Mgr de Moulins-Beaufort: «Face aux mutations, il faut agir en paix»
En matière d’écologie et face aux mutation inévitables, «il est bon de se souvenir qu’il faut agir avec un cœur en paix», a confié Mgr Éric de Moulins-Beaufort, à I.MEDIA, le 3 septembre 2020. Leprésident de la Conférence des évêques de France s’exprimait en marge de la rencontre d’une quinzaine de personnalités françaises avec le pape François autour de la problématique écologique.
Propos recueillis à Rome par Claire Guigou et Augustin Talbourdel, I.MEDIA
Que retenez-vous de cet échange relativement dense avec le pape ?
J’ai été ému de voir que tout le monde a été marqué de la façon avec laquelle le pape a parlé, de manière très libre et très sincère. En second lieu, j’ai été touché que le pape évoque le fait qu’en 2007, au moment de la conférence des évêques latino-américains d’Aparecida (Brésil), il ne comprenait pas la question écologique, ne voyait même pas de quoi il s’agissait et qu’il a dû faire un cheminement intérieur, entre 2007 et 2015, sur le sujet. C’est beau qu’il puisse le dire avec cette sincérité. Le fait qu’il rende ainsi compte de son cheminement est rassurant pour nous tous, puisque nous, croyants, devons aussi réaliser l’enjeu de cette conversion écologique. Enfin, j’ai trouvé très intéressant ses mots sur la ‘tendresse’, la ‘caresse’. Ceux qui étaient là sont tous conscients des conflits et des combats qu’il faut mener: certains mènent des combats très précis vis-à-vis des États, des entreprises, de la société. Il est bon de se souvenir qu’il faut agir avec un cœur en paix.
J’ai compris que l’un des enjeux qui nous concernent, nous catholiques, est aussi d’aider à ce que les mutations inévitables puissent se faire dans une certaine paix, une certaine collaboration entre les êtres humains et pas simplement dans l’accusation, la peur, le «sauve-qui-peut» où chacun essaie de saisir ce qu’il peut pour survivre en abandonnant les autres. Pablo Servigne, «collapsologue» bien connu, a évoqué l’idée que dans les périodes de tensions, les être humains s’entraident, plus que dans les périodes où tout va bien. C’est une vision optimiste, puisqu’on sait aussi combien les êtres humains sont capables de se nuire: cela fait partie du mystère du salut et du mal que le Christ vient précisément affronter.
Quelle suite pensez-vous donner à cette rencontre ? Pensez-vous qu’elle puisse être l’occasion d’initier un mouvement plus large ?
Personnellement, ma charge est de familiariser les évêques à cette question écologique qu’ils souhaitent particulièrement travailler. Par ailleurs, ce groupe a sa propre autonomie: je n’ai fait que l’introduire auprès du pape. Je compte honnêtement sur les personnalités qu’il y a dans cette délégation pour déterminer par eux-mêmes les suites que l’on peut donner à cette expérience. Je sais que nous avons là un réseau grâce auquel on peut se laisser guider, stimuler, qui nous rappellera que l’on a essayé de faire quelque chose et avec lequel on pourra éventuellement agir. Dans ce groupe, chacun est le porte-parole de lui-même. Si, grâce à cet événement, on peut contribuer modestement à la rencontre de gens variés et d’une action commune, on peut déjà s’en réjouir.
La problématique écologique est un sujet qui vous tient à cœur. Qu’avez-vous envie de dire aux chrétiens qui doutent de son caractère prioritaire dans l’Église ?
Je pense que notre foi dans le Dieu créateur est un élément très important et non évident de notre credo. Toutes ces questions écologiques nous obligent à prendre aujourd’hui au sérieux la question de la Création. Dans l’Antiquité, cela a été le point le plus névralgique pour beaucoup de païens convertis au christianisme: croire que ce monde est un don qui n’est pas simplement le fruit d’un hasard ou de processus physico-chimiques. Nous avons une bonne nouvelle à porter sur le Dieu créateur. (cath.ch/imedia/mp)