Avec «Détox' la Terre», de jeunes chrétiens jeûnent pour la planète
Face à la crise écologique, des jeunes se sont unis, non pour se rebeller, mais pour jeûner: se détoxifier eux-mêmes afin de détoxifier la Terre. Genèse d’une rencontre entre jeunes catholiques, réformés et évangéliques du canton de Vaud, qui aiment leur prochain autant que la Création.
Qu’est-ce que le projet Détox’ la Terre? «C’est une réponse constructive de jeunes chrétiens face à l’inertie climatique», déclare Xavier Gravend-Tirole, un des initiateurs du projet. «Inertie», le mot est très fort, précise-t-il, mais proportionné à l’inaction de l’humain pour sauver sa planète. «Quand on parle d’urgence écologique, on a l’impression que le phénomène est tout nouveau. Mais c’est faux! Cela fait 50 ans que l’on sonne l’alarme», rappelle l’aumônier catholique des Hautes Écoles, à Lausanne.
Un exemple? «Le pape Paul VI en 1970. Il dénonçait déjà, mot pour mot, l’exploitation inconsidérée de la nature provoquant des conséquences écologiques catastrophiques. La même année, on célébrait le premier ‘Jour de la Terre‘, le 22 avril. Puis vient la Conférence de Stockholm en 1972. Et depuis?, s’interroge le théologien. On empire la situation. Deux tiers des populations d’animaux sauvages du monde ont disparu en moins de 50 ans. C’est la ‘grande accélération‘ vers le désastre».
Un projet œcuménique parti des jeunes
Face à cette crise, des jeunes se sont retrouvés pour chercher ensemble une réponse chrétienne à l’écologie, l’éco-spiritualité ou l’amour de la nature. «Au départ de l’initiative: la motivation des jeunes, non des institutions ecclésiales, raconte Xavier, docteur en théologie. Concrètement, ce sont des jeunes issus des milieux évangéliques qui sont venus toquer à la porte des aumôneries œcuméniques. Il y a de cela près d’un an. Et aujourd’hui, pour ce Carême 2021, un projet œcuménique est lancé».
La démarche visible de ce projet est la pratique d’un jeûne – soit alimentaire, soit de consommation – pendant deux semaines, du 5 au 20 mars 2021. «Limiter notre alimentation et notre consommation permet de limiter les désastres que nous causons, à notre échelle. Ceci n’est que la pointe de l’iceberg du projet. La vraie démarche est une conversion intérieure, spirituelle et écologique», indique l’aumônier vaudois.
Une démarche de conversion
La conversion, explique cet amoureux de la nature d’origine québécoise, est une véritable repentance en cinq étapes, décrite dans le carnet de prière. «Il s’agit d’abord de reconnaître notre responsabilité: le mal de l’espèce humaine qui détruit sa planète. Puis il faut sortir du déni et du refus de ses émotions: il faut arrêter de vouloir toujours ‘garder la tête froide’, mais oser entrer dans la tristesse, se mettre en colère et ensuite ‘composter ses émotions’, c’est-à-dire utiliser ces émotions considérées comme négatives pour en faire de l’engrais et nous pousser à agir».
Troisièmement, le théologien itinérant invite à sortir du nombrilisme. «Le pape François, dans son encyclique Laudato si’, pointe très clairement le problème de l’anthropocentrisme: on est égoïste, on se croit seuls et supérieurs à tout le reste de la Création». Quatrièmement, il faut retisser les liens avec la nature. «Car tout est lié: Dieu a fait Alliance avec nous, ses créatures, et l’ensemble de sa Création».
S’assainir pour assainir la planète
Et cinquièmement, avec le jeûne, il s’agit de «prendre soin de son jardin intérieur», en arrêtant de «consommer pour compenser, comme dans une fuite en avant». «Il faut se ‘détoxifier’, afin de ‘détoxifier’ la Terre. En d’autre terme, le fait de m’assainir assainit la planète, clarifie Xavier Gravend-Tirole. Et puis, ne dit-on pas que c’est en me changeant que je pourrai changer le monde?».
Ce père de famille n’hésite pas à «titiller la parole de Jésus», à propos du plus grand commandement. «Avec les jeunes qui participent à Détox’ la Terre, nous voulons aimer Dieu, notre prochain… ET la Création, comme nous-mêmes». (cath.ch/gr)
Célébration d’ouverture du jeûne de Détox’ la Terre, le 5 mars 2021 à l’église St-Laurent, Lausanne | © B. Hallet Célébration d’ouverture du jeûne à Lausanne suivie en ligne par une centaine de personnes | © B. Hallet Elisa Meylan et Alexandre Mayor, deux initiateurs évangélique et réformé de Détox’ la Terre, le 5 mars 2021 à l’église St-Laurent, Lausanne | © B. Hallet Le pasteur Yann Wolff dépose des cendres, symbole de pénitence, lors de la prière | © B. Hallet Le pasteur Yann Wolff à la célébration Détox’ la Terre, le 5 mars 2021 à l’église St-Laurent, Lausanne | © B. Hallet Temps de louange et de prière le 5 mars 2021 à l’église St-Laurent, Lausanne | © B. Hallet
Le lancement de Detox’ la Terre à Saint-Laurent
Une quarantaine de jeunes se sont retrouvés dans la soirée du 5 mars 2021 à l’église Saint-Laurent de Lausanne pour une célébration œcuménique, point de départ de la mobilisation Detox’ la Terre, pour un jeûne alimentaire ou de consommation de deux semaines. Prière, lectures, musique ont rythmé, à la manière des rencontres de Taizé, une célébration d’une heure. L’assemblée n’a pas pu chanter, normes sanitaires obligent.
La lecture de la Genèse a permis de lancer la soirée dont la thématique était focalisée sur la Création et sur Dieu. Puis vint la question: «Et si la Bible devait raconter le 21e siècle, comment le ferait-elle?». Les animateurs ont incité les participants à discerner ce que Dieu attendait d’eux, à ne pas se laisser aller au pessimisme mais au contraire «à envisager demain avec confiance» en agissant pour la planète.
«Il s’agit d’un jeûne en lien avec le bien de la planète», précise Nina, protestante, étudiante en théologie à l’Université de Lausanne. Elle a choisi un jeûne de consommation. Ces deux semaines Détox’ la Terre sont une pour elle une occasion de s’investir pour la planète.
Elisa Meylan, évangélique, qui a animé une bonne partie de la soirée, explique que son Église ne se mobilise pas assez pour la Création. «Il nous manque quelque chose comme Laudato si’«. Un ami catholique lui a fait connaître l’encyclique du pape François. La société a pris conscience de la crise climatique, reconnaît-elle, mais ce n’est pas suffisant, «le mouvement s’accélère, il faut impérativement faire quelque chose». La spiritualité au service de la création a rejoint l’action concrète à travers cette initiative des Églises vaudoises. BH