Le Frère Enzo Bianchi a fondé la communauté de Bose (capture d'écran KTO-TV)
Vatican

Bose: Enzo Bianchi répond aux «mensonges» proférés contre lui

Sommé par le Vatican il y a neuf mois de quitter la communauté de Bose, au nord de l’Italie, le Frère Enzo Bianchi n’a toujours pas obtempéré. Le fondateur de la communauté oecuménique s’explique dans une lettre ouverte publiée le 6 mars 2021 par le site italien Il sismografo.

«Silence, oui, mensonges, non!», s’intitule la lettre d’Enzo Bianchi. Le fondateur y explique les raisons qui l’ont poussé à se mettre en porte-à-faux avec le Vatican, dans une affaire aux multiples rebondissements.

L’Italien a fondé la communauté monastique œcuménique de Bose, près d’Aoste, en 1965, dans le sillage de Vatican II. Depuis lors, le hameau rassemble des hommes et des femmes de diverses confessions chrétiennes qui cherchent à vivre le commandement évangélique d’être un «signe d’amour fraternel», dans le célibat et la vie commune. Enzo Bianchi a donné sa démission en tant que prieur du monastère en 2017, dans le cadre de déjà existants «problèmes de gouvernance», cédant son poste au Frère Luciano Manicardi.

«Exercice de l’autorité» en cause

Peu de temps après, des tensions ont cependant éclaté entre le fondateur, son successeur et d’autres moines. En cause, «l’exercice de l’autorité» au sein de la communauté. Enzo Bianchi – et avec lui deux frères et une sœur – ne voulaient pas, selon la version officielle, concrètement renoncer à la gestion du monastère. Pour cette raison, les «réfractaires» ont été priés de quitter la résidence. Dans sa lettre ouverte du 6 mars 2021, Enzo Bianchi affirme, lui, que la demande de départ a été faite en raison d’un comportement ” qui aurait entravé l’exercice du ministère du prieur de Bose», mais qui «ne nous a jamais été défini ou expliqué».

Raison pratiques et de santé évoquées

Enzo Bianchi n’a toutefois pas quitté les lieux. Une visite apostolique a alors été organisée du 6 décembre 2019 au 6 janvier 2020, pour évaluer la situation. En mai, le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin a émis un décret confirmant des «problèmes graves dans l’exercice de l’autorité», ordonnant le départ d’Enzo Bianchi ainsi que des deux moines et de la moniale. Une décision au plus haut niveau de la hiérarchie catholique à laquelle le fondateur de Bose n’a pas non plus obéi.

Qualifiant au passage le décret de «calomnieux», il se justifie par des raisons pratiques et de santé. Soit par la difficulté de trouver un endroit adapté à ses besoins et à ses moyens, ainsi que par une locomotion très limitée doublée de problèmes rénaux et cardiaques. Le tout compliqué par la crise pandémique. «C’est à cause de cette situation, et pour aucune autre raison, que je n’ai pas pu quitter l’ermitage dans lequel je vis depuis plus de quinze ans, situé derrière la colline de la Communauté de Bose», affirme-t-il.

Les frères et sœurs réduits à des «soignants»?

Alors qu’Enzo Bianchi continue d’habiter dans le hameau piémontais, le Père Amedeo Cencini, délégué pontifical auprès de la communauté de Bose émet, le 8 février 2021, un nouveau décret «d’expulsion» approuvé par le cardinal Parolin. Il exige que le fondateur ait quitté les lieux avant le 16 février, soit le début du Carême. La communauté doit par ailleurs se séparer de l’un de ses monastères, celui de Cellole, en Toscane, afin qu’il s’y installe. «Cette solution avait été élaborée au cours des derniers mois avec l’accord confirmé par écrit du Frère Enzo lui-même et par quelques frères et sœurs qui étaient prêts à le suivre et à lui apporter toute l’aide nécessaire» sur place, notait alors le Vatican.

Mais au 16 février, Enzo Bianchi n’était toujours pas parti. Une décision qu’il justifie par les conditions imposées pour son installation à Cellole, qu’il qualifie «d’inhumaines et offensantes pour la dignité de mes frères et sœurs». Le fondateur de Bose met en effet principalement en avant le fait que les moines et moniales décidés à le suivre «se sont vu expressément interdire la vie monastique», et qu’ils ne pourraient que se définir «comme ceux qui prêtent assistance au frère Enzo Bianchi», et seraient donc réduits à de simples «soignants».

Craintes d’une «précarité radicale»

Au-delà, Enzo Bianchi déplore que le décret du délégué pontifical lui enjoigne de s’installer dans le monastère toscan «sans connaître l’identité ou le nombre des frères et sœurs qui iraient vivre avec lui». Le fondateur de Bose n’accepte pas non plus que le contrat de location donne à l’Association du monastère de Bose la possibilité de l’expulser «à tout moment, sur simple demande et sans donner de raisons». Il regrette en outre que le contrat «exclut intentionnellement les terrains attachés au bâtiment et nécessaires à la culture, au potager et à l’approvisionnement en eau pendant l’été». Des conditions qui les réduiraient selon lui à une «précarité radicale». Enzo Bianchi affirme de plus que, contrairement à ce qu’affirme le Vatican, ces conditions n’ont jamais été portées à la connaissance de la communauté et que lui-même n’a jamais donné son accord à cette décision.

La pape prend les choses en main

Le pape François a reçu, le 4 mars 2021, le Père Amedeo Cencini, délégué pontifical pour la communauté monastique de Bose ainsi que Luciano Manicardi, son prieur. Une audience privée qui donne à penser que le pontife a personnellement pris en main la crise. Un développement qui pourra peut-être faire avancer décisivement le dossier, alors que les relations entre Enzo Bianchi et le pontife argentin ont toujours été marquées par un grand respect mutuel.

De son côté, le fondateur de Bose assure dans sa lettre ouverte, qu’il a repris la recherche, depuis le début du mois de février, d’un logement où il pourrait «vivre la vie monastique et pratiquer l’hospitalité», comme il l’a toujours fait à Bose. (cath.ch/sismografo/arch/rz)

Le Frère Enzo Bianchi a fondé la communauté de Bose (capture d'écran KTO-TV)
8 mars 2021 | 16:14
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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