Pékin et Rome reconduisent l'Accord sur la nomination des évêques
Alors que la répression de l’islam, du christianisme et du bouddhisme tibétain s’est fortement accrue depuis l’arrivée de Xi Jinping à la présidence de la République populaire de Chine en 2013, Pékin et le Vatican ont cependant prolongé de deux ans l’Accord provisoire sur la nomination des évêques.
Cet accord historique conclu en 2018 permet à Pékin et Rome de se mettre d’accord sur la question très sensible de la nomination d’évêques catholiques, dans un contexte de durcissement du pouvoir. L’objectif du Parti communiste chinois, qui veut «siniser» les religions, est d’avoir un contrôle total sur les cultes en utilisant diverses méthodes, allant de la répression à la réécriture des Evangiles et du Coran pour les adapter à l’idéologie du Parti. La publication d’un manuel scolaire contenant une histoire biblique déformée et détournée a ainsi récemment suscité la colère parmi les fidèles de la communauté catholique en Chine continentale.
Confirmation de l’Accord ad experimentum
En octobre 2020 la décision sur la proposition vaticane d’étendre ad experimentum les normes provisoires de l’Accord entrera en vigueur. «Cela vaut la peine de continuer», a déclaré le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, expliquant les raisons d’un accord sur la nomination des évêques.
L’Accord provisoire signé le 22 septembre 2018 entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine, concernant la nomination des évêques, est entré en vigueur un mois après sa signature, et expirera donc le 22 octobre prochain. Signé à Pékin, il prévoyait une durée de deux ans ad experimentum, avant une éventuelle confirmation définitive ou autre décision.
Une expérience qui «mérite d’être poursuivie»
Le cardinal Parolin a récemment expliqué que l’intention était de proposer une prolongation aux autorités chinoises, en continuant à adopter l’Accord sous forme provisoire, «comme cela a été fait au cours de ces deux premières années, afin de vérifier davantage son utilité pour l’Eglise en Chine».
Malgré des lenteurs et les difficultés, aggravées ces dix derniers mois par la pandémie, «il me semble qu’une direction a été marquée qui mérite d’être poursuivie, ensuite nous verrons», a ainsi déclaré le cardinal Parolin.
Un Accord vilipendé par le cardinal Joseph Zen
L’accord ne concerne pas directement les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine, le statut juridique de l’Eglise catholique chinoise ou les relations entre le clergé et les autorités du pays. L’Accord provisoire concerne exclusivement le processus de nomination des évêques, une question essentielle pour la vie de l’Eglise et pour la communion des pasteurs de l’Eglise catholique chinoise avec l’évêque de Rome et les évêques du monde.
Dès sa signature, cet accord avait été vilipendé par le cardinal Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong et opposant historique à Pékin. Il y voyait une grave mise en danger de l’Eglise dite «souterraine», c’est-à-dire non reconnue par le régime communiste. Le cardinal Zen encourageait les Chinois catholiques à se retirer «dans les catacombes» plutôt qu’à intégrer l’Eglise officielle chinoise. Pour le cardinal Giovanni Battista Re, dans une lettre envoyée à tous les cardinaux, le 26 février 2020, l’accord est «dans l’état actuel le seul possible».
Un objectif pastoral
L’objectif de l’Accord provisoire n’a donc jamais été simplement diplomatique et encore moins politique, mais a toujours été authentiquement pastoral: il vise à permettre aux fidèles catholiques d’avoir des évêques qui soient en pleine communion avec le Successeur de Pierre et qui soient en même temps reconnus par les autorités de la République populaire de Chine.
Le pape François, dans son Message aux catholiques chinois et à l’Eglise universelle, en septembre 2018, immédiatement après la signature de l’Accord provisoire, a rappelé qu’au cours des dernières décennies, les blessures et les divisions au sein de l’Eglise catholique en Chine s’étaient polarisées «avant tout autour de la figure de l’évêque comme gardien de l’authenticité de la foi et garant de la communion ecclésiale».
Des communautés dites «clandestines»
Les interventions des structures politiques dans la vie interne des communautés catholiques ont provoqué l’émergence du phénomène des communautés dites «clandestines», qui ont tenté d’échapper au contrôle de la politique religieuse du gouvernement.
Le pape François est bien conscient des blessures causées à la communion de l’Eglise par les faiblesses et les erreurs, mais aussi par les pressions extérieures excessives exercées sur les personnes, commente sur Vatican News le journaliste Andrea Tornielli, directeur éditorial du Dicastère pour la communication du Saint-Siège. Et de rappeler que le pontife argentin, après des années de longues négociations entamées et poursuivies par ses prédécesseurs, a rétabli la pleine communion avec les évêques chinois ordonnés sans mandat pontifical.
Rétablir l’unité pleine et visible de l’Eglise en Chine
Une décision prise après avoir réfléchi, prié et examiné chaque situation personnelle. Le seul but de l’Accord provisoire, a précisé le pontife, est de «soutenir et de promouvoir la proclamation de l’Evangile en Chine et de rétablir l’unité pleine et visible de l’Eglise».
Les deux premières années ont conduit à de nouvelles nominations épiscopales avec l’accord de Rome et certains évêques ont été officiellement reconnus par le gouvernement de Pékin. «Les résultats – notamment en raison de la pandémie qui a, de fait, bloqué les contacts ces derniers mois – ont été positifs, bien que limités, et suggèrent de poursuivre l’application de l’accord pendant une autre période», relève Andrea Tornielli. (cath.ch/vaticannews/ag/be)