Covid: les indigènes du Brésil menacés de «génocide sanitaire»
Le Covid-19 n’a pas encore touché massivement le Brésil qui ne déplorait, le 7 avril 2020, «que» 566 morts. Mais la population se prépare au pire. Et parmi les plus exposés au virus figurent les peuples indigènes.
Les avis sont unanimes: quel que soit le pays d’Amérique latine, une des préoccupations les plus sérieuses est que le virus puisse atteindre des communautés indigènes, particulièrement vulnérables aux maladies venues de l’extérieur. Les Etats possédant des territoires en Amazonie sont concernés au premier chef.
Cette inquiétude s’est encore aggravée le 27 mars 2020. La nouvelle a été rapportée que, dans le village indigène brésilien de Lago Grande, en plein coeur de l’Amazonie, dix indigènes avaient été confinés. Ils avaient été traités par un médecin qui revenait d’un voyage dans le sud du Brésil et qui avait été testé positif au coronavirus.
Fragilité face aux maladies respiratoires
Le Frère Paolo Maria Braghini, qui travaille depuis 2005 dans la mission capucine voisine de Lago Grande, avec les indigènes Tikuna, est témoin de la situation. Il a déclaré à l’hebdomadaire britannique The Tablet que «ces derniers jours nous vivons en isolement social. Nous prions beaucoup pour que le virus n’atteigne pas les villages indigènes, car cela entraînerait sans aucun doute une véritable tragédie».
Le religieux italien rappelle que la culture moderne de l’individualisme ne s’est pas encore développée chez les divers peuples indigènes et toute la vie est vécue en commun, avec d’intenses contacts physiques. Le virus s’y propagerait donc avec une rapidité encore plus grande qu’ailleurs.
Ces craintes sont confirmées par Sofia Mendonça, médecin sanitaire et chercheuse à l’Université fédérale de Sao Paulo (Unifesp). «Les maladies respiratoires constituent déjà la première cause de mortalité chez les populations natives, explique t-elle. Ce qui rend cette pandémie particulièrement dangereuse pour ces groupes de populations et qui pourrait entraîner un véritable génocide sanitaire».
Inquiétude du Cimi
Le risque de propagation est d’autant plus redouté que pour survivre, de nombreuses communautés indigènes dépendent des programmes sociaux comme la «Bourse Famille», pour s’alimenter à travers des achats effectués dans les villes. «Des recommandations sont données aux populations indigènes de ne pas se rendre dans les villes pour éviter la contagion. Mais elles sont difficilement respectées car les gens ont besoin de se nourrir», poursuit Sofia Mendonça.
Face à l’avancée du coronavirus parmi les peuples indigènes, l’Église catholique, notamment brésilienne, a manifesté son inquiétude. Dès le 12 mars 2020, soit le lendemain de la déclaration de la pandémie mondiale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Conseil indigéniste missionnaire (Cimi) a recommandé à tous ses missionnaires de prendre les précautions nécessaires en ce qui concerne les contacts avec les indigènes.
Inaction du gouvernement
Parmi ces mesures, l’organisme lié à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) exhorte à éviter les visites dans les communautés et à annuler toutes les rencontres et réunions qui pourraient exposer les indigènes et leurs communautés à la contamination.
Il est en revanche impossible d’empêcher le mouvement en sens inverse. Le Cimi s’inquiète ainsi de voir les indigènes obligés de sortir de leurs territoires, a déclaré Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, et président du Cimi. «Nous le déplorons, mais nous le comprenons, car nous observons également que le gouvernement profite de la situation pour supprimer l’assistance sociale aux indigènes, qui est déjà précaire».
Le président du Cimi pointe d’ailleurs du doigt le gouvernement. «Il n’y aucune assistance de la part des autorités. C’est comme si le Covid-19 n’existait pas. Et pourtant les demandes des peuples indigènes affluent. Or, si nous voulons éviter que les indigènes se rendent en ville et prennent le risque de contaminer les leurs, il faut que l’État se mobilise massivement». (cath.ch/jcg/rz)