Ivo Fürer, les 90 ans d’un évêque réformateur et avant-gardiste
L’évêque émérite de Saint-Gall, Ivo Fürer, fête son 90e anniversaire le 20 avril 2020. Au cours de sa longue carrière, il n’a jamais cessé de penser courageusement l’avenir de l’Eglise. Son engagement a fortement contribué à la mise en œuvre du Concile Vatican II au niveau diocésain et national.
Kath.ch/Franz Xaver Bischof*/adaptation et traduction: Davide Pesenti
Le saint-gallois Ivo Fürer est l’une des personnalités les plus importantes de l’Eglise catholique en Suisse durant l’époque post-conciliaire.
Lorsque, le 28 mars 1995, le chapitre de la cathédrale l’a élu évêque de Saint-Gall, il était déjà une personnalité très connue en Europe. La participation d’une quarantaine de cardinaux et d’évêques à son ordination épiscopale en a été le signe visible.
La plupart d’entre eux, comme le cardinal de Milan Carlo Maria Martini, qui avait prêché l’homélie, ou l’évêque Karl Lehmann de Mayence, un des co-consécrateurs, ont été ses compagnons de route pendant de nombreuses années.
Mais au-delà de ses connaissances internationales, le parcours de Fürer demeure révélateur de son important engagement pastoral: réformateur conciliaire, constructeur de réseaux en Eglise et pionnier de la réflexion théologique.
Ancré dans le Vatican II
Né le 20 avril 1930 à Gossau (SG), Ivo Fürer a étudié la théologie à Innsbruck, en Autriche, où il a été impressionné par Karl Rahner. En 1954, il a été ordonné prêtre du diocèse de Saint-Gall et en 1957, il a obtenu son doctorat en droit canonique à l’Université pontificale grégorienne de Rome. Deux ans plus tard, le pape Jean XXIII annonça le Concile Vatican II (1962-1965). Ce qui allait devenir l’événement le plus important de l’Eglise catholique au XXe siècle, a déterminé toute l’activité ecclésiale de l’évêque saint-gallois.
Une tâche qui était taillée pour lui, grâce à sa conviction que l’Eglise ne doit pas fermer son esprit face aux changements.
Le jeune Ivo Fürer a pris une part active au déroulement du Concile comme conseiller de l’évêque de Saint-Gall de l’époque, Joseph Hasler. Comme vicaire épiscopal, dès 1967 il a été chargé de la mise en œuvre des décisions conciliaires dans la vie pastorale locale. Une tâche qui, selon plusieurs observateurs, était taillée pour lui, grâce à sa profonde conviction que l’Eglise ne doit pas fermer son esprit face aux changements de l’époque contemporaine et qu’elle a besoin d’une réforme constante.
Constructeur de l’Eglise d’aujourd’hui
«Servir le peuple de Dieu» était la devise épiscopale de Mgr Fürer. Elle résume l’attitude qui, dans son activité pastorale, l’a porté à utiliser avec détermination les possibilités offertes par le Concile pour annoncer l’Evangile de façon crédible et pour préparer l’Eglise à l’avenir, face aux défis d’une modernité où l’être chrétien ne va plus de soi.
Durant la première période post conciliaire, cette devise a signifié concrètement la réorientation de tous les domaines de la pastorale, y compris la Conférence des Ordinaires de Suisse alémanique (Deutschschweizerischen Ordinarienkonferenz) qu’il a cofondée.
Il s’est aussi fortement engagé en faveur de l’œcuménisme dans son diocèse ainsi que dans toute la Suisse. Mais Ivo Fürer a surtout été le «visage» et le moteur du Synode de 1972 (1972-1975), dans la préparation duquel il a joué un rôle décisif, ainsi que dans sa mise en œuvre et pour lequel il a su susciter beaucoup d’enthousiasme.
Collégialité européenne
De 1977 à 1995, Ivo Fürer a été secrétaire général du «Conseil des conférences épiscopales d’Europe» (CCEE). Sur la base de l’expérience positive faite à l’époque conciliaire, cette institution internationale a été instaurée en 1971, en tant que forum de «collégialité organisée», selon la célèbre expression de Paul M. Zulehner. Le fait que le CCEE ait pu garder son siège à Saint-Gall, malgré les réserves exprimées par le Saint-Siège, est en grande partie à mettre au crédit d’Ivo Fürer.
Dans sa tâche de secrétaire général du CCEE, le saint-gallois a organisé de nombreuses rencontres des évêques d’Europe. Celle-ci ont servi notamment au renouveau interne de l’Eglise sur le Vieux continent et à la coopération entre les évêques dans la politique européenne. Mais ces réunions visaient aussi à garder un contact régulier avec les évêques du bloc communiste ainsi que à la construction d’un œcuménisme au niveau européen.
Particulièrement important fut le premier «Rassemblement œcuménique européen», qui eût lieu à Bâle en 1989, et qui a continué à avoir une forte influence dans les conférences successives, jusqu’à nos jours.
Il a préconisé l’ordination des «viri probati», car l’Eucharistie est le centre de toute une communauté ecclésiale.
En tant que secrétaire général, Ivo Fürer a donc été un maître d’œuvre des structures ecclésiastiques continentales. En particulier, il a soutenu le principe de subsidiarité, selon lequel il ne reste à l’autorité supérieure que ce qui ne peut être géré par une autorité inférieure. Un principe sur lequel repose, aujourd’hui davantage, toute forme de synodalité dans l’Eglise catholique.
Un pasteur audacieux
Malgré cet engagement au niveau international, Mgr Fürer s’est toujours fortement engagé pour son diocèse. En tant qu’évêque de Saint-Gall (1995-2005), il a ordonné des «théologiens laïcs» comme diacres permanents pour la première fois en 1995, et il a introduit l’âge de confirmation à 18 ans dans tout le diocèse.
En raison du manque de prêtres, il a aussi créé les premières Unités pastorales: une décision qui a rendu possible le travail en équipe dans les paroisses saint-galloises. A plusieurs reprises, il a aussi préconisé l’ordination des «viri probati», en soulignant que l’Eucharistie est le centre de toute une communauté ecclésiale.
Ivo Fürer est une personnalisé ecclésiale qui n’a jamais cessé de penser courageusement à l’avenir de l’Eglise, malgré les résistances internes à son diocèse. Il a souvent été considéré comme une personnalité ouverte sur le monde, avec un regard qui dépasse les frontières de l’Eglise catholique. Un pasteur audacieux, dont les convictions sont aujourd’hui plus que jamais actuelles. (cath.ch/kath.ch/fxb/dp)
*Le saint-gallois Franz Xaver Bischof est Professeur d’histoire de l’Église à la Faculté de théologie catholique de l’Université de Munich.