De nombreux élèves des écoles coraniques du Nigeria doivent mendier pour survivre | photo d'illustration © Babak Fakhamzadeh/Flickr/CC BY-NC 2.0
International

Nigeria: le gouverneur de Kano veut fermer les écoles coraniques

Au Nigeria, la plus grande partie des Etats ont temporairement fermé les écoles coraniques, dans le sillage de la pandémie de Covid-19. Nasir Ahmad El-Rufai, gouverneur de l’Etat de Kano, au nord du pays, a annoncé son intention de fermer définitivement ces institutions, souvent accusées de maltraiter et de négliger les élèves.

Les gouverneurs de 19 Etats du Nigeria ont annoncé en mai 2019 la fermeture des centres d’éducation islamiques, rapporte le 16 juillet 2020 le site d’information sud-africain News24. Ces structures informelles traditionnelles, qui existent en grand nombre sont considérées comme des lieux à risque pour la transmission du virus. Les écoles coraniques possèdent en effet des dortoirs où les étudiants sont concentrés dans un petit espace, avec des conditions d’hygiène souvent précaires.

Abus sexuels, maltraitance et précarité

Les madrassas, comme elles sont appelées, sont de plus en plus décriées dans l’opinion publique. De nombreux scandales ont éclaboussé ces institutions ces derniers temps, dénonçant notamment des abus sexuels de la part des enseignants sur les élèves, des cas d’exploitations et les conditions de vie déplorables des étudiants. Car si les écoles coraniques fournissent gratuitement une éducation religieuse, elles ne subviennent pas aux besoins des enfants. Ceux-ci sont ainsi réduits à mendier dans les rues.

Dans ce contexte, Nasir Ahmad El-Rufai, gouverneur de l’Etat de Kano, à large majorité musulmane, a annoncé que «nous interdisons ce système [des madrassas,ndlr.]. Nous voulons que chaque enfant soit avec ses parents». Pour le responsable civil, le but ultime est de remplacer les écoles coraniques par une structure hybride d’éducation moderne et islamique, régulée par les autorités. «La pandémie de Covid-19, a fourni une fenêtre d’opportunité pour faire en sorte que les ‘almajiris’ [les élèves des madrassas] soient réunis dans un lieu fixe, qu’ils puissent être légalement enregistrés, testés [pour le coronavirus, ndlr.] et renvoyés à la maison», a affirmé Nasir Ahmad El-Rufai.

Fermeture impossible?

Cette déclaration a cependant provoqué une levée de boucliers au Nigeria. L’institution des écoles coraniques est en effet vieille de plusieurs siècles et bien implantée dans la culture du pays. Des responsables musulmans ont ainsi souligné que l’on ne pouvait pas supprimer du jour au lendemain un système aussi ancré dans la tradition.

Des voix pragmatiques ont aussi soulevé le problème de l’impéritie du système éducatif au Nigeria. Une grande partie des communautés d’où proviennent les élèves coraniques ne possèdent en effet même pas de structure scolaire. Et en cas de fermeture brutale des écoles islamiques, le système scolaire ne pourrait pas gérer l’afflux des ‘almajiris’. Ceux-ci sont en effet estimés à des millions dans le pays.

Les protestations des dignitaires musulmans, ainsi que ces considérations ont freiné les velléités du gouverneur, affirme News 24. Jusqu’à maintenant, seulement 1’500 élèves ont été renvoyés à la maison, dans l’Etat de Kano. Les autorités ont également annoncé que les écoles pourraient rester ouvertes si elles fournissaient aux élèves un logement et une alimentation adéquats.

53% des 203 millions de Nigérians sont musulmans, contre 49% de chrétiens.

(cath.ch/news24/rz)

De nombreux élèves des écoles coraniques du Nigeria doivent mendier pour survivre | photo d'illustration © Babak Fakhamzadeh/Flickr/CC BY-NC 2.0
21 juillet 2020 | 16:35
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 2  min.
Education (78), Islam (393), Nigeria (235), Pauvreté (215)
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