Les archives de Pie XII attendent encore de dévoiler leurs secrets

Le 2 mars 2020, il y a un an, le Saint-Siège autorisait l’accès à plusieurs dizaines de millions d’archives provenant du pontificat de Pie XII (1939-1958). Cependant, la crise sanitaire et le «temps long» propre à la recherche historique ont limité les découvertes et avancées dans la compréhension des près de vingt ans de règne d’Eugenio Pacelli.

Le 2 mars 2020, le Saint-Siège avait permis l’accès à toute la documentation du pontificat de Pie XII, un tournant décisif pour la communauté des historiens. Cependant, une semaine plus tard, l’Italie s’était retrouvée aux prises avec une pandémie qui prit plus d’ampleur que prévu. Au Vatican, un premier cas de coronavirus était alors signalé au sein de la Secrétairerie d’État, et le cardinal Pietro Parolin décidait de fermer l’accès du petit État au public: les archives du pontificat de Pie XII, aussitôt ouvertes, devaient refermer. 

Dans une vidéo publiée par l’École française de Rome, l’historienne Nina Valbousquet, spécialiste de la question juive dans le pontificat de Pie XII, déclare avoir pu travailler «une semaine». La numérisation limitée des archives – concernant une partie des Archives de la Section pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État – est une maigre consolation, tant de nombreux documents restent inaccessibles. 

Une course à la trouvaille

Trois long mois de recherche sont suspendus et ne reprennent qu’à la fin du confinement en Italie, en mai. Cependant, l’accès au trésor historique est particulièrement limité en raison des normes sanitaires établies par le Vatican. Le nombre de personnes autorisées dans les salles a été réduit et le temps par historien accrédité est moindre. «Il y a une sorte de course à la trouvaille», explique Nina Valbousquet. 

Cependant, les vraies découvertes vont demander du temps. Dès l’ouverture, souligne encore l’historienne française, de nombreux papiers ont paru dans les médias – notamment italiens – soulignant la grande «polarisation» sur des sujets particulièrement polémiques comme le rôle joué par Pie XII face au nazisme et à la Shoah. «La difficulté est qu’il y a un décalage entre le temps médiatique […] et le temps historique de la recherche qui, lui, est beaucoup plus long et nécessite beaucoup plus de recontextualisation». 

Il faudra des années pour sortir d’une «historiographie très polarisée», insiste Nina Valbousquet, qui rappelle l’enjeu important que représente par exemple le procès en cours de béatification de Pie XII. Et la masse des fonds d’archives que le Vatican possède pour cette période semble aller dans ce sens.

Des millions de documents très divers

Outre les archives apostoliques (ex-Archives secrètes), qui couvrent les affaires ordinaires de la Curie et de la diplomatie vaticanes, les chercheurs doivent aussi s’intéresser pour les questions diplomatiques au fonds d’archives de la Section pour les relations avec les États de la Secrétairerie d’État. 

Mais ce n’est pas tout. Les archives du Saint-Office – actuelle Congrégation pour la doctrine de la foi – ont été aussi ouvertes et sont attendues pour comprendre le raidissement doctrinal à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, notamment vis-à-vis du «contexte français». De même, les archives de la Congrégation pour les Églises orientales sont importantes pour les questions relatives au Moyen-Orient. Enfin, les archives de la Propagande Fide – l’actuel Congrégation pour l’évangélisation des peuples – sont déterminantes pour les questions relatives au contexte de décolonisation en cours dans l’après-guerre. 

Ce sont donc des millions de documents qui permettent de comprendre, au-delà même de la personne très complexe de Pie XII, une histoire globale d’une période essentielle du 20e siècle. Une mise en perspective qui devrait être révélée peu à peu dans les années à venir. (cath.ch/imedia/cd/gr)