Confinement: l’engouement pour les messes vidéos
La crise sanitaire a engendré un fort élan pour les messes vidéos produites dans les paroisses et diffusées sur internet ou les réseaux sociaux. En ce printemps 2020, une floraison de réalisations, avec des moyens divers et des publics conquis. Enquête sur ces nouvelles communications ecclésiales.
Bernard Litzler et Raphaël Zbinden, cath.ch
«L’équipe pastorale réfléchit sur la possibilité d’offrir à notre communauté des messes en ligne. Si au sein de la paroisse, quelqu’un dispose d’une webcam qu’il pourrait prêter, merci d’avance». Un avis sur la feuille de la paroisse Saint-Paul à Genève. Filmer et diffuser «sa» messe? La tendance se généralise en Suisse romande. Mais une messe sur YouTube et les réseaux sociaux relève de l’expérience autant que du système D.
«Pour la technique, il n’y a pas de hasard. Nous avions déjà organisé des soirées de louange passées sur YouTube», confie l’abbé Pierre-Yves Pralong, curé de Plan-Conthey (VS) et Saint-Séverin. Pour retransmettre sa messe quotidienne, le prêtre valaisan dispose de deux IPhone et de deux IPad. Il célèbre dans son appartement et s’accompagne à la guitare, passant d’une caméra à l’autre sur son routeur qu’il manie avec dextérité.
Micro qui siffle
Le diacre Jacques Sanou de Versoix (GE) confirme les difficultés: «Avec mon curé Alain Chardonnens, nous diffusons la messe en vidéo tous les jours depuis le début du confinement. Nous utilisons un téléphone portable, sur un trépied. Mais le micro de l’église sifflait. Alors on a commandé un micro wi-fi posé sur l’autel. Ça marche bien et on a même conseillé l’évêché qui avait les mêmes problèmes…».
A Fribourg, Laure-Christine Grandjean, chargée de communication du diocèse, était alitée à cause du Covid: «J’ai dû guider les évêques par téléphone, pour mettre sur pied la messe, tournée depuis la chapelle de l’évêché avec un IPhone», confie-t-elle. Une fois le problème de son résolu, «il y avait aussi un souci d’acoustique, parce que ça résonnait. On a placé des tapis sur le sol de la chapelle et ça s’est amélioré». Depuis, Mgr Morerod et Mgr de Raemy président alternativement l’eucharistie quotidienne.
Chef d’orchestre
Messes de semaine, messes dominicales ou célébrations du Triduum pascal, les expériences se multiplient. Le Jura pastoral a pris appui sur son Service de communication (SCJP). Mais pas question de rivaliser avec la RTS, France 2 ou KTO: «Il s’agissait de proposer trois célébrations particulières, pour le Triduum pascal, animées par nos agents pastoraux, indique le vicaire épiscopal Jean-Jacques Theurillat. Le tout avec des moyens modestes et en respectant les recommandations sanitaires».
Responsable du SCJP, le diacre Jean-Claude Boillat, également réalisateur, a installé sa régie mobile à la chapelle du Centre St-François de Delémont en gérant le son, quatre caméras et l’insertion d’interventions préenregistrées des agents pastoraux pour les lectures, psaumes et chants. Il a vécu, tel un chef d’orchestre, un exercice «complexe». «D’autant que j’étais seul au pupitre face au célébrant, avec trois caméras fixes et une mobile… J’espérais que la technologie ne me lâche pas!». La RTS en a même fait un sujet du Téléjournal…
La prière perpétuelle
Sans réalisateur, on se débrouille. L’abbé Jean Burin des Roziers, vicaire de l’UP de la Venoge à Morges, diffuse la messe quotidienne depuis la cure de Rolle, la semaine, ou depuis l’église de Morges, le dimanche. Le prêtre cadre lui-même la caméra Sony posée sur un trépied. «Mais nous avons eu un problème pour la diffusion, confie le vicaire. Le truc, c’est qu’il a fallu mettre une clé USB directement sur la caméra pour la connecter au réseau…»
A l’Abbaye de Saint-Maurice, le prieur Roland Jaquenoud a été confronté directement au Covid-19: «Il y a trois semaines, nous avons encore pu célébrer en assemblée réduite, puis nos chanoines ont été confinés dans leurs chambres. Or notre abbaye a été fondée pour maintenir la prière perpétuelle. La messe en direct, nous tenions à la vivre avec les confrères et avec ceux qui nous rejoignent par le Web». La jeune équipe du noviciat s’est orienté vers des jeunes de la région qui ont loué deux caméras. Au début de la messe, l’internaute est conduit, par l’image, de l’extérieur de la basilique, passe la porte de bronze et est introduit à la célébration.
Les paroissiens en photo
A Nyon, l’abbé Jean-Claude Dunand a eu une bonne surprise: «Une paroissienne m’a proposé de filmer la messe avec sa fille. Il y a un appareil photo qui filme, sur un trépied, et un bon micro». La fille joue le rôle d’opératrice et oriente l’appareil de l’autel à l’ambon et de l’orgue vers la nef, vide…
Vide, mais dont les bancs sont tapissés de photos des paroissiens. «J’ai repris l’idée d’un prêtre italien, indique le curé de Nyon. Et les paroissiens sont heureux de m’envoyer leurs images que j’imprime et que je colle sur les bancs. Cela donne une intensité de communion forte. Bien sûr, c’est bien de voir la messe avec l’évêque ou avec le pape. Mais, dans notre église, en ce temps de confinement, cela crée une manière forte de prier : on s’identifie avec un lieu qu’on connaît».
Joyeuses Pâques sur Frère Jacques
De son côté, l’abbé Vincent Marville, curé modérateur de l’UP Neuchâtel Ville, a produit une série de ressources web. Outre les messes filmées avec un téléphone portable et diffusées sur Facebook, il s’efforce de varier les contenus (messes, veillées de prières, lectures, et même chants) pour des publics variés, différents intervenants et lieux. Il propose, de surcroît, de petites vidéos de prières, diffusées via Whatsapp où il apporte son «regard personnel».
Point commun de ces multiples productions Web, la satisfaction de répondre à une demande. «C’est touchant, confesse l’abbé Dunand. Je reçois, depuis, un flot de messages par SMS pour me remercier». Mêmes échos de Fribourg à Saint-Maurice, de Morges à Delémont. Le Jura pastoral affiche, pour ses trois célébrations du Triduum, des milliers de clics. La réalisation soignée et les insertions de vidéos des agents pastoraux ont dopé le site jurassien. Avec en prime pour le dimanche de Pâques, de petits films de familles entonnant un «Joyeuses Pâques, levez-vous!» sur l’air de Frère Jacques.
Faire Eglise
Pour Pierre-Yves Pralong, le nombre de clics n’est pas le plus important: «200 ou 300 vues en direct, cela peut représenter du monde, car il peut y avoir deux ou trois personnes de l’autre côté de l’écran. Ce qui est important, c’est de savoir qu’on prie les uns pour les autres. Ça fait du bien. Je n’aurais jamais imaginé un tel succès. Et c’est contagieux, car d’autres s’y sont mis…»
Ces nouveaux modes de communication vont-ils se perpétuer après le confinement? L’abbé Jean-Jacques Theurillat confie, sur le site du Jura pastoral: «Il suffit d’écouter la radio ou de regarder la télévision ces jours pour se rendre compte que tous les médias professionnels sont passés à un mode de production plus artisanal». C’est le défi relevé par le Service de communication du Jura pastoral «pour faciliter l’intégration à la célébration des personnes confinées chez elles. Il s’agit de faire véritablement Eglise ensemble, même si nous restons chez nous». (cath.ch/bl/rz)