Le diocèse de Pittsburgh créé une paroisse personnelle pour les noirs
Dans le contexte tendu de discrimination raciale aux Etats-Unis, le diocèse catholique de Pittsburgh en Pennsylvanie a créé, en 2020, une paroisse personnelle afro-américaine. Pour l’évêque Mgr David Zubik, ce timing n’était pas intentionnel, mais providentiel.
L’annonce de la création d’une paroisse personnelle noire a eu lieu au milieu des protestations nationales contre le racisme systémique aux Etats-unis. Pour Mgr Zubik, cette paroisse dédiée à Saint-Benoît le More, doit mieux répondre aux attentes des fidèles, rapporte Catholic News Agency.
Les abbés David Taylor et Matthew Hawkins, tous deux afro-américains d’origine protestante, désignés comme vicaires de cette paroisse personnelle espèrent revitaliser la tradition catholique noire.
Dans l’Eglise catholique, les paroisses sont normalement territoriales et l’ensemble des fidèles d’un secteur déterminé leur sont rattachés. Mais il existe aussi des paroisses personnelles établies autour d’une tradition particulière. Ce sera le cas de Saint Benoît le More pour les catholiques afro-américains.
Une tradition qui remonte à 1889
La paroisse historique de Saint Benoît le More se trouve dans le Hill District près du centre-ville de Pittsburgh. Elle avait été fondée en 1889 par les Pères de la Congrégation du Saint-Esprit intéressés par le lancement d’une mission dans ce quartier afro-américain. Cette paroisse a prospéré. Deux ans après sa fondation, elle a pu acheter un terrain et construire une nouvelle église et une école.
Mais à partir de 1950, la population du Hill District s’est effondrée, à cause de la disparition de l’industrie sidérurgique, passant de plus de 53’000 habitants à 29’000 en 1978. Des pâtés de maisons entiers ont été démolis pour faire place à un nouveau centre. La paroisse saint Benoît n’a pas échappé au phénomène. Son église a été démolie et elle a connu une série de fusions, pour finalement s’installer dans l’église d’une ancienne paroisse allemande. Saint Benoît a toujours été connue de manière informelle comme la paroisse catholique noire de Pittsburgh, réputée pour sa musique, sa prédication et sa vie communautaire.
David Taylor et Matthew Hawkins espèrent aujourd’hui revitaliser cette tradition. Saint-Benoît est une paroisse personnelle dans la tradition catholique noire, mais cela ne signifie pas qu’elle est fermée aux autres catholiques.»De nombreux Blancs en font partie parce qu’ils aiment y pratiquer leur culte, ils apprécient l’amitié et les changements sociaux qui s’y produisent», relève D. Taylor.
En outre, la communauté afro-américaine connaît elle-même une grande diversité. «Ce n’est pas un monolithe», rappelle M. Hawkins. En plus des Afro-Américains de souche, on compte aussi des enfants d’immigrants récents venus d’Afrique ou des Caraïbes. A cette diversité ethnique s’ajoutent les différences culturelles et socio-économiques.»La classe moyenne noire, la classe ouvrière noire, et ceux qui souffrent du chômage voient les choses parfois très différemment. Il est important de pouvoir parler de ces expériences.»
Le premier prêtre noir à Pittsburgh
David Taylor a été le premier prêtre catholique noir ordonné dans le diocèse de Pittsburgh, en 1974. Il a été le seul du diocèse jusqu’en 2020, date à laquelle Matthew Hawkins a été ordonné. Les deux prêtres sont des convertis au catholicisme. D. Taylor explique avoir grandi dans le Kentucky où les écoles étaient ségréguées. Sa famille a déménagé à Cincinnati dans l’Ohio lorsqu’il avait cinq ou six ans, et ses parents l’ont inscrit, lui et ses frères et sœurs, dans des écoles catholiques.
Et bien qu’il y ait eu beaucoup de racisme, même au sein de l’Église et des écoles catholiques, la valeur de l’éducation était très importante. C’est ce qui a été le catalyseur de l’adhésion de la famille au catholicisme.
Matthew Hawkins est le fils d’un pasteur épiscopalien méthodiste africain. Sa mère était baptiste. Il a fréquenté une école primaire catholique et son expérience l’a conduit à se convertir au catholicisme à l’âge de 21 ans. Il ne deviendra prêtre que plusieurs décennies plus tard, après avoir obtenu une maîtrise en travail social et avoir travaillé pendant vingt ans comme éducateur et dans le développement économique communautaire.
L’Eglise catholique doit laisser la place à la culture afro-américaine
«Trop souvent, les personnes d’origine africaine qui regardent l’Église catholique relèvent que toutes les images qu’elles voient et toutes les références aux Saintes Écritures ne semblent pas correspondre à leurs expériences. Je pense que cette accusation est juste», souligne M. Hawkins.
Ainsi à propos de la spiritualité des Afro-Américains, certains textes biblique résonnent davantage pour la communauté noire. Par exemple, la passion du Christ peut faire écho avec l’expérience de la perte et de la souffrance dans les quartiers en difficulté.
On peut aussi relever le parallèle entre les psaumes de lamentations et le blues, le livre de l’Exode qui parle de la route vers la Terre promise ou encore le prophète Amos et sa proclamation de la justice. L’Évangile de Luc parle souvent de l’intégration de l’étranger et du marginalisé.
Rôle des Eglises protestantes noires
Pour M. Hawkins, il est également important de considérer le rôle historique des Eglises protestantes noires. Avant la guerre civile, de nombreux efforts avaient été déployés pour évangéliser les esclaves. Une grande partie de cette évangélisation a été réalisée par les méthodistes, les baptistes et les presbytériens.
Lorsque la guerre civile a éclaté, pratiquement toutes les dénominations protestantes se sont divisées sur la question de l’esclavage. Après la guerre civile, si certaines Eglises se sont réunies, d’autres sont restées séparées. La séparation des cultes a conduit à la création de dénominations noires au sein des traditions protestantes. Dès le début, le catholicisme avait intégré des noirs. Mais l’ethos protestant restera dominant dans la communauté afro-américaine.
Dans l’histoire, les Eglises protestantes noires ont eu un fort impact sur les communautés noires parce qu’elles se sont formées en réponse au rejet des Eglises blanches. Dans une société dominée par les Blancs, les Eglises noires sont devenues les porte-parole de la communauté.
Des exemples pour les jeunes
L’Église catholique ne peut pas reproduire l’influence des traditions protestantes noires. Mais M. Hawkins entend en retenir quelques enseignements. Le premier consiste à fournir des modèles aux jeunes paroissiens. Ils doivent voir des exemples d’une alternative à un style de vie qui traite les gens comme des objets de divertissement jetables. Il faudrait pour cela avoir plus de prêtres et de diacres afro-américains.
La deuxième leçon des protestants est l’implication dans la société. «Il sera important pour nous d’être très présents dans la communauté locale majoritairement afro-américaine. Il ne s’agit pas seulement d’assister à des réunions, ni de cocher des cases. Il s’agit de construire de vraies relations avec les gens du quartier catholiques ou non», insiste M. Hawkins.
Les divisions sont dues à la peur
«De nombreuses divisions dans notre société actuelle peuvent s’exprimer de manière méchante, mais elles ne proviennent souvent pas de personnes méchantes. Elles proviennent de gens qui ont peur», estime M. Hawkins. Pour vaincre cette peur, il faut que les gens se rencontrent en tant qu’êtres humains, qu’ils se connaissent et qu’ils dépassent les stéréotypes. «C’est, je pense, ce qui est essentiel pour approfondir la catholicité de l’Église.
«C’est la raison pour laquelle les gens d’autres paroisses viennent visiter Saint-Benoît le More». Ils amènent leurs familles parce qu’ils veulent aussi que leurs enfants fassent l’expérience d’une liturgie qui les réveille.
Ils commencent à voir les diverses manières dont nous pouvons exprimer la joie de l’Eucharistie dans une seule ville. C’est certainement quelque chose que les communautés afro-américaines peuvent apporter à l’Église catholique», conclut M. Hawkins. (cath.ch/cna/mp)
Saint Benoît le More
Benoît l’Africain ou le More est le fils d’esclaves africains ramenés en Sicile. Il naquit en 1526, aux environs de Messine. Benoît travaille dans les champs jusqu’à l’âge de 18 ans où il est affranchi. Durant les dix années suivantes, il gagne sa vie comme journalier partageant son pain avec les pauvres et se consacrant au soin des malades et à la prière.
A cause de son origine ethnique et la condition de ses parents, il essuie beaucoup de moqueries, mais répond aux humiliations avec bienveillance et dignité. A 21 ans, il rejoint une communauté d’ermites dans la région dont il devient bientôt le supérieur. A la dissolution de la communauté, il est reçu comme frère convers par les franciscains de Palerme. Il occupe la tâche de cuisinier avant d’être élu, contre son gré et alors qu’il ne sait ni lire ni écrire, gardien du couvent puis maître des novices. Une fois ces charges accomplies, il retourne en cuisine. Il décède à Palerme en 1589. En 1602, le sénat de Palerme le choisit comme patron de la cité. Benoît XIV le béatifia en 1743, et Pie VII le canonisa en 1807. Outre la Sicile, sa dévotion s’est largement répandue aux Amériques. MP