Journaliste et catholique: une tension féconde
L’association suisse des journalistes catholiques (ASJC) s’est réunie à la paroisse de la Trinité, à Berne, en assemblée générale le 19 septembre 2020. Trois jeunes journalistes ont reçu le Prix Médias 2020. Bernard Litzler, directeur de Cath-Info, et Jacques Berset, journaliste à cath.ch, ont évoqué la difficulté d’informer sur une l’Eglise entre foi et exigences professionnelles.
L’Association suisse des journalistes catholiques (ASJC) a remis son Prix Médias 2020. Doté de 1’000 francs par lauréat, le prix Médias honore cette année trois jeunes femmes professionnelles une Romande, une Alémanique et une Tessinoise.
Trois jeunes femmes mises à l’honneur
Christine Mo Costabella a été primée pour son article «Le grand retour des dévotions populaires», paru dans l’hebdomadaire L’Echo Magazine. L’enquête menée en Suisse romande par la journaliste, qui collabore depuis 2015 au magazine édité à Genève, évoque le retour en force de la dévotion populaire, que l’on a pensé un temps ringarde et tombée en désuétude.
Sous le titre «Migrants: il n’y a pas que le désespoir», l’article du Corriere del Ticino pour lequel Anna Riva a reçu le Prix, dresse le portrait d’une infirmière zurichoise partie s’installer à Thessalonique afin d’aider les réfugiés. La journaliste, titulaire notamment d’un master en journalisme franco-allemand obtenu à Freiburg (Allemagne) et Strasbourg, deviendra correspondante radio au Palais fédéral pour la RSI dès le mois de novembre.
Simone Ullmann, lauréate germanophone du Prix, est honorée pour «Les religions célèbrent leur Noël», un article paru dans l’hebdomadaire Schaffhauser Bock. Des femmes de religion juive, baha’ie, musulmane et hindoue donnent leur point de vue sur la célébration du Noël chrétien. La jeune femme, pigiste pour le Schaffhauser Bock et le Bote vom Untersee und Rhein a obtenu un master en langue et littérature allemandes à l’université de Zurich.
Deux «piliers» du journalisme catholique
Bernard Litzler et Jacques Berset, respectivement directeur de Cath-Info et journaliste à cath.ch, étaient les invités à l’assemblée générale de l’ASJC. Les deux «piliers» du journalisme catholique, bientôt à la retraite, ont témoigné sur leur parcours professionnel et sur le rapport parfois difficile de l’Eglise et de la presse, Ils ont également commenté des assertions du message du pape François pour la Journée mondiale des communications sociales.
«Suis-je journaliste catholique ou catholique journaliste?», s’est interrogé Bernard Litzler pour saisir la tension féconde entre la profession de journaliste et sa foi catholique. Il est l’un et l’autre, deux aspects qui selon lui ne sont pas antinomiques. Passé entre autres à L’Echo romand, à l’Echo magazine et au Centre catholique de radio et télévision (CCRT), devenu en 2015 Cath-info, le futur retraité s’est exercé à l’écriture, la photo, la télé et la radio où il officie encore.
Il constate que l’Eglise garde un faible pour une info contrôlée. «Communio et progressio, publié en 1971, a encore de la peine à passer. L’info du haut vers le bas continue d’imprégner les circuits ecclésiaux», observe-t-il.
La décléricalisation de sa communication, confiée à des laïcs professionnels, a toutefois bénéficié à l’Eglise, notamment depuis que l’Agence de presse internationale catholique (APIC) et l’Echo magazine ont cultivé leur indépendance rédactionnelle tout en servant à la communication de l’Eglise.
Un travail de vérité
Pour Bernard Litzler, les journalistes catholiques ont à effectuer un travail de vérité sur l’Eglise, si difficile soit-il, particulièrement en ces temps de révélation des multiples scandales sexuels qui ternissent l’image de l’Eglise. «Nous n’avons pas à rougir des hontes de l’Eglise», pourvu que l’information tienne dans les limites de la déontologie de la profession. «Nous nous appuyons aussi sur notre charte rédactionnelle et en respectant le cadre légal qui prévaut dans la profession. Et très souvent un article qui dénonce une situation particulière est le fruit d’une réflexion collégiale», a rappelé le directeur de Cath-Info.
«Nous avons le devoir de dénoncer ces actes, a appuyé Jacques Berset, depuis 37 ans journaliste à l’APIC, puis à cath.ch, de manière professionnelle et sobre, avant que les réseaux sociaux s’emparent de cette actualité et ne la déforment». Cela n’est pas en contradiction avec sa foi.
Il reconnaît qu’il est difficile de tenir la ligne d’une part, entre des confrères généralistes considérant parfois les journalistes catholiques comme des communicants de l’Eglise – voire des ‘propagandistes’ – et d’autre part, des pratiquants les accusant de salir l’image de l’Eglise.
Les plus pauvres au cœur
Les deux journalistes s’entendent sur le fait de travailler à chercher la beauté et la tendresse, deux dimensions humaines pleinement compatibles avec le récit journalistique. «Je l’ai trouvée au plus profond de la misère, dans des camps de réfugiés», se souvient Jacques Berset.
Le vieux briscard réaffirme son engagement de journaliste au service des plus pauvres. «Jeune, j’ai travaillé sur des chantiers avec des migrants, cela m’a marqué. Je suis resté le même depuis. J’exerce ce métier en ayant les plus pauvres au cœur». Il estime que l’objectivité n’existe pas et surtout qu’il «n’écrit pas à partir de rien». La vraie question à se poser, selon lui, est celle de l’honnêteté avec laquelle on exerce cette profession.
Le comité composé du président Maurice Page, de Geneviève de Simone-Cornet et de Christiane Elmer a été reconduit pour un nouveau mandat par applaudissements. Bernard Litzler y fera également son entrée.
L’assemblée générale a été aussi l’occasion pour les membres de l’ASJC d’approuver les comptes 2019, déficitaires de 900 francs. Le Fonds du prélat Meier, destiné à aider à la formation des journalistes, a enregistré en 2019 un bonus de 15’000 francs, grâce à une bonne performance de ses placements financiers. Mais il faut se garder de toute euphorie, a prévenu l’administrateur Melchior Etlin. L’excellent résultat a en effet été effacé par la forte baisse des marchés financiers durant la pandémie qui a sévi au printemps 2020. (cath.ch/bh)