Décès à Tokyo du Père Adolfo Nicolás, ancien général des jésuites
Le Père Adolfo Nicolás, ancien préposé général des jésuites, est décédé le 20 mai 2020 à Tokyo, au Japon. Le jésuite espagnol, âgé de 84 ans, avait choisi de finir sa vie missionnaire là où elle avait commencé, il y a plus de 50 ans.
Adolfo Nicolás Pachón, né le 29 avril 1936 à Villamuriel de Cerrato, dans la communauté autonome de Castille-et-León, a été élu le 19 janvier 2008 en tant que 30ᵉ supérieur général de la Compagnie de Jésus, lors de la 35ème Congrégation générale. Il succédait à ce poste au Père jésuite néerlandais Peter-Hans Kolvenbach.
En 2016, âgé de 80 ans, il a présenté sa démission, acceptée par le pape François. La 36ème congrégation générale a élu pour lui succéder le jésuite vénézuélien Arturo Sosa Abascal.
Le «pape noir» a démissionné à l’âge de 80 ans
Le pape François, un autre jésuite, l’avait retrouvé lors de son voyage au Japon, en novembre dernier. L’ancien «pape noir» s’est éteint dans cette même ville de Tokyo où il avait reçu l’onction sacerdotale en 1967, et six mois après avoir reçu la visite du pape François dans sa communauté.
Tout comme son prédécesseur le Père Kolvenbach, le Père Adolfo Nicolás avait fait le choix de quitter sa charge à 80 ans, bien qu’il ait été élu théoriquement à vie. Lors de la congrégation générale de 2016, il avait transmis le généralat à son confrère vénézuélien, le Père Arturo Sosa, avant de retourner en Asie, dans les deux pays où il avait vécu l’essentiel de sa vie missionnaire: les Philippines et le Japon.
Une double culture européenne et asiatique
Après des études secondaires au Collège jésuite de Madrid, Adolfo Nicolás entre au noviciat le 15 septembre 1953. Il vit la première partie de sa formation jésuite en Espagne, avant d’être envoyé au Japon. C’est à Tokyo qu’il fait ses études de théologie. Il y est ordonné prêtre, le 17 mars 1967. De 1968 à 1971, il prépare une thèse de doctorat à l’Université Grégorienne, à Rome, sur la théologie du progrès humain.
Rentré au Japon, Adolfo Nicolás enseigne la théologie à l’Université Sophia, fondée par les jésuites en 1913 à Tokyo. Pendant six années (de 1978 à 1984), il est nommé directeur de l’Institut pastoral de Manille, aux Philippines. A partir de 1993 et pour six années, il est supérieur provincial des jésuites du Japon.
Défenseur de la justice sociale
Très sensibilisé aux questions de justice sociale, il travaille dans une paroisse auprès des émigrants philippins pauvres de Tokyo, tout en continuant son enseignement théologique à l’Université Sophia.
En 2004, il devient président de la conférence des provinciaux jésuites d’Asie-Pacifique. C’est à ce titre qu’il participe à la 35ème congrégation générale. Il y est élu supérieur général, comme le Père Pedro Arrupe 43 plus tôt – lui aussi missionnaire espagnol au Japon. Homme d’une double culture, il incarne «l’universalisme» croissant de la Compagnie de Jésus, de plus en plus mondiale, et de moins en moins européenne, peut-on lire sur le site de la Province d’Europe Occidentale Francophone (France, Belgique, Luxembourg, Grèce et Océan Indien).
Pendant ces huit années à la tête de la Compagnie de Jésus, il rappelle constamment la perspective universelle de la mission des jésuites, appelant à dépasser les limites étroites des régions, des nations, des provinces.
«Regarder le monde avec les yeux de Dieu»
Parallèlement il a invité les jésuites à la profondeur tant spirituelle qu’intellectuelle, pour éviter tout risque de médiocrité ou de superficialité.
«Il exhorte à utiliser l’intelligence, l’étude et le cœur pour regarder le monde avec les yeux de Dieu, pour partager les joies, les angoisses et les questions des hommes et femmes de notre temps. Plein d’humour et également pragmatique, il a parfois secoué certains compagnons désireux de trop bien faire, en affirmant que les épuisements sont souvent indicateurs d’un manque de discernement et de capacité à faire des choix», commente le site de la Province d’Europe Occidentale Francophone.
En harmonie avec la spiritualité du pape François
En 2013, il assiste à la première élection d’un pape jésuite, né la même année que lui. François et le général des Jésuites partagent la même vision d’une «Eglise ‘en sortie’, appelée à proclamer Jésus et à servir sur les frontières et aux périphéries; pour se sentir en chemin avec le peuple de Dieu, en solidarité avec les pauvres et avec tous ceux qui souffrent; pour chercher et reconnaître Dieu présent et actif en toutes choses aux confins du monde et dans la profondeur de l’histoire».
La santé fragile du Père Adolfo Nicolás le pousse néanmoins à discerner la perspective d’un retrait volontaire. Dès le 20 mai 2014, il laisse entendre qu’il s’apprête à convoquer une congrégation générale, au cours de laquelle il présentera sa démission. Celle-ci sera acceptée le 3 octobre 2016 par les membres de la 36ème congrégation générale.
Retourné en Asie, d’abord aux Philippines, puis au Japon, il s’est donc éteint dans cette même ville de Tokyo où il avait reçu l’onction sacerdotale en 1967, et six mois après avoir reçu la visite du Pape François dans sa communauté.
L’hommage de l’actuel préposé général
Dans un message de condoléances, son successeur, le Père Arturo Sosa Abascal, informe ses confrères de la disparition de son prédécesseur «avec le cœur plein de douleur, mais aussi de gratitude».
«Nous n’oublierons jamais deux paroles que le Père Nicolás répétait constamment et qui ont été pour nous des sources d’inspiration dans le renouveau de la Compagnie: ‘universalité’ et ‘profondeur’», explique-t-il.
«Servir le Seigneur seul et l’Eglise son épouse»
Il rappelle son étroite collaboration avec les papes Benoît puis François, son ancien confrère jésuite, de la même génération et avec lequel il avait développé «des liens chaleureux». «La Compagnie de jésus a été fondée pour servir le Seigneur seul et l’Eglise son épouse sous le pontife romain, précise le Père Sosa, en expliquant que son prédécesseur «a aidé la Compagnie à vivre de façon concrète cette dimension si caractéristique de notre charisme».
«C’était une relation de disponibilité avec le Saint-Père qui était aussi empreinte d’une affection sincère», rapporte le site Vatican News. Une messe commémorative sera prochainement célébrée à Rome en l’église du Gesù, à une date qui reste à déterminer en fonction de l’évolution des règles de distanciation sociale. (cath.ch/jesuites/vaticannews/be)