Le pape explique pourquoi il a dit 'non' aux prêtres mariés
Si la discussion durant le dernier synode sur l’Amazonie était «bien fondée», elle a manqué de discernement, déplore le pape François dans note publiée par la revue jésuite La Civiltà Cattolica le 5 septembre 2020. En quelques lignes, l’évêque de Rome revient sur sa vision du processus synodal et explique comment il a procédé pour écrire son exhortation.
Dans un article intitulé La force motrice du pontificat est-elle toujours active?, le rédacteur en chef de la revue jésuite, le Père Antonio Spadaro, analyse la manière de gouverner du pape François, qui se comprend selon lui à la lumière du prisme jésuite, et donc «ignatien». Pour le pontife romain, avance-t-il, ce qui importe lors d’une réforme n’est pas seulement la proposition en elle-même mais bien l’esprit, bon ou mauvais, «qui la met en œuvre».
Et pour éclairer son analyse, le jésuite partage une note du pontife lui-même dans laquelle il s’attarde sur la démarche synodale et revient notamment sur les échanges entre Pères synodaux au moment du dernier synode sur l’Amazonie, du 6 au 27 octobre 2019. «Il y a eu une discussion… une discussion riche… une discussion bien fondée, mais sans aucun discernement, ce qui est autre chose que d’arriver à un consensus juste et bon ou à une majorité relative», écrit le pontife.
Le synode, plus qu’un «parlement»
Et le pape de poursuivre en ces termes: «Nous devons comprendre que le synode est plus qu’un parlement. Et dans ce cas particulier, il ne pouvait pas échapper à cette dynamique. Sur cette question, il a été un parlement riche, productif et même nécessaire, mais pas plus que cela. Pour moi, cela a été décisif dans le discernement final, lorsque j’ai réfléchi à la façon de faire l’exhortation».
Dans ce texte paru le 12 février 2020, le pontife romain n’avait pas autorisé l’ordination sacerdotale de diacres permanents mariés. Et ce, alors que cette solution avait été vivement suggérée dans le document final du synode sur l’Amazonie. Le paragraphe avait été approuvé par 121 Pères synodaux sur 181.
«L’une des richesses et des originalités de la pédagogie synodale est précisément dans le fait de sortir de la logique parlementaire pour apprendre à écouter, en communauté, ce que l’Esprit dit à l’Église, ajoute encore le pape. C’est pour cela que je propose toujours d’observer le silence après un certain nombre d’interventions». «Cheminer ensemble» signifie selon lui «consacrer du temps à une écoute honnête» capable de «démasquer l’apparente pureté de nos intentions et de nous aider à discerner le blé qui – jusqu’à la parousie – pousse parmi les mauvaises herbes».
Dès lors, «ceux qui ne se sont pas rendu compte de cette vision évangélique s’exposent à une amertume inutile», souligne sans détour le primat d’Italie. «Quel sens aurait l’assemblée synodale si elle n’écoutait pas ensemble ce que l’Esprit dit à l’Église?», interroge-t-il.
«Le synode n’est pas terminé»
Le pape François déplore ainsi qu’à certaines occasions, au cours d’un synode, il arrive que «le mauvais esprit» conditionne «le discernement, favorisant les positions idéologiques (des deux côtés)», engendre «des conflits épuisants entre des groupes» et, «pire encore», affaiblisse «la liberté de penser, si importante dans un cheminement synodal». Une telle atmosphère finit selon lui par «déformer, réduire et diviser la salle synodale en positions dialectiques et antagonistes qui n’aident en rien la mission de l’Église», s’attriste-t-il.
En réalité, la démarche synodale s’inscrit dans le temps pour le pontife: «J’aime à penser que, en un certain sens, le synode n’est pas terminé, conclut-il dans cette note. Ce temps d’accueil de tout le processus que nous avons vécu nous met au défi de continuer à cheminer ensemble et à mettre en pratique cette expérience».
Christopher Lamb, du journal catholique britannique The Tablet, rappelle que le pape François a souscrit au document final du synode. «Cela signifie que, même si les prêtres mariés ne sont plus à l’agenda dans le court terme, cela reste une réelle possibilité», écrit le journaliste. (cath.ch/imedia/cd/rz)