Le 12 avril 1945, un incendie détruit la cathédrale de Vienne
Un an après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, qui a suscité un vif émoi en France et dans le monde entier, les Autrichiens commémorent le 75e anniversaire de l’incendie de leur cathédrale Saint-Etienne, emblème de la ville de Vienne.
L’incendie de la cathédrale St-Etienne de Vienne les 11 et 12 avril 1945 a laissé un traumatisme profond dans la capitale autrichienne pas encore sortie des affres de la Deuxième Guerre mondiale. Epargné par les bombardements, l’édifice est pratiquement détruit par les flammes. Sept ans plus tard, la cathédrale était à nouveau consacrée, rappelle l’agence catholique Kathpress.
Le 13 avril 1945, la cathédrale Saint-Étienne offre une image pitoyable de destruction. Témoin de pierre qu’on croyait impérissable, l’édifice avait défié jusque-là toute adversité pendant plus de 800 ans, survécu aux incendies, aux sièges et aux guerres.
Selon la presse de l’époque, les spectateurs stupéfaits de la destruction ont été rejoints par un homme en civil avec un chapeau éraflé, qui a incidemment fait la remarque suivante : «Eh bien, nous n’avons qu’à la reconstruire.» C’était le cardinal Theodor Innitzer. Un mois plus tard, le 15 mai 1945, l’archevêque de Vienne informait les fidèles de son diocèse: «Contribuer à la reconstruction de notre cathédrale Saint-Étienne, pour lui rendre sa beauté originelle est une affaire de cœur pour tous les catholiques, un devoir d’honneur pour tous!» Dans un pays définitivement vaincu quelques jours auparavant cet appel se veut prophétique.
Chronologie de la destruction
Revenons un peu en arrière, en mars 1945, les bombardements alliés sur Vienne se multiplient. L’une des attaques américaines, le 12 mars, détruit les deux conduites d’eau de la cathédrale. Ce qui devait avoir des conséquences fatales lors de l’incendie catastrophique un mois plus tard.
Au début avril, les combats font rage entre la Waffen-SS et l’Armée rouge sur le Danube. Le 11 avril 1945, une partie de l’artillerie soviétique est retirée de la place Saint-Étienne où elle stationnait. Durant quelques heures, le centre-ville était sans occupant. Des bandes de pillards en profitent, pour mettre le feu aux boutiques désertées. Un fort vent du sud-ouest souffle des lambeaux brûlants au-dessus de la tour sud. On parvient d’abord a éteindre les départs de feu, mais vers minuit, l’échafaudage de la tour nord s’enflamme. Le beffroi se met à brûler. La cloche ‘Halbpummerin’ de dix tonnes de la tour nord, tombe dans le transept gauche.
Trois jours d’incendie
Le 12 avril, vers 11 heures, le toit entre les deux tours de la cathédrale prend feu à son tour. Pièce par pièce, l’énorme charpente de dix mille troncs de mélèze tombe sur les voûtes qui résistent à la charge. Un trou s’ouvre cependant au dessus du grand orgue, des braises tombent sur l’instrument. Bientôt, des flammes jaillissent des tuyaux d’orgue. Des témoins en ont plus tard rapporté les sinistres gémissements.
A 14h30, la ‘Pummerin’, la cloche la plus lourde d’Autriche, avec ses 22 tonnes, plonge contre la cef de voûte du transept sud. Le soir, le toit a été brûlé, des poutres incandescantes reposent sur les voûtes, mais l’intérieur de la cathédrale semble être sauvé. Tout le monde doit quitter la place car les Soviétiques imposent un couvre-feu dans la zone de combat. La catastrophe finale arrive le vendredi 13 avril, à 4h15 du matin, la voûte s’effondre. Il ne subsiste plus grand-chose de la fière cathédrale Saint-Etienne.
Une reconstruction immédiate
Malgré la misère de l’après-guerre, les Viennois ne veulent pas accepter la perte de leur cathédrale. Ce sont surtout les «petites gens» qui contribuent de manière décisive au miracle de la reconstruction. L’ampleur des travaux nécessaires a rapidement soulevé la question de leur financement. Au cours des quatre premières années, il a été assuré uniquement par les dons volontaires des Viennois. L’élan de générosité de la population est incroyable: beaucoup vendent leurs bijoux de familles ou mêmes leurs alliances pour contribuer à la restauration. Plus tard on mettra en place une loterie pour la reconstruction de la cathédrale, une série de timbres et une campagne de vente de tuiles.
Comment en est-on arrivé là? Dès le 25 avril 1945, deux jours avant la première réunion du gouvernement provisoire et deux semaines avant la reddition inconditionnelle de l’armée allemande, les travaux de nettoyage commencent grâce à l’engagement de nombreux volontaires. Avec les moyens les plus primitifs, environ 4’500 m3 de décombres sont retirés de l’église. Comme les moyens de transport manquent, ils sont stocké du côté nord, près du palais de l’archevêque, dont ils ne seront enlevés que beaucoup plus tard.
Pas d’aide de l’Etat
Au vu des difficultés des premiers jours de l’après-guerre, la question s’est posée de savoir si le début immédiat des travaux de la cathédrale était justifiable. Le «oui» à cette proposition reposait sur le constat que tout retard aurait entraîné d’autres dommages irréparables, notamment en cas de pluie ou de tempête. Le maître d’oeuvre met un point d’honneur à ne pas dépendre des aides de l’Etat. Tout est financé par les dons privés.
Le 19 décembre 1948, la première phase de construction s’est achevée avec l’ouverture de la nef et, peu avant Noël, la première cérémonie depuis la messe de Pâques du 1er avril 1945 est célébré dans la cathédrale Saint-Étienne.
La situation financière reste tendue. En septembre 1951, il semble que la construction doit être stoppée. Le curé se lance dans un «tour de mendicité» à travers toute l’Autriche. Finalement le gouvernement fédéral apporte une contribution de plusieurs millions et de généreux dons viennent de l’association des industriels autrichiens. Des dons arrivent aussi de l’étranger.
Un sanctuaire national
«Après la catastrophe de la guerre, la cathédrale est devenue un «sanctuaire national», «dans lequel l’unité du pays s’exprime de façon magnifique», pouvait déclarer l’archevêque de Vienne lors de la consécration le 23 avril 1952. Le cardinal Innitzer note le «témoignage impressionnant de l’amour des habitants de cette ville pour son église principale».
La veille, la cloche ‘Pummerin’, nouvellement coulée à Saint-Florian en Haute-Autriche, avait déjà été reçue à Vienne après une procession triomphale et provisoirement érigée dans un échafaudage à côté de la cathédrale. Lors de la messe festive du 27 avril, le dimanche suivant, le pape Pie XII est connecté par radio du Vatican. Il salue en allemand cette ‘formidable réussite’.
En 1952, tout n’est cependant de loin pas terminé. Les travaux de la tour nord n’ont pu être achevés qu’en 1957. Les travaux de restauration restants sont en grande partie terminés en 1965, mais ce n’est qu’en 1983 que les derniers dommages ont été réparés dans la chapelle Ste Barbara au pied de la tour nord. (cath.ch/kap/mp)