Déficit du Saint-Siège: le Père Alves exclut une mauvaise gestion
Le déficit du Saint-Siège, soit entre 50 et 70 millions d’euros, n’est pas le résultat d’une «mauvaise administration», assure le Père Juan Antonio Guerrero Alves, préfet du Secrétariat pour l’économie du Saint-Siège le 13 mai 2020 à Vatican News. Il estime encore à -45% des recettes annuelles la perte essuyée par le petit Etat liée au Covid-19.
Entre 2016 et 2020, l’écart entre les dépenses et les recettes du Vatican a été constant, assure d’emblée le préfet du Secrétariat pour l’économie: on compte chaque année 270 millions d’euros de recettes pour environ 320 millions d’euros de dépenses, détaille-t-il au portail officiel du Vatican. Sur la base de ces chiffres, le déficit du Saint-Siège se situerait donc entre 50 et 70 millions d’euros, admet-il.
Si l’on peut penser que ce trou est le résultat d’une mauvaise administration, ce n’est pas le cas, se défend le prêtre espagnol. Derrière ces chiffres, se cachent les dépenses dues à la mission du Saint-Siège, déclare-t-il.
Selon lui, ce déséquilibre financier serait donc intrinsèquement lié au fait qu’une partie des recettes du Vatican est consacrée à l’évangélisation et au soutien des plus pauvres. «Nous ne sommes pas une entreprise, rappelle encore le préfet, notre objectif n’est pas de faire du profit».
Ainsi, il est faux de penser que le Denier de Saint-Pierre, dont le dernier résultat avait été dévoilé en 2013, remplisse ce trou, avance le jésuite: le Denier finance exclusivement la mission du pape qui comprend ses actes de charité. Or celui-ci ne dispose pas selon lui de revenus suffisants.
Le détail des dépenses du Vatican
Le Père Guerrero détaille les revenus du Vatican provenant essentiellement de contributions et de dons, de rendements de propriétés et, dans une moindre mesure, des activités des entités du Saint-Siège parmi lesquelles figurent les Musées du Vatican. Cette dernière ressource n’est cependant pas la seule. Les dépenses sont ensuite réparties ainsi, liste-t-il: 45% sont distribués au personnel, 45% servent à financer des frais généraux et administratifs et enfin 7,5% sont alloués à des dons.
Le nouveau préfet détaille encore la façon dont est employé le budget du Vatican: avec 500 personnes, la communication du Saint-Siège en 36 langues absorbe 15% du budget. Ensuite, 10% sont alloués aux nonciatures et 10% aux Eglises orientales tandis que 8,5% reviennent à la mission de l’Eglise à travers la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.
La Congrégation pour la doctrine de la foi concentre encore une bonne partie des coûts comme la Congrégation pour la cause des saints et la préservation de la Bibliothèque vaticane (10%). L’économiste estime encore que les impôts italiens représentent environ 6% du budget, soit 17 millions d’euros par an.
Le Vatican ne risque pas la faillite
Dans un deuxième temps, le préfet évoque les conséquences que le Covid-19 pourrait avoir sur les finances vaticanes: si les plus optimistes parlent de 25% de recettes en moins, les plus pessimistes se situent autour de -45%. Cette fourchette s’explique selon lui par le fait que le Vatican ne peut se prononcer encore ni sur le montant du Denier de Saint-Pierre, reporté en octobre, ni sur la contribution des diocèses, ni sur la diminution des recettes globales. Si les recettes du Vatican ne sont pas «extraordinaires», prévient-il, «il est clair qu’il y aura une augmentation du déficit».
Pour autant, le prêtre se veut rassurant: le Vatican ne risque pas la faillite, comme certains l’ont annoncé. Si l’Eglise vit des années difficiles, il assure qu’aucune coupure n’affectera certains secteurs: les employés du Vatican, l’aide aux personnes en difficulté, et les Eglises dans le besoin.
«Nous ne vivons pas pour sauver des budgets» et «faisons confiance à la générosité des fidèles», poursuit-il. De nombreux catholiques dans le monde sont prêts à faire des dons pour aider le pape, «c’est à eux que nous devons rendre des comptes».
Si le Vatican vit la même crise que bon nombre de pays, le jésuite espagnol souligne que par rapport aux autres Etats en crise, le Saint-Siège n’a pas de «levier de politique monétaire» et ne peut compter, pour faire face à la crise, que sur la générosité des fidèles, sa «petite fortune», et la réduction des dépenses. Il affirme encore que, contrairement à ce qui est véhiculé, «il n’y a pas de gros salaires» au Vatican.
Le Vatican prêt à publier un bilan?
Pour enrayer la crise, les entités du Vatican travaillent donc de concert pour restreindre le budget: «Nous avons demandé à chaque organisme de faire tout leur possible pour réduire les dépenses tout en préservant l’essentiel de leur mission respective», explique-t-il.
Etant donné la nature structurelle du déficit, le Vatican doit encore s’attacher à centraliser les investissements financiers, à améliorer la gestion du personnel comme celle des achats. Un code des marchés publics est sur le point d’être approuvé, «ce qui permettra certainement de réaliser des économies», espère-t-il. Enfin, l’Espagnol assure encore qu’un groupe de travail s’occupe de centraliser les investissements. Celui-ci veille à éviter les financements non-éthiques et à en promouvoir de plus pérennes.
Pour le prêtre, le petit Etat compte bien partager «la vérité sur la situation économique» à l’avenir, car il est conscient que la confiance des fidèles se gagne par la rigueur, la clarté et la sobriété. Faire face aux erreurs antérieures sera en outre nécessaire, admet-il en reconnaissant que certains dans le passé «ne méritaient pas la confiance».
La transparence rendra selon lui les erreurs plus difficiles à commettre. A ce titre, le préfet aimerait que les comptes du Vatican soient publiés dès cette année, «afin de bien expliquer comment nous dépensons l’argent». (cath.ch/imedia/cg/bh)