Abus sexuels en Allemagne: enquête des supérieurs des ordres religieux
La Conférence des évêques catholiques d’Allemagne a salué l’enquête menée par la Conférence allemande des supérieurs des ordres religieux (DOK), qui a mené une enquête conjointe sur les abus sexuels sur mineurs et adultes vulnérables commis par des religieux et par des membres du personnel laïc travaillant sous leur responsabilité.
Une enquête de la DOK menée auprès de 392 communautés religieuses (dont 291 seulement ont répondu) révèle que 654 religieux, dans le pays, ont fait l’objet d’accusations d’abus sexuels dans les dernières décennies. Selon le document publié le 26 août 2020 à Bonn, au moins 1’412 enfants, jeunes ou personnes sous la protection de ces religieux, sont concernés par ces agressions.
La présidente de la DOK, Sœur Katharina Kluitmann, a également évoqué un nombre indéterminé de cas non signalés, rapporte l’agence de presse allemande Katholische Nachrichtenagentur KNA. «Oui, des frères et sœurs de nos communautés ont commis des abus sexuels sous diverses formes», a admis la religieuse franciscaine. En outre, la manière dont les dirigeants et les autres membres des ordres religieux ont traité les victimes a ajouté à leurs blessures, a-t-elle ajouté. «Nous le regrettons beaucoup et reconnaissons une fois de plus notre échec», a lancé Katharina Kluitmann.
80% des religieux mis en cause sont décédés
En 2019, la DOK avait envoyé un questionnaire, rédigé de sa propre initiative, aux dirigeants des communautés. Environ les trois quarts ont répondu. 100 communautés ont déclaré avoir été confrontées à des accusations de diverses formes d’abus. Alors que certaines ont fait état de plus de 100 signalements, la plupart en avaient moins de 10. 53 des 77 ordres masculins et 47 des 214 ordres féminins ont fait état d’allégations. 80 % des religieux mis en cause sont décédés. En plus des 654 religieux, 58 employés des ordres religieux ont été accusés. L’enquête précise que les ordres religieux en Allemagne comptent beaucoup de personnes très âgées.
Sœur Katharina Kluitmann a précisé que l’enquête n’avait pas de fondement scientifique. La DOK n’avait pas les ressources financières nécessaires pour un projet de cette nature. Par conséquent, l’enquête n’a pas pu être comparée à l’étude sur les abus lancée par la Conférence épiscopale allemande. Selon cette étude, réalisée par un consortium de recherche et présentée à l’automne 2018, les 38’156 dossiers des 27 diocèses allemands qui ont été évalués contenaient des références à 3’677 personnes touchées par des abus et 1’670 membres du clergé accusés dans la période allant de 1946 à 2014.
Efforts de prévention
En ce qui concerne les dédommagements aux victimes, les ordres religieux allemands s’efforcent de mettre en place un système uniforme en collaboration avec la Conférence épiscopale. Les communautés ont toutefois besoin d’un soutien financier. Le dispositif des évêques prévoit des sommes comprises entre 5’000 et 50’000 euros suivant les cas.
La DOK a annoncé des efforts supplémentaires en matière de traitement et de prévention. L’organisation va notamment engager un spécialiste de la prévention pour conseiller les communautés religieuses.
Satisfaction des évêques
Mgr Stephan Ackermann, délégué des évêques allemands pour les questions relatives aux abus sexuels dans l’Eglise et pour la protection des enfants et des jeunes, explique sur le site de l’épiscopat le sens de cette démarche: «Il est bon que cette enquête auprès des membres ait été réalisée au sein de la Conférence allemande des supérieurs des ordres religieux et que le résultat soit maintenant disponible. Nous savons, en effet, qu’une partie non négligeable des abus a été commise dans le cadre des ordres. L’objectif de l’enquête était d’acquérir une connaissance différenciée de la situation dans les congrégations religieuses».
Les résultats montrent de fortes différences dans la manière d’aborder le problème. De nombreuses congrégations religieuses ont cependant déjà créé des structures globales pour traiter et prévenir les abus sexuels et se sont attaquées à la question.
Chemin vers la vérité
«Je suis reconnaissant pour l’évaluation globale et autocritique de l’enquête, poursuit l’évêque de Trèves. Je pense surtout aux questions qui nous concernent également en tant que Conférence épiscopale: une gestion encore plus sensible et fiable des victimes comme une participation généralement plus forte des victimes dans les différents processus; la nécessité de professionnaliser la gestion des pratiques; une désignation complète des personnes de contact et la création de paradigmes de protection».
«L’Eglise catholique en Allemagne attend une approche uniforme de ces questions, conclut Mgr Stephan Ackermann. Je salue donc l’expression claire de la volonté des congrégations religieuses de poursuivre leur collaboration avec la Conférence épiscopale allemande afin d’arriver à une réglementation aussi uniforme que possible dans tous les domaines de la lutte contre les abus. Pour notre part, nous, les évêques, renforcerons volontiers la coopération déjà en place, là où c’est possible, et nous soutiendrons les congrégations sur leur chemin vers la vérité». (cat.ch/kna/rz/vaticannews/be)