Cardinal Pell: «Je prie pour ceux qui ont voulu me faire tomber»
«Ceux qui ont pu être impliqués dans des complots et qui ont voulu me faire tomber? Je prie pour eux», a confié le cardinal George Pell lors d’une conférence de presse en ligne à laquelle, a participé l’agence I.MEDIA, sur la sortie du premier volume de son Journal de prison, le 16 décembre 2020. Dans cet ouvrage, rédigé durant la première partie de son année d’incarcération, le haut prélat australien livre ses réflexions, faisant le lien entre l’injustice qu’il a subie et le fonctionnement d’un Vatican qu’il juge avec sévérité.
Le 27 février 2019, le cardinal Pell est transféré dans une prison de Melbourne (Australie), condamné par la justice de son pays pour des crimes – des agressions pédophiles – qu’il rejette en bloc. Il y restera treize mois, jusqu’en mars 2020. Dans sa «minuscule cellule», le haut prélat dit vivre sa peine comme une «retraite prolongée», rédigeant un journal qui s’avérera être pour une lui «une bonne thérapie», mais aussi le «témoignage historique d’une époque étrange». Le premier volume, qui raconte ses 20 premières semaines de captivité, vient d’être publié en anglais aux éditions Ignatius Press.
Une odeur de complot
Dans ce récit, le cardinal Pell reconnaît ne pas pouvoir prouver l’existence d’un complot à son encontre. Lors de la conférence de presse, il précise toutefois qu’il a pu percevoir la «fumée» qui se dégageait de l’affaire «comme dans un feu de bush [savane australienne, NDLR]». Combatif face à l’hostilité de ses adversaires, l’ancien membre de la Curie s’interdit cependant tout ressentiment, affirmant ne pas vouloir poursuivre ceux qui, à tort, l’ont envoyé en prison ou diffamé: «Ceux qui ont pu être impliqués dans des complots et qui ont voulu me faire tomber? Je prie pour eux.»
Dans sa cellule, le cardinal raconte suivre quotidiennement l’avancée de son procès, et l’impact qu’il a sur la société. Déjà, il est convaincu de l’existence d’une machination, même si la lutte est d’abord pour lui spirituelle: «Je suis pris dans un combat entre le bien et l’esprit du mal», écrit le haut prélat australien. Il reconnaît aussi avoir «lentement, voire à contrecœur» commencé à ressentir «une odeur de mal et, en fait, la présence du Malin dans les accusations» portées contre lui.
Attaqué pour sa réforme des finances vaticanes?
Si ses interrogations le portent d’abord vers le contexte proprement judiciaire qui l’a mené derrière les barreaux, il effectue à plusieurs reprises dans l’ouvrage des rapprochements avec la lutte qu’il a menée à Rome en tant que préfet du secrétariat pour l’Économie: «Tous les principaux acteurs de la réforme financière au Vatican ont été attaqués, en particulier dans la presse, et un certain nombre de ces hauts responsables à Rome estiment que mes problèmes australiens y sont liés».
Lors de la conférence de presse, il insiste sur les difficultés de la tâche que lui avait demandé de mener le pape François en 2014: «Se battre pour la réforme des finances du Vatican est très difficile et épuisant: paradoxalement, après six mois (en Australie) et malgré les accusations portées contre moi, je me suis senti beaucoup mieux que lorsque je me battais à Rome». À la Curie, il déplore une certaine léthargie: «Tant de nos questions n’ont jamais reçu de réponses satisfaisantes».
Incompétence et corruption au Vatican
À Rome, le cardinal George Pell critique une forme de déclin intellectuel qu’il dit avoir observé «en général». En matière d’économie, il affirme notamment que le personnel de la Curie n’était pas bien formé, qui l’a poussé à mettre en place une formation spécifique à Rome pour les prêtres, religieux et laïcs. Et de tacler: «L’honnêteté et la bonne volonté personnelles ne sont pas une excuse pour l’incompétence, qui rend la corruption tellement plus facile.»
Le membre de l’Opus Dei fait cependant l’éloge de son successeur à la tête du Secrétariat pour l’économie, le Père Juan Antonio Guerrero, qu’il a rencontré depuis son retour à Rome, rapporte-t-il lors de la conférence de presse: «Il me semble capable et honnête, j’espère qu’il recevra tout le soutien nécessaire».
Discret sur le cardinal Becciu
Dans son Journal, l’Australien ne mentionne en revanche pas directement l’ancien Substitut Angelo Becciu, dont il semblait saluer la disgrâce au lendemain du renvoi du haut prélat sarde, le 24 septembre dernier. Félicitant le pontife dans un communiqué, il avait déclaré: «J’espère que le ménage des étables continuera». Quelques jours plus tard, la presse italienne faisait un lien entre la chute du cardinal Becciu et la condamnation du cardinal Pell en Australie. Un passage dans le livre sous-entend son inquiétude face au pouvoir de celui qu’on désigne souvent comme son adversaire dans la réforme financière du Vatican: «Quand le pape va bien et encore plus lorsque ses capacités sont diminuées, beaucoup dépend de la qualité de ses cadres supérieurs, tels que le secrétaire d’État et le Substitut».
Malgré la fermeture d’enquêtes officielles dans son pays sur le transfert d’argent – que la presse italienne désignait comme un pot-de-vin versé par le cardinal Becciu aux accusateurs du cardinal Pell pour le perdre – le haut prélat australien a réaffirmé lors de la conférence de présentation du livre être toujours convaincu qu’une somme de 700’000 euros a transité du Vatican à l’Australie. Il s’interroge même sur le récent travail effectué par la police de Melbourne, qu’il juge «négligé». Mais se refuse en revanche à faire le moindre commentaire sur son ancien collaborateur à la Curie. (cath.ch/imedia/cd/rz)