Covid-19: «Nous avons été victimes», dixit La Porte ouverte chrétienne
En février 2020, la semaine de prière de la Porte ouverte chrétienne, une Eglise évangélique de courant charismatique basée à Mulhouse, avait réuni 2’500 personnes, dont certaines venues de Suisse. Le pasteur Samuel Peterschmitt, organisateur du rassemblement qui s’était avéré un foyer majeur de la propagation du coronavirus, revient sur ces événements, après sa sortie de l’hôpital où il était soigné du Covid-19.
«Si on nous avait avertis, si on nous avait informés que le virus circulait déjà à ce moment-là nous aurions annulé le rassemblement»: le pasteur évangélique Samuel Peterschmitt, 55 ans, porte encore les stigmates de la semaine de jeûne et de prière, organisée à Mulhouse du 17 au 21 février 2020.
Dans le quotidien L’Alsace du 22 août 2020, il se défend avec virulence des accusations portées contre Porte ouverte chrétienne (POC), une Eglise faisant partie du Conseil National des Evangéliques de France (CNEF): «Pourquoi nous a-t-on accusés d’être responsables ? Comme si nous avions été les inventeurs du virus et que nous l’avions répandu. Cela nous a semblé profondément injuste, dit-il. Pourquoi personne n’a dit: ‘Ils sont victimes’ ? Nous avons été des victimes parmi d’autres. Surtout des victimes des mécanismes d’alerte qui n’ont pas fonctionné».
«Quelque chose était inhabituel»
L’»ouragan» Covid a frappé son église de plein fouet. Pourtant rien ne laissait entrevoir l’issue de cette semaine spéciale. 2’500 participants avaient rejoint Mulhouse, au sud de l’Alsace, pour une semaine organisée chaque année depuis 25 ans. Des fidèles venus du Grand Est, mais aussi du sud de la France, de Corse et même de Guyane, outre-mer. Les voisins suisses avaient aussi répondu à l’invitation. La propagation du virus est alors lointaine, semblant limitée à la Chine, avec toutefois quelques signes émanant d’Italie. Mais rien de sérieux.
«Ce n’est que dans la semaine qui a suivi le rassemblement, après le 21 février, qu’on s’est rendu compte que quelque chose était inhabituel», confie le pasteur mulhousien. La faible fréquentation du culte du mardi 25 février est mise sur le compte de la grippe. Samuel Peterschmitt est lui-même fiévreux. Il est hospitalisé à l’hôpital Emile-Muller à Mulhouse. La même semaine, la prise de conscience se fait: la POC a été un foyer important du Covid-19.
Emmanuel Macron, au même moment
Les gestes fraternels durant les cultes et donc la proximité physique sont courants dans les rassemblements évangéliques. «Autant que je sache, prendre quelqu’un dans ses bras, le serrer parce qu’on est content de le voir, ce n’est pas criminel», invoque Samuel Peterschmitt. On nous a fait le reproche de ne pas observer les gestes barrières. Mais comment pouvions-nous observer des gestes barrières qui n’existaient pas à ce moment-là ?» La France, en cette fin février, est encore au stade 1 de l’épidémie.
Pour d’autres raisons, le président Emmanuel Macron lui-même est en déplacement à Mulhouse, le 18 février, dans le même quartier de Bourtzwiller où est installé la POC. Ce n’est que le 29 février que le pays passera au stade 2.
A la une des journaux
Mais l’affaire est lancée… et la POC subit les feux de la critique. «On s’est retrouvé à faire la une de tous les journaux de France et de Navarre, se souvient le responsable évangélique. Ce qui est difficile à vivre. J’ai eu des moments d’inquiétude lorsque des menaces de mort étaient faites à l’encontre de certains paroissiens, lorsqu’on a menacé de brûler le bâtiment…»
Le 1er mars, l’assemblée est clairsemée. Les cultes sont interrompus. Bientôt, l’ensemble des rassemblements religieux seront proscrits. A Bourtzwiller, l’ancien supermarché transformé en église à la fin des années 1980 n’autorisera pas le retour des fidèles avant le 12 juillet.
26 fidèles emportés par le Covid-19
Pourtant, la France a redonné accès aux lieux de culte dès le 23 mai. Prudence donc à la POC, même si la reprise des services religieux est autorisée. Et le jour de la reprise, 26 visages emportés par le Covid manquent dans les rangs des paroissiens.
Le pasteur Samuel Peterschmitt se souvient, dans L’Alsace, de son séjour hospitalier. L’établissement public de Mulhouse qui l’a accueilli a été au centre de l’attention sanitaire, ce printemps: un hôpital militaire de campagne y fut même adjoint pour faire face au nombre important de malades.
Secours auprès de Dieu
«A mesure que les jours avançaient, confie-t-il, j’ai vu les soignants entrer dans ma chambre avec un simple masque, puis avec une surblouse, puis avec, pour certains, des lunettes. Au travers de l’évolution des équipements de protection, on se rendait compte d’une appréhension croissante face à cette maladie»
Sa foi pourtant n’a pas chaviré: «Non seulement elle n’a pas été entamée, mais elle a été fortifiée. Ces épreuves font partie de celles dans lesquelles vous cherchez votre secours auprès de Dieu. Et j’ai trouvé beaucoup de réconfort dans la prière». Quand on demande au pasteur si cette épreuve constitue pour lui un échec, il répond: «L’Eglise, comme toutes les Eglises, comme tous les citoyens au monde, connaît des maladies, des décès, à travers le temps. Notre foi ne repose pas sur la guérison. Elle repose sur Dieu» (cath.ch/bl)