L'actualité de la résurrection est renouvelée en cette période de crise, selon Mgr Morerod | © unsplash.com
Suisse

Mgr Morerod: «La résurrection est plus actuelle que jamais»

La souffrance, la solitude et la mort, dont on parle tous les jours, donnent aux croyants de vivre plus intensément la perspective d’une vie irrépressible, qui jaillit au matin de Pâques. Fort de cette conviction, Mgr Morerod s’apprête à célébrer la messe de Pâques, face à son smartphone.

Voir les fidèles «pour de vrai», leur serrer la main au terme d’une célébration, échanger quelques mots: tout cela manque à l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Pourtant, la joie de la résurrection reste intacte. Son actualité est même renouvelée, selon lui, en cette période de crise.

Comment fêtez-vous Pâques cette année?
Mgr Charles Morerod: Je célébrerai la messe à l’évêché, diffusée sur notre site internet. C’est un moyen de communion, certes. Mais pas entièrement satisfaisant: on aime être ensemble de manière visible pour célébrer la messe. Nous ne sommes pas de purs esprits.

Que souhaiteriez-vous dire à tous les fidèles de votre diocèse en ce dimanche de Pâques?
Annoncer la bonne nouvelle de la résurrection. Il y a peu, j’étais invité par l’assemblée des EMS de Suisse romande et du Tessin. On m’a demandé: «Qu’est-ce que l’Eglise a à dire aux personnes âgées?» Croire à la résurrection, leur ai-je répondu. Cet horizon modifie la manière d’envisager l’existence quand on sait qu’on va bientôt mourir. Durant une année et demi, un ami attendait une greffe de cœur. Une situation assez particulière, qui signifie qu’un autre doit mourir pour bénéficier d’une greffe. Dans un tel contexte, le mystère de la résurrection prend tout son sens. Et que dire de la situation que nous traversons, de ces deuils rendus compliqués par le confinement? Beaucoup de gens vivent dans la proximité de la mort. La foi en la résurrection n’enlève ni la souffrance ni la peur, mais elle permet aux gens d’agir différemment, dans l’espérance d’une heureuse perspective. Il y a quelques jours, j’ai appelé un prêtre âgé atteint du Covid pour lui apporter une petite consolation. C’est lui qui m’a rendu joyeux. «Je vis ma semaine sainte autrement», m’a-t-il dit. Pour lui, le Mystère pascal n’est pas un concept, mais une réalité existentielle qu’il vit dans la foi.

Reste que la joie de la résurrection est quelque peu ternie cette année pour bon nombre de fidèles.
Ce n’est non pas la joie de la résurrection qui est ternie, mais plutôt la manière dont on peut la ressentir. Les gens sont privés de ces moments liturgiques très forts qui jalonnent la Semaine sainte. C’est une épreuve pour beaucoup.

«La foi en la résurrection n’enlève ni la souffrance ni la peur, mais elle permet aux gens d’agir différemment», assure Mgr Morerod | © Bernard Hallet

Inversement, ce confinement pourrait-il être facteur de renouveau pour l’Eglise?
Sans doute. Si le service de la prière n’est plus organisé à l’extérieur, peut-être est-ce l’occasion de le découvrir autrement, chez soi. La responsabilité de chaque croyant est en jeu. J’ai recommandé de lire chaque jour les lectures de la messe car si l’on est préparé, on comprend mieux ce que l’on reçoit. J’y pense d’ailleurs lorsque je célèbre devant la caméra. Si les personnes se sont plongées au préalable dans les textes que je commente, elles remarquent davantage les lacunes de ce que je dis. J’espère que cette habitude – lire les textes liturgiques – demeurera lorsque la crise sera passée.

La résurrection est indissociablement liée à la passion. Dans le monde, nous vivons une période tourmentée. L’Eglise, et votre diocèse en particulier, n’est pas en reste. L’affaire Frochaux est encore bien présente dans les consciences. La vie peut-elle jaillir de là aussi, au cœur de ces épreuves qui bouleversent les fidèles?
C’est en tout cas un appel à la conversion et une occasion d’humilité. De ce point de vue, il peut y avoir du positif, bien que l’on voie d’abord le côté négatif. Pâques nous rappelle que nous ne sommes pas maîtres de cette vie qui jaillit. On se remet donc dans les mains du Christ.

A y regarder de plus près, la foi de milliards de chrétiens se base sur le témoignage d’un petit groupe d’hommes et de femmes qui affirmaient, il y a deux mille ans, avoir vu Jésus vivant trois jours après sa mort. L’Eglise est en quelque sort un colosse aux pieds d’argile, non?
[Rires] Un théologien juif allemand, Pinchas Lapide – qui a survécu à la guerre – a écrit un livre sur la résurrection. Il réfléchissait comme un policier. Pourquoi ces juifs, disciples de Jésus, se sont-ils mis en danger au point de sacrifier leur propre vie? Quelque chose d’étonnant a dû se produire. Au terme de son enquête, il a conclu que la résurrection de Jésus était la seule raison pour laquelle ces juifs ont pris de tels risques. L’Eglise est peut-être un colosse aux pieds d’argile, mais ce colosse n’est pas rien. La résurrection, sur lequel il se fonde, n’est pas une idée théorique. C’est un fait qui, moyennant la foi, est capable de donner un tournant à notre existence. «Pour moi, vivre, c’est le Christ», affirmait saint Paul. C’est aussi ma devise épiscopale.

Dans notre société assez largement déchristianisée où l’on croit davantage à la science qu’aux miracles, la résurrection peut-elle encore avoir un sens?
Absolument. Quelqu’un me disait que, concernant le Covid, on compte davantage sur les scientifiques que sur les religions. N’empêche, on finit toujours par mourir.

La résurrection est une espérance. Quelles sont vos espérances en ce dimanche de Pâques?
Le désir de vivre éternellement avec Dieu, parce que c’est cela le bonheur. Et pour les personnes seules, confinées, qui souffrent: que la perspective de la vie éternelle soit pour chacune d’entre elles un véritable soutien. (cath.ch/pp)

Un quotidien chamboulé, pour l’évêque aussi
«A mesure que tous mes rendez-vous s’annulaient, je pensais que cette période allait m’offrir du temps pour lire», confie l’évêque. C’est un fait, Mgr Morerod passe beaucoup de temps à lire en ces jours de confinement. Mais il ne s’agit pas tant de livres que de courriers électroniques. «J’en reçois beaucoup plus qu’à l’accoutumée et je prends le temps de répondre». Une charge de travail à laquelle s’ajoutent les humbles tâches du quotidien dans un évêché dépeuplé. «Passer à la poste, trier et distribuer le courrier», par exemple. Au cœur de ces journées, la célébration de la messe diffusée sur internet continue de tenir une place de choix. Suivie chaque jour par plusieurs centaines de personnes, elle est «une occasion de communion spirituelle et un moyen particulier d’annoncer la bonne nouvelle».

L'actualité de la résurrection est renouvelée en cette période de crise, selon Mgr Morerod | © unsplash.com
11 avril 2020 | 17:00
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 5  min.
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