Une nouvelle catéchèse à l'épreuve de la numérisation
«Seuls les catéchistes qui vivent leur ministère comme une vocation contribuent à l’efficacité de la catéchèse», déclare Mgr Rino Fisichella dans la préface du nouveau Directoire pour la catéchèse, communiqué par le Bureau de presse du Saint-Siège le 24 juin 2020. Néanmoins, l’Église ne peut s’éloigner de la «dynamique historique» en cours, notamment les phénomènes de la «culture numérique» ou de la «mondialisation de la culture», souligne le président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.
Le nouveau Directoire pour la catéchèse, approuvé par le pape François le 23 mars dernier, s’inscrit dans la dynamique proposée par les deux documents qui le précèdent, celui de 1971 dans le sillage de Vatican II, mis à jour en 1977 lors d’un synode consacré à la catéchèse, puis celui de 1997. Que ce nouveau document soit publié 23 ans après le Directoire mis en place sous Jean Paul II et 49 ans après celui de Paul VI témoigne de la «nécessité de faire face à la dynamique historique», a déclaré Mgr Fisichella.
Ce nouveau directoire s’inscrit dans l’exigence «d’approfondissement du kerygme [proclamation du contenu essentiel de la foi]» demandée par le pape François, affirme le prélat italien. Selon lui, ce document de 293 pages confronte cet objectif essentiel à la «dynamique historique» observée, que ce soit l’avènement ces dernières années d’une «culture numérique», ou celui très corrélé de «mondialisation de la culture».
Destiné aux «Eglises particulières»
Néanmoins, le président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation affirme que «seuls les catéchistes qui vivent leur ministère comme une vocation contribuent à l’efficacité de la catéchèse«. «L’Église, partout dans le monde, offre des modèles de catéchistes parvenus à la sainteté et même au martyre en vivant leur ministère chaque jour». Si la tâche est «parfois ardue et même ingrate», l’horizon de ce témoignage fécond demeure la sainteté, souligne-t-il.
Le texte, a confié Mgr Fisichella, a été conçu par les membres du dicastère qu’il dirige tout en étant soumis à des prêtres, évêques et catéchistes du monde entier. Il «est destiné aux Églises particulières afin de les inciter à élaborer leur propre Directoire et de les soutenir dans cette démarche».
Le cardinal italien a donné en exemple saint Turibe de Mogrojevo, saint espagnol de la fin du XVIe siècle qui a évangélisé le Pérou en traduisant notamment les enseignements catholiques en langues quechua et aymara. Le prélat a rappelé que face aux conquistadors violents et aux prêtres timorés, saint Turibe déclarait que «le Christ n’est pas une vérité conventionnelle».
Le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, sous la direction de son président Mgr Rino Fisichella a été chargé par le pape François de la rédaction de ce moment, contrairement aux deux documents précédents, rédigés par la Congrégation pour les évêques. Cela correspond au transfert de la responsabilité de la catéchèse au Conseil pontifical en 2013, la mission de ce dicastère se concentrant à son origine sur la seule réévangélisation des sociétés sécularisées. (cath.ch/imedia/cg/rz)
Ce qu’il faut retenir du nouveau Directoire pour la catéchèse (EXTRAITS)
La publication par le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation d’un nouveau Directoire pour la catéchèse le 24 juin 2020 est une forme de mise à jour des conseils pastoraux du Saint-Siège sur la transmission de la foi, 23 ans après la publication du précédent volume en 1997. Parmi les grandes questions traitées dans cette nouvelle mouture on note une attention particulière aux abus, aux défis numériques, à la société urbaine, à la mondialisation, à la théorie du genre ou encore à l’écologie.
Pour faciliter la lecture de ce long texte de 223 pages dans son format officiel italien, l’agence I.MEDIA a sélectionné les propositions les plus significatives.
Une vocation intégrale
Il s’agit de former des catéchistes pour qu’ils soient en mesure de donner non seulement un enseignement mais également une formation chrétienne intégrale, par la promotion de ›tâches d’initiation, d’éducation et d’enseignement’. Autrement dit, des catéchistes qui soient, à la fois, des maîtres, des éducateurs et des témoins. (135)
Personnes consacrées
La catéchèse représente un terrain privilégié de l’apostolat des personnes consacrées. Dans l’histoire de l’Église, celles-ci comptent, en effet, parmi les figures qui se consacrent le plus à l’animation catéchétique. L’Église appelle, de manière particulière, les personnes consacrées à l’activité catéchétique, leur contribution originale et spécifique en la matière ne pouvant être remplacée par celle de prêtres ou de laïcs. (119)
Hommes et femmes
Pour une croissance humaine et spirituelle saine, on ne peut se passer des deux présences, féminine et masculine. La communauté chrétienne sait donc valoriser à la fois la présence des femmes catéchistes, dont le nombre est d’une importance considérable pour la catéchèse, et celle des hommes catéchistes, qui jouent aujourd’hui un rôle irremplaçable notamment auprès des adolescents et des jeunes. En particulier, la présence de jeunes catéchistes, qui apportent une contribution particulière pleine d’enthousiasme, de créativité et d’espérance, est tout à fait appréciable. (129)
Catéchisme et abus
Le catéchiste, en raison de son service, joue un rôle à l’égard des personnes qu’il accompagne dans la foi et est perçu par elles comme une personne de référence, qui exerce une certaine forme d’autorité. Il devient donc nécessaire que ce rôle soit vécu dans le respect le plus absolu de la conscience et de la personne d’autrui afin d’éviter tout type d’abus, qu’il soit de pouvoir, de conscience, économique ou sexuel. (…) De plus, afin de ne pas trahir la confiance des personnes qui leur sont confiées, ils doivent faire la distinction entre le for externe et le for interne et apprendre à avoir un grand respect pour la liberté sacrée de l’autre, sans la violer ni la manipuler d’aucune façon. (142)
Le monde contemporain
L’annonce du royaume de Dieu inclut un message de libération et de promotion humaine, intimement lié au soin et à la responsabilité vis-à-vis de la création. Le salut, donné par le Seigneur et annoncé par l’Église, concerne toutes les questions de la vie sociale. Il est donc nécessaire de prendre en considération la complexité du monde contemporain et le lien intime existant entre culture, politique, économie, travail, environnement, qualité de la vie, pauvreté, troubles sociaux, guerres. (173)
La beauté de l’Évangile
La catéchèse a toujours besoin de transmettre la beauté de l’Évangile qui a résonné sur les lèvres de Jésus pour tous: pauvres, simples, pécheurs, publicains et prostituées, qui se sont sentis accueillis, compris et aidés, invités et éduqués par le Seigneur lui-même. En fait, l’annonce de l’amour miséricordieux et gratuit de Dieu qui s’est pleinement manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité, est le cœur du kérygme. (175)
Les sciences et l’horizon de la Révélation
L’inspiration de la foi, en elle-même, contribue à une valorisation adéquate de l’apport des sciences humaines. Les approches et techniques élaborées par les sciences humaines ont de la valeur dans la mesure où elles se mettent au service de la transmission et de l’éducation de la foi. La foi reconnaît l’autonomie des réalités temporelles mais aussi des sciences (cf. GS 36) et respecte leurs logiques qui, si elles sont authentiques, sont ouvertes à la vérité de l’humain ; en même temps, cependant, elle inclut de tels apports dans l’horizon de la Révélation. (181)
Pluralité des méthodes
La catéchèse ne dispose pas d’une méthode unique, mais est ouverte à la valorisation de diverses méthodes, qui se confrontent à la pédagogie et à la didactique, et se laissent guider par l’Évangile qui est nécessaire pour reconnaître la vérité de l’être humain. (195)
L’expérience humaine
L’expérience humaine est constitutive de la catéchèse, à la fois dans son identité et dans son processus, ainsi que dans ses contenus et sa méthode, car ce n’est pas seulement le lieu où l’on fait résonner la Parole de Dieu, mais aussi l’espace dans lequel Dieu parle. L’expérience des individus ou de la société tout entière doit être associée à une attitude d’amour, d’hospitalité et de respect. (197)
La mémoire
La mémoire est une dimension constitutive de l’histoire du salut. Le peuple d’Israël est constamment invité à maintenir vivante la mémoire, à ne pas oublier les bienfaits du Seigneur. Il s’agit de garder dans son cœur les événements qui attestent l’initiative de Dieu, parfois difficiles à comprendre mais perçus en tant qu’événements salvifiques. (201)
Inculturation
La catéchèse endosse de manière créative les langages des cultures des peuples, à travers lesquels la foi s’exprime de manière caractéristique, et aide les communautés ecclésiales à en trouver de nouveaux, adaptés à leurs interlocuteurs. La catéchèse est donc un lieu d’inculturation de la foi. (206)
La narration
Le langage narratif est particulièrement propice à la transmission du message de foi dans une culture de plus en plus pauvre en modèles de communication profonds et efficaces. (208)
Le langage de l’art
Les images de l’art chrétien, lorsqu’elles sont authentiques, à travers une perception sensible, nous font clairement deviner que le Seigneur est vivant, présent et actif dans l’Église et dans l’histoire. Celles-ci constituent donc un véritable langage de la foi. (209)
L’art contemporain
L’Église, qui au fil des siècles a interagi avec diverses expressions artistiques (littérature, théâtre, cinéma, etc.), est également appelée à s’ouvrir, avec un sens critique juste, à l’art contemporain « y compris ces modalités non conventionnelles de beauté, qui peuvent être peu significatives pour les évangélisateurs, mais qui sont devenues particulièrement attirantes pour les autres ». Cet art peut avoir le mérite d’ouvrir la personne au langage des sens, en l’aidant à ne pas à rester seulement spectatrice de l’œuvre d’art, mais à s’impliquer. (212)
Une «Église en sortie»
Il est vrai, cependant, que la dynamique de l’Église en sortie, qui passe par la catéchèse, a également des implications en termes d’espaces. Les tentatives de catéchèse en différents lieux sont à encourager : la maison, l’immeuble, les milieux éducatifs, culturels et récréatifs, la prison, etc. (223)
Catéchèse et migrants
Dans la mesure du possible, proposer une catéchèse qui tienne compte des modes de compréhension et de pratique de la foi typique des pays d’origine constitue un précieux soutien à la vie chrétienne des migrants, surtout pour la première génération. (275)
Catéchèse et société urbaine
L’Église est appelée à se mettre avec humilité et audace sur les traces de la présence de Dieu et à «reconnaître la ville à partir d’un regard contemplatif, c’est-à-dire un regard de foi qui découvre ce Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues, sur ses places», en devenant, face aux ambivalences et contradictions de la vie sociale, «cette présence prophétique qui sache élever la voix quand il s’agit des valeurs et des principes du Royaume de Dieu». (326)
Catéchèse et société rurale
Malgré l’importance du processus d’urbanisation en cours, nous ne pouvons pas oublier les nombreux contextes ruraux dans lesquels vivent diverses populations et où l’Église est présente, en y partageant leurs joies et leurs souffrances. À notre époque, cette proximité doit être réitérée et renouvelée pour aider les communautés du monde rural à s’orienter face à des changements qui risquent de balayer leur identité et leurs valeurs. (329)
Catéchèse et population autochtone
Être catéchiste pour les peuples autochtones nécessite de se défaire humblement de toutes attitudes d’orgueil et de mépris envers ceux qui appartiennent à une culture différente. Il faut éviter de se fermer et de condamner d’emblée, ainsi que de porter des jugements simplistes ou élogieux. (334)
Catéchèse et technologie
La technologie a pour finalité de servir la personne. C’est pourquoi, du progrès il faut valoriser la dimension humaine intrinsèque, celle de l’amélioration des conditions de vie, du service au développement des peuples, de la gloire à Dieu que la technologie honore quand elle est sagement utilisée. Dans le même temps, l’Église accepte les défis anthropologiques dérivant du progrès des sciences et en fait un motif de profond discernement. (356)
Catéchèse à l’ère numérique
La catéchèse à l’ère numérique sera personnalisée mais ne sera jamais un processus individuel : du monde individualiste et isolé des réseaux sociaux, il faudra transiter par la communauté ecclésiale, lieu où l’expérience de Dieu se fait communion et partage du vécu. La puissance de la liturgie dans la communication de la foi et l’introduction dans l’expérience de Dieu ne doit pas être sous-évaluée. Elle consiste en une pluralité de codes de communication qui jouent sur l’interaction des sens (synesthésie) ainsi que sur la communication verbale. Il est donc nécessaire de redécouvrir la capacité qu’ont la liturgie, mais aussi l’art sacré, d’exprimer les mystères de la foi. Le défi de l’évangélisation passe par celui de l’inculturation sur le continent numérique. Il est important d’aider à ne pas confondre les moyens avec la fin, à discerner comment surfer sur les réseaux, afin de croître en tant que sujets et non comme objets et d’aller au-delà de la technique pour retrouver une humanité renouvelée dans la relation avec le Christ. (372)
Catéchèse et genre
Une orientation largement répandue de ce qui est présenté aujourd’hui sous la dénomination de genre remet en cause les données révélées: «il les créa homme et femme» (Gn 1, 27). L’identité de genre, selon cette position, n’est plus une donnée d’origine que l’homme doit accueillir et remplir de sens, mais une construction sociale qui se décide de manière autonome, totalement détachée du sexe biologique. L’homme nie sa nature et décide qu’il se la crée lui-même. Au contraire, selon le récit biblique de la Création, l’homme a été créé par Dieu en tant qu’homme et en tant que femme. L’Église est bien consciente de la complexité des situations vécues parfois à titre personnel, et de manière conflictuelle. Elle ne juge pas les personnes, mais invite à les accompagner toujours et en toute situation. Cependant, elle est consciente que, dans une perspective de foi, la sexualité n’est pas seulement une donnée physique, mais est aussi une réalité personnelle, une valeur confiée à la responsabilité de la personne. De cette façon, l’identité sexuelle et le vécu existentiel devront être une réponse à l’appel originel de Dieu. (377)
Conversion écologique
Face à l’accélération et à la complexité du problème écologique, les pontifes n’ont cessé d’inviter une profonde conversion écologique, capable de toucher l’essence de l’être humain, là où, en dernière analyse, se nichent la racine du problème et sa solution. (381) CG