«Mesopotamia»: Un voyage entre patrimoine et humanité

Avec Mesopotamia, une aventure patrimoniale en Irak, Pascal Maguesyan nous emmène en Irak, à la rencontre des communautés religieuses chrétiennes et yézidie et de leur patrimoine sacré. Ce travail inédit met à la portée du plus grand nombre une histoire récente douloureuse, empreinte d’espoir du retour de ces communautés dans le pays.

«Lorsque Daech a commencé ses exactions contre les yézidis et les chrétiens d’Irak, j’ai compris qu’on avait à faire à un génocide», lâche Pascal Maguesyan, journaliste et écrivain d’origine arménienne. En effet, les membres du pseudo Etat islamique n’ont pas seulement systématiquement éliminé les habitants des régions sur lesquelles ils ont déferlé. Ils se sont aussi acharnés à détruire leur patrimoine sacré, ajoute-t-il.

Un voyage à la rencontre des Irakiens

Fruit de deux ans passés – en 15 missions – sur le terrain et d’un an de préparation, le livre qui paraît ces jours-ci en Suisse romande recense de manière quasi exhaustive le patrimoine religieux, églises, monastères, mausolées, cimetières, etc. des communautés chrétiennes et yézidie. L’auteur et son équipe évitent l’écueil du catalogue et filent la trame d’un voyage à la rencontre de l’histoire des habitants de l’ancienne Mésopotamie.

Le livre, à la mise en page impeccable, foisonne de belles photos qui ne se limitent pas à une série de bâtiments éventrés, brûlés ou réduits en tas de pierres. Pascal Maguesyan, auteur de presque toutes les photos, a mis l’humain en regard de ce patrimoine. «La pierre en soi n’a pas de sens sans les êtres humains qui l’ont façonnée». Le récit est aussi une espérance. 

Des églises stigmatisées

Les photos montrent en effet des églises restaurées, encore marquées des stigmates de la folie de Daech, à nouveau pleines à l’occasion de célébrations. L’auteur évoque l’église syriaque-catholique de Mar Touma (saint Thomas) de Mossoul, en partie détruite par Daech. Cinq photos résument la renaissance du lieu de culte et le retour, partiel, de la communauté dans l’édifice que Daech n’a pas eu le temps de dynamiter. «Des repères sont visibles sur les piliers qui marquent l’emplacement de charges explosives qui devaient raser l’édifice».

Riche également en cartes, frise historique, plans et images d’archives, filigrane d’une volonté également pédagogique, ce livre est organisé selon les provinces visitées: «Nous avons privilégié la diversité géographique plutôt que la forme communautariste», souligne l’auteur. Le déroulé de l’ouvrage réserve toutefois des apartés présentant un bref historique de chacune des communautés religieuses présentes en Irak.

L’auteur est passionné par l’histoire de la Mésopotamie, «ce creuset de la civilisation». Pascal Maguesyan a pu visiter toutes les provinces de pays, sauf celle de Bassorah, au sud, inaccessible au moment de la préparation du livre.

La joie que lui procure la sortie du livre le laisse cependant réaliste: «Les communautés fondent comme neige au soleil. On ne sait pas si les habitants d’autrefois reviendront. Nous soutenons la reconstruction du patrimoine pour aider les Irakiens à se maintenir vivant sur leur terre. C’est aussi une des raisons de ce livre».

«Mis à part quelques travaux universitaires traitant de la thématique, une telle étude est inédite à l’échelle du grand public. Ce livre est une première», explique Pascal Maguesyan. L’ouvrage est rédigé en anglais, en arabe et en français, «pour une diffusion dans le monde anglophone et une compréhension mondiale, une dispersion dans l’espace francophone et pour que les Irakiens puissent le lire et partager cette histoire. Surtout J’ai voulu rendre hommage aux communautés et aux groupes victimes de Daech». (cath.ch/bh)

Mesopotamia, Une aventure patrimoniale en Irak, de Pascal Maguesyan Ed. Première partie, 2020, 258 p. Disponible dans les librairies Saint-Augustin de Saint-Maurice et Fribourg.

Mesopotamia héritage
Pascal Maguesyan travaille pour l’association Mesopotamia Héritage (lien), dont le but est de favoriser la reconstruction du patrimoine des Irakiens de façon à favoriser le retour des communautés dans le pays et maintenir celles qui ont survécu à Daech. Sur son site web, l’association présente un inventaire partiel et documenté du patrimoine chrétien assyro-chaldéo-syriaque et yézidi en Irak.
Au service premier des populations concernées, en Irak comme en diaspora, mais aussi de la recherche scientifique, cet inventaire patrimonial et testimonial, ouvert à tous, contribue à la sauvegarde de la mémoire du patrimoine et à sa transmission. Il participe, c’est notre vœu, à la revitalisation de ces communautés autochtones menacées de disparition et confrontées à des destructions massives, parfois irréversibles. BH