Irak: l'intolérance et le fanatisme religieux prennent de l'ampleur
En Irak, l’intolérance et le fanatisme religieux prennent une ampleur inquiétante. Le 31 août 2020, une foule exaltée a attaqué et incendié à Bagdad les bureaux de la chaîne TV Dijlah, qui aurait «insulté la religion».
Cette télévision satellitaire, dont le siège est à Amman, en Jordanie, est accusée d’avoir diffusé un programme comprenant des chants et des danses le jour du deuil chiite d’Achoura.
Fête de deuil
Cette fête religieuse, qui draine chaque année des millions de pèlerins chiites à Kerbala, à 100 km au sud-ouest de Bagdad, était fêtée cette année du 28 au 31 août avec un nombre plus restreint de participants, en raison de la pandémie de Covid-19 qui affecte le pays. Empreinte d’une immense ferveur, elle commémore le martyre en 680 de l’imam Hussein, fils d’Ali et petit-fils du prophète Mahomet, de membres de sa famille et de ses partisans massacrés à la bataille de Kerbala par le calife omeyyade Yazid 1er . Ce massacre est un événement fondateur de l’islam chiite.
La Constitution irakienne dispose que l’islam est la religion officielle de l’Etat et une des sources de la législation, mais garantit par ailleurs la liberté religieuse des chrétiens, yézidis, sabéens et mandéens. Mais dans un pays où la sensibilité religieuse est à fleur de peau, le fanatisme religieux prend toujours davantage de l’ampleur en Irak, ce qui inquiète en particulier les responsables chrétiens, qui dénoncent les discriminations quotidiennes dont sont victimes les non musulmans.
Sensibilité religieuse à fleur de peau
Dimanche 30 août, alors que les chiites – communauté majoritaire en Irak – célébraient l’Achoura, la chaîne de télévision Dijlah (nom qui fait référence au fleuve Tigre) diffusait des émissions avec des chants et des danses. De nombreux Irakiens se sont indignés que cette télévision, très regardée en Irak, diffuse une programmation qui était, à leurs yeux, considérée comme «une insulte à la religion».
Devant les réactions courroucées des milieux chiites, Dijlah s’est excusée. Mais cela n’a pas calmé les fanatiques, qui ont attaqué le 31 août les locaux de la télévision, incendiant les bureaux et blessant plusieurs employés.
TV interdite
La chaîne «coupable» d’avoir «intentionnellement insulté les rites d’une communauté religieuse» a été interdite dans plusieurs provinces irakiennes et son directeur administratif est la cible d’un mandat d’arrêt émis par un tribunal de la capitale irakienne. Le site internet de la TV a été fermé. En janvier 2020, des inconnus avaient abattu le journaliste de Dijlah TV Ahmed Abdul Samad et le cameraman Safaa Ghali, dans la ville chiite de Bassora, dans le sud de l’Irak, où ils couvraient des manifestations de protestation.
Selon le code pénal irakien, insulter une religion, dans un pays où les relations interreligieuses et intercommunautaires sont très sensibles, peut entraîner une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. En 2018, les chefs des communautés religieuses présentes en Irak avaient demandé au Parlement irakien d’approuver une loi visant à punir pénalement les formes de propagande religieuse incitant à la haine et à la violence. (cath.ch/ag/be)