Malawi: les leaders religieux contre l'encadrement de l'avortement
Les dirigeants musulmans et chrétiens du Malawi ont décidé de faire bloc contre un projet de loi sur l’avortement. S’il ne prévoit pas de légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le projet veut l’encadrer, face à la forte mortalité des femmes résultant des avortements clandestins.
Annoncé depuis 2016, le projet doit être soumis mi-septembre 2020 au Parlement par le gouvernement, rapporte le quotidien malawite Nyasa Times. Intervenant début septembre sur l’état de la nation, le président Lazarus Chakwera a appelé le Parlement à «sauver la vie des femmes et des filles qu’ils représentent, en adoptant le projet de loi». L’objectif, a-t-il souligné, est de réduire le nombre de décès des femmes à 350 sur 100’000 naissances vivantes d’ici 2022 et d’atteindre ainsi l’Objectif de développement durable (ODD) des Nations unies, fixé à 70 décès sur 100’000 naissances vivantes d’ici 2030, a rapporté le Centre for Solutions Journalism (CSJ Malawi).
Forte mortalité due aux IVG clandestines
Selon les statistiques officielles fournies par le président de la commission parlementaire de la santé à l’Assemblée nationale, Matthews Ngwale, 439 femmes sur 100’000 meurent chaque année de causes liées à la grossesse. 18% de ces décès sont causés par des IVG clandestines. 70’000 femmes malawites se feraient avorter clandestinement chaque année, dans des conditions précaires.
Les parlementaires et les professionnels de la santé soutiennent en majorité le projet de loi qui vise à encadrer l’IVG dans le pays, tout en maintenant son interdiction.
Pour Matthews Ngwale, qui intervenait lors d’une conférence, en septembre 2020, à laquelle participaient une vingtaine de députés, ainsi que des représentants d’organisations de défense des droits humains, des dirigeants religieux et des chefs traditionnels, le Malawi est en retard. Beaucoup d’autres pays africains ont adopté des lois pour empêcher les femmes et les filles de mourir par avortement. Pendant ce temps, «notre pays applique toujours une loi coloniale vieille de 100 ans», a déploré le fonctionnaire malawite. La loi actuelle prévoit une peine d’emprisonnement de 7 à 14 ans pour les personnes impliquées dans un avortement. L’IVG n’est tolérée que si la grossesse met en danger la santé ou la vie de la femme.
Eviter «un génocide des bébés à naître»
Chisale Mhango, gynécologue et ardente défenseuse du projet, a indiqué que le projet de loi ajoutait des possibilités de faire valoir un avortement. Il précise par exemple bien que l’IVG ne peut être effectuée que par un «prestataire de service (de santé) agréé», et dans trois situations: dans les cas où la grossesse entraîne des conséquences pour la santé physique et mentale de la femme enceinte, en cas de malformation grave du fœtus pouvant affecter la santé de la femme porteuse, et si la grossesse résulte d’un viol, d’un inceste ou d’un abus.
Les leaders des confessions religieuses du Malawi ont cependant rejeté ces arguments et se sont engagés à empêcher son adoption par le Parlement. Lors d’une conférence de presse commune, tenue à Lilongwe, la capitale, dirigée par Mgr Thomas Luke Msusa, archevêque catholique de Blantyre, ils ont qualifié l’avortement, de «meurtre», rappelant que la vie humaine commençait à la conception. Les dirigeants religieux, soutenus par des groupes de femmes, ont expliqué vouloir prévenir une «génocides des bébés à naître». (cath.ch/ibc/ag/rz)