Paul VI par le petit bout de la lorgnette
Le 29 mai l’Eglise célèbre la fête de saint Paul VI. Pape de 1963 à 1978, Jean Baptiste Montini a eu la tâche de conclure et d’appliquer le Concile Vatican II (1962-1965). Son pontificat a connu diverses anecdotes qui illustrent à la fois sa personnalité et son action.
Un pape au sommeil léger
A peine élu, Paul VI est sommé de poursuivre le Concile Vatican II entamé par son prédécesseur Jean XXIII. L’intensité des premiers jours de son pontificat ne lui donne que peu de temps pour se reposer. Paul VI travaille dans ses appartements pontificaux jusqu’à fort tard dans la nuit. Mais il a le sommeil léger, et a beaucoup de mal à s’endormir du fait du clapotis incessant des deux grandes fontaines de la place Saint-Pierre. Il va donc demander à ce que l’eau soit coupée tous les soirs.
Un secrétaire communiste
Juste après la guerre, alors que Montini est le bras droit du pape Pie XII, son secrétaire, un jésuite du nom de Alighieri Tondi, décide de quitter publiquement ses fonctions et se déclare communiste et athée! Il reproche à l’Eglise de soutenir les régimes maintenant dans la pauvreté les miséreux en leur inculquant des superstitions. Et il menace le Vatican de dévoiler des secrets compromettants ! Le futur Paul VI, encaisse, voyant son ancien collaborateur devenir un soutien infaillible du communisme et du rationalisme, et même épouser une jeune militante qui se fait élire… à Rome! Des rumeurs infondées affirment que Tondi aurait été un espion de Moscou. Cependant plusieurs années après, à la mort de sa compagne, Tondi revient sur ses excès et fait amende honorable. Se rapprochant de l’Église, il est même autorisé à reprendre la prêtrise. Mais il fera profil bas jusqu’à sa mort, emportant dans sa tombe nombre de secrets.
Il critique La Dolce Vita (sans l’avoir vue)
En 1960 sort La Dolce Vita, chef-d’œuvre de Federico Fellini, qui reçoit en Italie un accueil mitigé, provoquant notamment une désapprobation assez unanime de la part du clergé choqué par certaines scènes assez crues du film. Cependant, à Gênes, une revue jésuite fait paraître une critique extrêmement positive, allant jusqu’à défendre ce film comme moralement chrétien. Mgr Montini, en poste à Milan, envoie une lettre inquiète au cardinal Giuseppe Siri, l’archevêque de Gênes, pour lui demander de corriger les auteurs de la critique. Elle lui a provoqué « une impression déconcertante d’étonnement et de douleur ». Le cardinal génois, , lui répond par courrier que le film est remarquable et exprime très bien la situation sociale contemporaine. Problème: Mgr Montini n’a pas vu La Dolce Vita. Il est en outre savoureux de constater que le cardinal Siri, conservateur affiché et souvent opposé à Paul VI pendant le Concile, défendait les œuvres contemporaines contre un Montini prompt à envoyer à l’Index une des plus belles réussites du cinéma national.
Tentative d’assassinat
Le 27 novembre 1970, le pape Paul VI arrive à l’aéroport international de Manille pour la première visite d’un pape dans l’archipel asiatique. Un jeune artiste bolivien proche des milieux surréalistes, Benjamin Mendoza y Amor Flores, se déguise alors en prêtre et parvient à se rapprocher du chef de l’Eglise catholique. Un crucifix à la main, il traverse sans difficultés les barrages de sécurité et frappe de deux coups de poignards le pontife, de part et d’autre de la veine jugulaire. Le coup est en grande partie atténué par le secrétaire particulier de Paul VI, Mgr Pasquale Macchi, qui attrape le bras de l’assassin. Mais la chance du pape viendra surtout la minerve qu’il portait alors, pour le soulager d’une douloureuse arthrose cervicale et qui rend les blessures superficielles. L’événement passe inaperçu, le pontife poursuivant son programme comme si rien ne s’était passé. L’histoire ne sera révélée qu’en 1979, après la mort du pape. L’artiste ira néanmoins en prison pendant 38 mois et sera expulsé en Bolivie. Il affirme avoir commis cet acte pour attirer l’attention et avoir agi dans un moment de folie.
Comme le pape François, Paul VI aimait beaucoup Manzoni
Jean Baptiste Montini a une passion pour l’écrivain italien Alessandro Manzoni. Dès sa prime jeunesse, rejoint très tôt une association d’étudiants catholiques qui porte le nom de l’écrivain, dont il deviendra même le président pendant la première guerre mondiale. A l’époque il crée une ‘bibliothèque du soldat’ qui permet d’envoyer de ‘bons livres’ aux hommes engagés sur le front autrichien. Il honorera l’écrivain à l’occasion du centenaire de sa mort en publiant un message en tant qu’archevêque de Milan. Il décrit Manzoni comm un « homme distingué, qui a donné à la foi catholique un témoignage si élevé, avec la conviction vécue du croyant et avec le magistère littéraire suprême de l’incomparable artiste.
Le pape François partage avec Paul VI cet attachement pour l’écrivain. Il raconte volontiers qu’il a pour livre de chevet Les Fiancés de Manzoni. Il le cite régulièrement et n’a pas manqué de faire le parallèle entre la peste qui frappe Milan dans le roman et le coronavirus.
Des liens étroits avec la politique
Pendant l’après-guerre, le Saint-Siège est un soutien de poids les démocrates chrétiens, perçus comme la seule barrière viable contre la montée en puissance du communisme dans le pays. Un lien que le pape Paul VI connaît bien puisque son propre frère Ludovico a été sénateur de la Démocratie chrétienne, et un proche d’Alcide de Gasperri. Mais l’élection de son frère sur le trône de Pierre va avoir une conséquence fâcheuse pour sa carrière. Se rendant compte qu’il serait anormal de profiter du nom désormais célèbre de son cadet, il choisit de ne plus se représenter lors des élections de 1968.
Paul VI est aussi un ami personnel d’Aldo Moro, le leader de la démocratie chrétienne. Son enlèvement puis son assassinat par les Brigades rouges en 1978 marquera fortement le pontife qui tiendra à célébrer en personne ses funérailles. Il mourra trois mois plus tard. (cath.ch/imedia/cd/mp)