait que «la seule connaissance des principes théoriques ne suffit pas», le pontife leur a demandé à sortir de «la formulation de principes, de normes » pour adopter une attitude plus pastorale et évangélique. De sorte qu’on pourrait interpréter ainsi la critique que le pontife n’a pas explicitement formulée: il ne critique pas le fond de la note – qui n’est en rien nouveau, comme l’ont affirmé plusieurs proches cardinaux de la Curie ces derniers jours – mais son style légaliste qui s’opposerait au «radicalisme évangélique» qu’il appelle de ses vœux.
Ces dernières années, le pape François a souvent fait l’éloge du silence, affirmant qu’il faut avoir le «courage de se taire» quand les mots ne semblent pouvoir que diviser et blesser, et que ne pas parler est aussi un mode d’expression. Le pontife lui-même s’oblige souvent au silence quand soufflent les vents de la polémique ou de la polarisation dans l’Église. Cependant, un silence officiel peut aussi cacher une communication plus discrète, comme cela sans doute avoir été le cas ces derniers jours à propos de la réponse de la CDF.
Un précédent récent illustre bien cette communication informelle: lors de la polémique d’octobre 2020 autour de la phrase du pape sur les unions civiles présente dans le documentaire d’Evgeny Afineevsky, le Saint-Siège s’était officiellement abstenu de tout commentaire.
I.Média avait néanmoins appris qu’une note avait été envoyée par la Secrétairerie d’État aux nonciatures à la demande du pape François, afin qu’elles soient diffusées aux évêques du monde entier. Elle précisait que sa remarque dans le documentaire était authentique mais qu’elle ne modifiait pas la doctrine de l’Église concernant le mariage. (cath.ch/imedia/cd/bh)